Suivi par plus de 100 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis, quelques dizaines de millions de plus dans le reste du monde, le "halftime show" de la finale de la Ligue professionnelle de football américain (NFL) est, chaque année, l'évènement musical le plus regardé dans le monde.
Il constitue un défi unique, à savoir faire monter instantanément en température, le temps d'un petit quart d'heure seulement, un public venu voir un match plutôt qu'un numéro musical.
L'artiste doit de fait séduire sur deux fronts, dans le stade et chez les téléspectateurs.
La NFL s'est ainsi offerte quelques moments d'anthologie, comme les apparitions de Michael Jackson (1993), U2 (2002), Prince (2006), Bruce Springsteen (2009) ou Beyoncé (2013).
Mais à la fin des années 2010, plusieurs prestations jugées moyennes comme celles de Coldplay, Justin Timberlake ou Maroon 5 ont donné une impression d'essoufflement.
Pour ne rien arranger, la ligue était en proie à une profonde crise entre propriétaires de clubs et joueurs, qui reprochaient à la NFL sa passivité dans la lutte contre la discrimination raciale.
"Ils avaient un problème d'image et avaient un peu perdu pied avec leur audience et plus encore avec leurs joueurs", résume Murray Forman, professeur de musique et médias à l'université Northeastern.
En 2019, la NFL pivote et confie à la société du rappeur Jay-Z, Roc Nation, la production du show de la mi-temps.
La star est alors accusée par certains d'avoir permis à la ligue de s'acheter une vertu à peu de frais, mais lui rétorque que "spectacle et changement social peuvent se conjuguer", invitant à une approche pragmatique.
Comment le show de la mi-temps du Super-Bowl est-il devenu un événement incontournable ?
Second souffle
Roc Nation parvient à attirer The Weeknd, puis Rihanna, qui avait refusé l'invitation de la NFL quelques années plus tôt, en véhiculant des valeurs plus proches de celles des joueurs, qui sont issus de minorités pour les deux tiers.
Le "halftime show" redevient un moment culturel de premier plan, abondamment commenté dans les médias et sur les réseaux sociaux.
A la fois entrepeneur touche-à-tout, à l'aise dans les milieux d'affaires, et artiste reconnu aux racines très modestes, Jay-Z s'est posé en trait d'union entre le conseil d'administration de la NFL, les joueurs et le public.
"Il a relativement bien manoeuvré et, aujourd'hui, on se rend compte qu'il avait raison" d'accepter ce partenariat, selon Murray Forman. "Il a essuyé des critiques, mais il est allé de l'avant (...) et aujourd'hui, les reproches qu'on lui faisait se sont évaporés."
"Ce sont de grands partenaires qui nous ont apporté beaucoup de valeur ajoutée", a déclaré le patron de la NFL, Roger Goodell, en décembre, la ligue ayant renouvelé son engagement initial de cinq ans avec Roc Nation.
Cette dernière a une nouvelle fois touché juste, en s'assurant la présence du rappeur Kendrick Lamar, qui vient de rafler cinq Grammy Awards lors de la récente cérémonie des trophées américains de la musique.
Le Californien crée la sensation partout où il passe avec son univers créatif très riche sur le fond et la forme, adapté aux grands rassemblements comme le Super Bowl.
Le hip-hop étant le genre musical le plus populaire au monde, Roc Nation répond aussi aux goûts du public, mais quelques voix s'élèvent pour réclamer une diversification.
Si le sort du rock, à l'audience déclinante, semble incertain, d'aucuns militent pour le retour au Super Bowl de la country, en pleine résurrection.
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