Dans son dernier spectacle, Caroline Vigneaux dévoile le viol et deux agressions sexuelles qu'elle a subis et tus pendant plusieurs années, parce qu'elle "avait honte".
D'autres, avant, avaient déjà osé. En 2018, Blanche Gardin racontait dans un sketch la douleur endurée lors d'une sodomie inattendue et forcée. En 2023, l'artiste Norma, victime d'inceste, exposait avec humour et décalage ses blessures et sa reconstruction dans "Norma(le)".
Dans son seule en scène "Calme", l'humoriste Swann Périssé confie la "honte" ressentie quand, à l'âge de 13 ans, dans le métro, elle a subi des attouchements d'un homme bien plus âgé qu'elle. On la voit aussi, dans ses vidéos postées sur les réseaux ou sur scène, interroger le sexisme quotidien et la notion de consentement.
Aborder le sujet des VSS lui semble naturel. "Pour moi, le métier d'humoriste, c'est de pointer du doigt, de dire : 'Regardez, ça, c'est pas normal'", dit-elle à l'AFP, estimant que "l'indignation fait partie de [son] travail". A l'automne, sur scène, elle faisait applaudir Gisèle Pélicot, sédatée par son mari et violée dans son sommeil durant dix ans par celui-ci et des dizaines d'hommes.
"Les artistes ont un devoir sur le changement de mentalité", renchérit Caroline Vigneaux, pour qui, "grâce à l'humour, on peut atteindre des objectifs qu'on n'arrive pas à atteindre par la prévention ou par les lois".
Valentine Mabille, productrice de spectacles, constate qu'"il y a plus de femmes qui osent" parler mais lie ce phénomène "avec le mouvement de libération de la parole" plus général provoqué par #MeToo. "Le stand-up, pour les artistes, c'est l'art le plus direct, c'est dire ce qui les remue, c'est leur ressenti. Forcément, quand on se fait agresser, on en parle".
Le "fléau" des violences sexistes et sexuelles examiné dans un rapport sous relation d'autorité
Un festival contre les VSS
"Mais ça reste compliqué pour les artistes, il y a toujours la peur que, si l'on se positionne, on nous colle une étiquette", tempère Mélodie Molinaro, la présidente de Derrière le rideau, une association militant depuis 2021 pour la libération de la parole dans le spectacle vivant et l'audiovisuel.
Dans le milieu de la scène humoristique, des récits de violences sexuelles ont été révélés début 2024, après, notamment, un appel à témoignages lancé par l'humoriste belge Florence Mendez.
Un mouvement MeToo stand-up a émergé dans un secteur marqué par la précarité, rendant difficile la libération de la parole. "Pour être engagé sur des plateaux, il faut fermer sa gueule", résume Florence Mendez.
Parmi les artistes mis en cause, l'humoriste Seb Mellia, qui fait l'objet de deux enquêtes, l'une pour viols et l'autre pour agression sexuelle.
Ces investigations, au stade de l'enquête préliminaire, "sont toujours en cours", selon le parquet de Paris, interrogé cette semaine par l'AFP. Seb Mellia nie les accusations.
Depuis, une charte engageant les salles de spectacles à lutter contre les VSS a été signée "par environ 400 professionnels - comédiens, producteurs, attachés de presse, programmateurs, directeurs de salles, directeurs de comedy club", indique à l'AFP Jessie Varin, l'une de ses instigatrices, par ailleurs directrice artistique du théâtre-péniche parisien La Nouvelle Scène. "C'est encourageant", estime-t-elle.
Pour continuer à rendre le milieu "plus sûr, inclusif et respectueux", Jessie Varin et Mélodie Molinaro organisent le festival "Plus fort.es ensemble", de dimanche au 16 mars, proposant une formation certifiante sur les VSS et des ateliers juridiques.
Une façon de "donner des outils concrets" aux artistes, dont une partie sont auto-entrepreneurs, ou aux programmateurs, indiquent-elles.
La ministre de la Culture Rachida Dati doit en outre présenter vendredi son plan d'action pour "prévenir" les VSS et le harcèlement dans la culture.
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