Le ministère de la Défense a dénoncé vendredi dans un communiqué "la tentative d'homicide puis la séquestration de 29 membres des forces de l'ordre" dans le département du Cauca, dans une région montagneuse sous le contrôle des guérilleros de l'État-Major Central (EMC) qui n'ont jamais accepté l'accord de paix signé en 2016 avec la majorité de la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).
Selon le ministère, des "habitants instrumentalisés" par les guérilleros de l'EMC ont participé à cet enlèvement, en représailles contre le gouvernement qui exerce des pressions sur l'EMC après les tentatives infructueuses de négociations visant à obtenir leur possible désarmement.
Des vidéos diffusées par les autorités montrent un char en flammes qui s'éloigne alors qu'un groupe de personnes lui jette des pierres. Sur d'autres vidéos, on voit la police anti-émeute lancer des grenades fumigènes et avancer dans une rue au milieu de coups de feu.
Les événements se sont déroulés dans les municipalités d'Argelia et d'El Tambo, une région où se trouve, selon les Nations unies, l'une des plus importantes concentrations de cultures de coca -l'ingrédient principal de la cocaïne, dont la Colombie est le premier producteur mondial.
Une organisation locale a diffusé des photos montrant les membres des forces de l'ordre retenus dans un centre communautaire, entourés d'habitants et apparemment en bonne santé, assis sur des chaises en plastique et recevant un repas.
Selon une déclaration émanant de "communautés locales", les habitants ont agi en "légitime défense" lorsqu'ils ont été attaqués par les forces armées. Ils ont exprimé leur colère envers les efforts du gouvernement pour éradiquer 8.000 hectares de coca dans la région.
FARC, au coeur de la guerilla
"Crimes de guerre"
Le général Carlos Fernando Triana, directeur de la police colombienne, a exigé la "libération immédiate" des forces de l'ordre en accusant l'organisation Carlos Patiño de les séquestrer.
Le front Carlos Patiño, qui opère dans cette zone, est l'une des principales structures armées rattachées à l'EMC.
L'EMC menait des négociations de paix avec le gouvernement Petro mais s'est scindé en deux factions en 2024.
La faction dirigée par un commandant se faisant appeler Ivan Mordisco opère dans le Cauca et s'est retirée des négociations en multipliant les actions violentes contre les forces de l'ordre.
L'autre faction, dirigée par un homme surnommé Calarca, poursuit les pourparlers.
Les dissidents "non seulement recrutent des mineurs par la force, mais instrumentalisent et contraignent la population civile afin de chasser les forces de sécurité et d'empêcher les institutions de l'Etat d'assurer l'accès à la santé, à l'éducation et au travail (...)", a dénoncé le ministère de la Défense.
"Ces actes constituent des crimes de guerre qui violent le droit international humanitaire et les droits humains, en déplaçant, confinant, isolant et terrorisant la population civile", a-t-il ajouté.
Dans un message sur X, le président Gustavo Petro a affirmé dans la matinée que l'EMC agit avec "désespoir et utilise donc la population civile". "Sa faiblesse militaire ne lui permet pas d'affronter l'armée", a-t-il estimé.
Plus tard dans la journée, le dirigeant a rejeté toute "éradication forcée des cultures", affirmant que le gouvernement avait offert de payer pour une éradication volontaire.
La Colombie traverse sa plus grave vague de violence de la dernière décennie, avec différents foyers dans le nord-est et le sud-ouest du pays. Cette escalade contrecarre la politique dite de "paix totale" poursuivie par Gustavo Petro, premier président de gauche du pays, élu en 2022.
Selon les experts, les pourparlers initiés par le gouvernement Petro ont réduit les interventions militaires contre les différents groupes armés du pays, dont les guérillas et les cartels de drogue, qui en ont profité pour étendre leur emprise territoriale.
Mi-janvier, une autre guérilla, celle de l'Armée de libération nationale (ELN), a pris pour cible dans la région du Catatumbo (nord-est) des dissidents des Farc ainsi que des civils, dont plus de 50.000 ont été déplacés en quelques jours, causant la mort de plus de 70 personnes selon le dernier bilan en date.