"Cette part sombre a toujours été un peu là mais jamais on n'avait fait appel à autant de complexités chez moi", souligne le comédien-humoriste dans un entretien avec l'AFP, conscient de casser son image avec ce "personnage antipathique au premier abord et qu'il faut vraiment creuser pour apprécier".
Devant la caméra nerveuse de Tristan Séguéla (coréalisateur de la série "Tapie" sur Netflix), Jamel Debbouze n'a pas le temps de rire. Agent de joueur à la dérive, son personnage, Driss, a sept jours pour rembourser des mafieux qui l'avaient aidé à boucler un précédent transfert et qui veulent aujourd'hui leur part du gâteau.
Pour arriver à ses fins, Driss manipule des joueurs ou la mère d'un jeune prodige du foot quand il ne tente pas de séduire les monarchies du Golfe qui, comme dans la vraie vie, ont fait main basse sur de grands clubs européens. Le tout sous l'oeil de son fils (le jeune Milo Machado-Graner d'"Anatomie d'une chute"), son unique boussole morale, avec lequel il tente de renouer.
"Je ne dirais pas que mon personnage est sympa mais, à la fin, je le comprends. Il a sacrifié sa vie de famille et tout donné pour ce sport. Quand on est passionné à ce point, j'ai envie de dire, la fin justifie les moyens", développe Jamel qui partage avec Driss une même adoration du ballon rond.
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"Jamais dégoûté" du foot
Peu importe les arrière-cuisines, les déluges d'argent et les controverses qui ont fini par lasser certains fans: à bientôt 50 ans, Jamel conserve la même fascination pour le foot qu'à l'époque où son oncle l'emmenait, gamin, au Parc des Princes.
"Je te jure, moi je fais du théâtre, je joue dans des zéniths avec des grosses jauges et je passe mon temps à écrire des trucs pour susciter des émotions mais on n'arrivera jamais à la cheville d'un match de foot même si tu me mets tous les auteurs que tu veux, Shakespeare, Corneille, Molière ou Louane", plaisante-t-il.
"Je comprends que ce soit l'opium du peuple", ajoute-t-il, lui qui dit aimer ce sport "plus que tout".
Dans le film, son personnage raconte avec passion à son fils un moment de légende de la Ligue des Champions - la reprise de volée victorieuse du gauche de Zinédine Zidane lors de la finale de la compétition en 2002 - et on devine que Jamel n'a pas eu besoin de forcer son jeu.
"On ne sera jamais dégoûté de ça", tranche-t-il.
Son réalisateur en convient : "Dans ce milieu, tout le monde navigue en eaux troubles et se tire dans les pattes mais tant qu'il y aura des joueurs qui font se lever tout un stade comme un seul homme, on aura encore un peu de raison de se dire qu'on n'est pas foutus", estime Tristan Séguéla.
"Mercato" ne montre certes pas la face la plus glorieuse du sport-roi mais Jamel Debbouze, qui compte plusieurs footballeurs pro parmi ses proches, y voit un appel à ménager les joueurs, encensés aussi rapidement qu'ils sont descendus en flammes.
"Maintenant que j'ai eu la chance de côtoyer des joueurs, ce milieu, et d'avoir fait ce film, j'ai beaucoup plus de sollicitude pour les joueurs. Je les attaque beaucoup moins vite", raconte Jamel. "J'aime davantage ce sport parce que je le regarde maintenant aussi par le spectre de l'humanité. Et je me dis qu'il ne faut pas les accabler trop vite. Il y a des choses derrière qu'on ne soupçonne pas."
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