Jeudi, devant la cour criminelle du Morbihan à Vannes, l'ex-chirurgien viscéral a annoncé reconnaître sa culpabilité pour l'intégralité des viols et agressions sexuelles sur ses victimes majoritairement mineures, selon son avocat Me Maxime Tessier.
"C'est un procès très intense, très fort en émotion, avec un homme qui ne cherche pas à se sauver lui-même", déclare-t-il à l'AFP.
Depuis le 24 février, les audiences permettent de démentir "les caricatures" de l'accusé, montrant que les pédocriminels "ne sont pas des monstres (...) même si leurs actes sont monstrueux", estime-t-il.
Des audiences durant parfois dix heures d'affilée, avec de rares et courtes suspensions, des témoins interrogés cinq heures sans interruption: "un rythme très serré, des journées très chargées avec des ascenseurs émotionnels", résume Me Francesca Satta, avocate de plusieurs parties civiles.
La plupart des audiences se sont tenues sans huis clos, preuve que "les victimes désirent briser le silence et que la honte change de camp", souligne-t-elle, reprenant les mots de Gisèle Pelicot, devenue un symbole des victimes de viols après avoir refusé le huis clos pour le procès de ses agresseurs.
À Vannes, avec les témoignages des proches de l'accusé, les premières semaines ont permis de cerner la dynamique incestuelle régnant dans la famille Le Scouarnec ainsi que les silences ayant permis au médecin d'agir de longues décennies en toute impunité.
Puis l'audition du directeur de l'enquête a poussé la cour à se pencher sur l'épineuse question des personnes non identifiées ou non investiguées, bien que mentionnées par le médecin dans ses carnets comme victimes de violences sexuelles.
L'une d'elles est sa propre petite-fille, sur laquelle il a reconnu avoir commis des "abus sexuels", lors d'un moment fort de l'audience.
Le parquet de Lorient (Morbihan) a ouvert une nouvelle enquête préliminaire sur "des victimes éventuellement non identifiées ou nouvellement déclarées" d'"agressions sexuelles et viols" perpétrés par Joël Le Scouarnec.
Enquête préliminaire pour identifier d'autres victimes du pédocriminel Le Scouarnec
"Solidarité"
Les premiers jours, se souvient Manon Lemoine, l'une des 299 victimes, "c'était assez insoutenable, avec un crescendo dans la violence".
Très vite, elle éprouve de "la colère" face à l'impassibilité de Joël Le Scouarnec.
Crâne chauve, lunettes, visage inexpressif, l'accusé, 74 ans, débite jour après jour à ses proches et ses victimes des excuses presque identiques avec un débit contrôlé. Ses yeux seuls trahissent une émotion, indéfinissable.
Son masque se fendille enfin le 5 mars, quand il raconte avoir pris conscience d'être "un violeur". "Je ne veux plus de mensonges", promet-il.
Du chiqué, accuse Manon. "Il est dans une maîtrise absolue de ses émotions. C'est lui qui nous présente sa personnalité et il nous dit seulement ce qu'il a envie de dire."
Mi-mars, la jeune femme de 35 ans est auditionnée. L'accusé a reconnu son viol. Elle repart "soulagée" du tribunal, "galvanisée" par la présence de victimes venues la soutenir et qu'elle soutiendra à son tour.
"La lueur de ce procès, c'est la solidarité qui s'est créée entre nous."
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"Laboratoire"
Hors-norme, le procès a nécessité un dispositif "novateur": un amphithéâtre a été installé, avec la retransmission en direct de l'audience pour les parties civiles, rappellent à l'AFP Ronan Le Clerc, secrétaire général du parquet général de Rennes et Marie-Line Pichon, secrétaire générale de la première présidence.
"Une solidarité s'y est instituée entre les victimes", estiment-ils. "Certaines se sont senties protégées par la retransmission, évitant d'être confrontées physiquement à l'accusé".
Présente dans l'amphithéâtre, une psychologue de l'association France victimes a été sollicitée 80 fois lors des trois premières semaines du procès, assurent-ils.
Pour Me Marie Grimaud, qui représente 39 parties civiles, ce premier mois d'audience a été "un laboratoire dynamique, vivant, en direct, qui mériterait que le débat se crée maintenant" sur la prévention de la pédocriminalité.
Mais, malgré une forte médiatisation, "la société peine à dépasser le stade de la sidération collective", regrette Solène Podevin-Favre, co-directrice de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
"Même si le procès a montré des failles systémiques, aucune figure politique ne participe au débat pour réclamer plus de prévention contre la pédocriminalité", dit-elle, dénonçant "un silence assourdissant".
Il reste trois mois d'audience pour que "les politiques s'emparent du sujet", rappelle Manon Lemoine. "Et si ce n'est pas cette affaire qui fait bouger les choses, je me demande ce qu'il leur faut."
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