L’affaire Sylvain Alloard : 27 ans de mystères 

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En 1998, un militaire est abattu sur son parking de deux balles dans la nuque. Règlement de comptes ? Divorce compliqué ? 27 ans plus tard, le meurtrier court toujours.
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Il est aux alentours de 13 heures, le 23 mars 1998. 

Un appel bouleverse la quiétude de la petite commune de Saint-Savournin. André Lenel, maire de la ville, reçoit la terrible nouvelle : son neveu, Sylvain Alloard, a été abattu à Marseille, sur le parking de sa résidence, dans le 9e arrondissement de la ville. 

Les premières découvertes sur la scène du crime

Le matin du 23 mars 1998, Sylvain Alloard, alors marin sur le porte-avions Clemenceau, se prépare pour aller au travail.

Mais le pneu de sa voiture est crevé. Il va chercher un cric et une roue de secours. 

Au moment où il se baisse pour commencer à changer sa roue, deux coups de feu sont tirés. Sylvain est mort. 

Guy Fazi, l’enquêteur chargé de l’affaire, se rend sur les lieux du crime, un quartier résidentiel, calme.

Ce qu'il découvre est étrange : la voiture de Sylvain, une Citroën Xantia, garée sur le parking, accompagnée d’un cric et d’une roue de secours. Le jeune homme s’apprêtait à changer un pneu crevé. C’est là, dans cet instant de banalité, qu’il est abattu de deux balles dans la nuque.

Dans le livre Au bout de l’enquête : les plus grandes affaires criminelles passées au crible, Guy Fazi témoigne : “On apprendra par la suite que l’un des pneus de son véhicule était effectivement crevé. Non, loin du véhicule, on retrouve deux douilles. Sylvain n’est pas mort sur le coup. Il est d’abord tombé dans le coma avant de décéder quelques heures plus tard à la clinique Résidence du Parc. L’autopsie montrera qu’il a été atteint par deux balles dans la nuque alors qu’il changeait sa roue. Sur le moment, la première chose à laquelle on pense, c’est un règlement de comptes. Du moins, tout est fait pour que ça y ressemble.

Le coupable est là, dans l’ombre, mais il reste insaisissable. Le tueur, ou plutôt les tueurs, semblent connaître les lieux. 

Un complice, une fuite à bord d’une Renault 21 grise, et une arme peu courante, une 22 Long Rifle. Mais pourquoi Sylvain Alloard ? 

Les premières pistes : un règlement de comptes ?

Les recherches commencent. Auprès des voisins, plusieurs témoignages émergent : trois personnes ont vu un homme de forte corpulence, portant une casquette orange et bleue, se faufiler près de la scène du crime. Et ce n’est pas tout : il était accompagné. 

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Mais la piste du véhicule volé, une Renault 21 grise, n’apporte rien. 

Une victime sans histoire

Sylvain Alloard n’avait aucun casier judiciaire, un homme sans tache, respecté. Mais l’enquête va se tourner peu à peu vers sa vie privée. 

Les enquêteurs découvrent un premier élément troublant : Sylvain avait été menacé, quelques mois auparavant, par une de ses anciennes conquêtes, Rosita. 

C’est l’ex-femme de Sylvain qui remet la lettre de menace aux autorités qu’elle a reçu par erreur huit mois auparavant. 

Mais la piste Rosita est écartée. Les deux s’étaient réconciliés au moment des faits.

Un divorce houleux et une guerre familiale

Puis l’affaire prend un tournant plus intime encore. 

La belle famille de son ex-femme l’oppressait. Il ne supportait plus leur omniprésence et décida de divorcer. 

Sylvain était dans une procédure de divorce douloureuse, avec une guerre de plus en plus féroce autour de la garde de leur fille. 

Il se sentait épié. Il avait commencé à constituer un dossier de malversations financières sur son ex-femme et ses beaux-parents. 

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Le 9 septembre 1997, huit mois avant sa mort, il rédige un testament où il précise ne pas vouloir que la mère de sa fille dispose de ses biens

L’enquête prend alors un virage. L’ex-femme de Sylvain et son amant de l’époque sont placés en garde à vue.

Elle nie être impliquée dans l’affaire et décrit Sylvain comme un homme dépressif qui était devenu alcoolique. 

Mais sans que personne ne sache pourquoi, l'interrogatoire se termine après 37 heures sur les 48 heures autorisées…

Faute d’éléments suffisants, une ordonnance de non-lieu est rendue en août 2007. L’affaire est classée.

La réouverture du dossier

Les années passent. Le souvenir de Sylvain Alloard s’estompe, mais la famille ne lâche pas. En 2012, la tante et l’oncle de la victime écrivent une lettre à Christiane Taubira, alors garde des Sceaux, pour demander la réouverture du dossier. 

Cette fois, l’affaire Alloard refait surface. 

Des incohérences et des contradictions

En 2017, le logiciel d’analyse criminelle AnaCrim permet aux enquêteurs de découvrir plusieurs incohérences dans les déclarations des membres de la belle-famille. 

Une contradiction majeure émerge concernant une intrusion dans l’appartement de Sylvain, survenue 18 jours avant le meurtre. 

Le jeudi 5 mars à 22h, sa voisine entend des bruits et décide d’aller voir ce qu’il se passe. 

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Un homme et une femme se trouvent dans l’appartement de Sylvain. L’homme lui explique que Sylvain leur a prêté son appartement. 

Elle sait que c’est faux. Peu après, elle les voit descendre l’escalier dans le noir, comme s’ils ne voulaient pas être vus. 

Aucune infraction apparente, ils avaient donc un double des clés. Les enquêteurs découvrent que l’ex-épouse de Sylvain avait fait faire un double chez un serrurier deux mois après leur rupture. À l’époque, elle multiplie les contradictions sur la raison de ce double. 

Une autre contradiction concerne l'alibi de l’amant de l’ex-femme de Sylvain, qui affirmait être à Aubagne, chez un client, au moment du crime, accompagné d’un ami. 

En 2002, l’ami nie sa présence mais deux ans plus tard, lors d’une confrontation, l’ami finit par confirmer qu’il était bien avec lui mais l’identité du client n’a jamais été confirmée.

Un véritable mystère

En 2025, le mystère reste entier.

Les gendarmes, aujourd’hui, poursuivent leur travail d’analyse, redécryptant chaque détail, scrutant chaque nouvelle piste. 

La mère de Sylvain est morte laissant derrière elle des questions sans réponses. 

Sylvain Alloard, lui, continue de reposer dans l’ombre de son meurtre non résolu.

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