"A l'hôpital, je me souviens que le médecin me pose des questions (…) Qui vous a fait ça ? J'entends des mots, curetage, charcuterie", se souvient l'ancienne candidate à la présidentielle, à qui il n'arrive alors pas "un millième de seconde l'idée de trahir la dame".
Ce témoignage figure dans le programme "Il suffit d'écouter les femmes" de l'Ina, à venir en janvier.
"Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes", disait Simone Veil lorsqu'elle portait sa future loi dépénalisant l'avortement.
Depuis, la France a été le premier pays au monde, en mars, à inscrire dans sa Constitution la "liberté garantie" d'accès à l'IVG.
A la suite d'un appel à témoignages sur les réseaux sociaux et dans la presse locale, l'Ina a sélectionné 79 témoignages de femmes ayant avorté avant 1975, d'aidants, de faiseuses d'anges, de proches ayant parfois perdu une mère ou une épouse, d'un avocat et d'un juge d'instruction.
La doyenne a 99 ans et travaillait dans une maison d'accouchement pendant la Seconde Guerre mondiale, où les femmes aisées de Tours venaient avorter. La benjamine a elle 70 ans et a avorté lorsqu'elle était lycéenne, avec l'aide de son compagnon.
L'écrivaine et prix Nobel de littérature Annie Ernaux, qui a raconté son expérience traumatisante dans les années 1960 dans "L'événement", se livre aussi.
L'Ina diffusera ces témoignages à partir du 21 janvier sur entretiens.ina.fr dans sa collection d'"entretiens patrimoniaux". Ils seront aussi déclinés dans un documentaire coproduit par France télévisions et diffusé en janvier, dans un livre coédité chez Flammarion, et enfin dans une fiction sonore en cinq épisodes.
Avec un "sentiment d'urgence" avant que cette parole ne s'estompe, Isabelle Foucrier, productrice à l'Ina et coordinatrice du projet, a cherché à recueillir "le concret, le quotidien, le vécu ordinaire, pré-militant, de la clandestinité" des avortements avant la loi Veil, explique-t-elle.
Un comité scientifique a appuyé le projet.
Pour son président Laurent Vallet, l'Ina "a plus que jamais vocation à construire la mémoire d'aujourd'hui et de demain". Au-delà de sa mission première d'archivage, l'institut public s'est transformé ces dernières années en média à part entière.
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