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Crimes sexuels : quel suivi pour éviter la récidive ?

Voici les dispositifs mis en place en France pour éviter la récidive en termes de crimes sexuels.
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Les auteurs d'infractions à caractère sexuel représentent 10% des détenus

La vive émotion soulevée par le meurtre de Philippine, étudiante parisienne, doit aussi questionner le suivi des criminels sexuels pour éviter la récidive, ont affirmé une ancienne victime du suspect N.1 et des sénateurs. Le point sur les dispositifs.

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Quel traitement par la justice ? Les "auteurs d'infractions à caractère sexuel" représentaient en juillet 2023 "environ 10% de la population détenue" (alors 74.513 personnes), selon la Chancellerie. Ils sont orientés vers "22 établissements pénitentiaires fléchés avec une prise en charge spécifique". 


Des psychologues des services médico-psychologiques régionaux (SMPR) et des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation les encadrent, notamment à travers des programmes de prévention de la récidive (PPR) devant travailler sur le risque de passage à l'acte. "Des mécanismes incitatifs", conditionnant par exemple des aménagements de peine au suivi de soins, encouragent les détenus.

Certains condamnés sont inscrits au fichier FIJAIS

Les condamnés sont inscrits au fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) pour 20 à 30 ans selon la peine. Ils doivent régulièrement signaler leur adresse et tout manquement entraîne une "ouverture d'enquête par le parquet", indique le ministère. 

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Quel suivi au-delà de l'incarcération? La justice peut prononcer des "suivis socio-judiciaires", des "mesures de surveillance et d'assistance destinées à prévenir la récidive", adossées aux peines de prison ferme pour "les infractions graves" et pouvant s'étaler sur plusieurs décennies après la sortie de prison, explique la Chancellerie.  


"Par exemple pour des sujets pédophiles, ils ne doivent pas trouver d'appartement à côté d'une école maternelle ou d'un square pour enfant, ou avoir un travail d'éducateur", illustre la psychiatre Gabrielle Arena, spécialiste dans l'accompagnement des auteurs d'agressions sexuelles. 


Ces suivis sont accompagnés d'une peine d'emprisonnement en cas de non-respect. 


"Parmi la grande majorité des délinquants et des criminels, les auteurs d'agressions sexuelles sont ceux qui récidivent le moins", estime la docteure Arena : "la personne proche qui est dénoncée, ça l'arrête". Or, les auteurs "connus" de la victime "le père, le mari, le tonton, l'éducateur ou l'instituteur" sont "les plus importants" en nombre selon elle.

Une obligation d'expertise psychiatrique

Sollicité, le ministère de la Justice n'est pas en mesure à date de produire de statistiques sur les récidives de crimes sexuels. 

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Quel accompagnement psychologique ? Pour les infractions sexuelles, la loi prévoit "l'obligation d’expertise psychiatrique pour que le tribunal soit éclairé sur la nécessité ou l'opportunité d'une injonction de soin", à charge pour la juridiction rendant le jugement de la prononcer dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire. 


Une fois libre, le condamné doit "rencontrer un médecin-psychiatre ou un psychologue traitant qui va travailler sur son parcours et son passage à l'acte" à la sortie de prison, explique la psychiatre Gabrielle Arena. 


"Un médecin coordinateur donne l'aval pour le thérapeute" et rend compte auprès du juge d'application des peines (JAP) de ses rencontres régulières avec le condamné. 


Après la remise en liberté du condamné, le Service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) "fait l'interface" avec le JAP pour les autres obligations. Un conseiller convoque régulièrement l'ancien détenu. 

Le suivi médical se heurte à "plusieurs écueils"

Pour les détenus ayant eu les peines les plus lourdes, des "mesures de sûreté" peuvent être ajoutées au terme de l'incarcération. 

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Le suivi médical se heurte à "plusieurs écueils", selon la docteure Arena: celui "du sujet" réticent, chez qui "on n'arrive pas à déclencher une réflexion" et celui "des professionnels", du fait du manque chronique de psychiatres et de formation. 


"Sur le terrain beaucoup de structures refusent de prendre ces patients-là parce qu'ils ont peur, parce qu'ils ne sont pas équipés, qu'ils sont débordés", abonde Walter Albardier, psychiatre assurant la consultation d'anciens détenus en région parisienne. 


Il est également en charge du Centre de ressources pour intervenants auprès d'auteurs de violences sexuelles (CRIAVS) d'Île-de-France. Ces centres, rattachés à l'hôpital public, assurent depuis 2005 "le soutien" des professionnels pour "des prises en charge qui nécessitent toujours d'avoir du recul". 


Composés "de gens très motivés", malgré la faible rémunération et les sujets difficiles, ils peinent toutefois à recruter comme actuellement en Île-de-France où ils sont à la recherche d'un psychologue. 

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