Le "gang des grands crus" jugé à Bordeaux pour des vols estimés à 5 millions d'euros

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Douze membres présumés d'un réseau surnommé "le gang des grands crus", dont cinq Chinois, comparaissent à Bordeaux à partir de lundi pour des cambriolages d'entrepôts de vin dont le préjudice avoisine cinq millions d'euros, sur fond d'imbroglio juridique.
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Après deux ans de bataille procédurale, jusqu'à la Cour de cassation, la cour d'appel de Bordeaux a hérité du dossier et doit juger jusqu'à vendredi les prévenus, poursuivis pour vols avec effraction et en réunion, association de malfaiteurs, ou recel.

Le démantèlement du réseau, actif à partir de 2019, remonte à décembre 2020: un vaste coup de filet menés par des gendarmes et des policiers en Gironde, Dordogne et dans la Loire vise alors à interpeller "différentes équipes de voleurs spécialisés dans les vols de grands crus", selon un communiqué de l'époque.

Une seconde opération, menée en mars 2021 par la gendarmerie dans un centre commercial de vente en gros à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), permet ensuite "d'identifier une importante filière de recel de la marchandise dérobée, composée de commerçants et de restaurateurs de la communauté asiatique".

Les enquêteurs ont saisi plusieurs centaines de bouteilles de très grands crus du Bordelais - Château d'Yquem, Lafite Rotschild, Angélus, Petrus, Château Margaux, Cheval Blanc - et d'ailleurs, comme des Romanée-Conti de Bourgogne.

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"Pillage"

"Certains vins sont devenus une cible privilégiée pour les voleurs, surtout que derrière, ils se revendent très facilement, pas comme un tableau", explique à l'AFP le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB).

Le préjudice estimé à environ cinq millions d'euros inclut un butin d'au moins trois millions d'euros de vin, le reste correspondant notamment à des vols de véhicules et des dégradations, selon une source proche de l'enquête.

Étaient ciblés des entrepôts de sociétés ou de maisons de négoce autour de Bordeaux. "Un véritable pillage", résume le conseil d'une des victimes.

Les cambrioleurs, très "chevronnés" selon les enquêteurs, agissaient de nuit en utilisant des fourgons volés. "Il y a un côté hyper technique, hyper sophistiqué, pas du tout Pieds nickelés", reconnaît Me Alexandre Novion, qui défend l'un des mis en cause pour vols aggravés. 

Ce Girondin de 34 ans, au casier judiciaire lourd de vingt mentions, est aussi poursuivi pour violences aggravées, ainsi que pour le vol avec violence d'une somme d'environ 100.000 euros au préjudice de plusieurs de ses co-prévenus chinois. Jugé en récidive, comparaissant libre, il encourt 20 ans de prison. 

Cinq prévenus sont natifs de la province du Zhejiang (est de la Chine).

Selon un enquêteur, "les vins étaient exportés en Chine, écoulés chez des restaurateurs et commerçants de la communauté asiatique en région parisienne, ou revendus à des particuliers par des réseaux informels".

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"Receleur" ou "commanditaire" ?

Me Aurore Le Guyon, conseil d'une société victime, décrit une filière "avec des bouteilles qui partent à Paris et puis après, très certainement, à l'étranger".

Pour l'avocate, "le point commun entre les voleurs" est un "receleur chinois", restaurateur âgé de 60 ans établi en Gironde. "Receleur? Moi je parlerais plutôt d'un commanditaire", assène Me Novion.

Le qualificatif fait bondir Me Charles Dufranc, avocat du sexagénaire: "Il n'est pas du tout la cheville ouvrière d'un trafic à 5 millions d'euros", s'insurge-t-il. "C'est un galérien (...) Il y a une fraction des faits pour lesquels il s'est compromis, après il a aussi beaucoup subi."

Ce prévenu encourt pour sa part 10 ans d'emprisonnement.

Mais le procès, ajourné en 2023 devant le tribunal correctionnel en raison d'irrégularités dans l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction, ira-t-il à son terme ? Selon l'arrêt de la Cour de cassation, la cour d'appel devra d'abord décider si elle peut juger l'affaire, ou la renvoyer au parquet pour mise en conformité de l'ordonnance.

"En l'état, on est encore sur un dossier où l'ordonnance de règlement est déclarée irrégulière", fait valoir Me Dufranc.

Pour lui, les droits de la défense sont en outre "dégradés" par l'absence de jugement de première instance qui empêcherait les prévenus, en cas de condamnation, de faire appel sur le fond du dossier.

"C'est regrettable", confirme Me Novion, qui déplore aussi cette "perte d'un degré de juridiction".

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