Dans le Haut-Rhin, un pompier est mis en examen pour viol sur une jeune collègue qu'il formait ; dans l'Hérault, un médecin-chef des sapeurs-pompiers est poursuivi pour agression sexuelle sur des personnes de son entourage professionnel ; dans le Nord, une sapeur volontaire se suicide après du "harcèlement et des agressions sexuelles"...
Ces affaires ont récemment révélé à l'opinion publique que les quelque 250.000 sapeurs-pompiers de France, ces "héros" censés porter secours, ne sont pas exempts des comportements déviants vus dans d'autres métiers tel que le cinéma où le mouvement #MeToo a pris toute son ampleur.
"Comme le #MeToo dans les armées par exemple, on observe une libération de la parole", explique à l'AFP le commandant de sapeur-pompier professionnel Schemseddin Hermi, référent national égalité-diversité de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF).
"Il ne faut absolument pas jeter l'opprobre sur notre institution. Mais tout s'installe pour que plus rien ne passe", assure-t-il en marge du Congrès national des sapeurs-pompiers à Mâcon.
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"Transformer les esprits"
Les Services départementaux d'incendie et de secours (Sdis, structures des pompiers) "veulent faire bouger les lignes, faire tomber le tabou et traiter chaque signalement", assure l'officier. "On avance chaque année. Il y a une transformation des esprits", jure-t-il, évoquant un ensemble de mesures qui ont été mises en place dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
"On accompagne les chefs de centre sur les signalements. On leur donne des outils. On met en place une formation et on instaure la transparence de la sanction."
Il faut ainsi "désormais communiquer sur les sanctions décidées en interne, comme les révocations, pour que les agents se sentent en sécurité et que la parole se fasse", dit le commandant.
La sanction administrative, justement, c'est celle qui manque, estime pour sa part Sébastien Delavoux, animateur de la CGT-Sdis, deuxième syndicat de la profession.
Le représentant cite le cas d'un sapeur-pompier, condamné à 15 ans de réclusion pour viols et harcèlement sur plusieurs de ses collègues. Malgré l'instruction en cours de son cas par la justice, sa direction "a non seulement maintenu sa rémunération mais lui a en plus donné un échelon". "Les victimes ont vécu cette bienveillance comme la continuité de l'agression", déclare à l'AFP le syndicaliste qui, en février 2021 déjà, avait été à l'origine d'un communiqué de la CGT demandant "la fin de l'omerta et de l'impunité".
Depuis, "je ne dis pas que rien n'a changé mais pas assez", estime M. Delavoux. "Dans l'ensemble, on a progressé mais on a encore un vrai travail à faire".
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"Libération de la parole"
"Les pompiers ont une image un peu sacrée à laquelle on ne doit pas toucher. Parfois, notre institution préfère régler les affaires en interne pour ne pas salir l'image, mais c'est l'inverse qui se produit", dit-il.
"Nous avons les mêmes problèmes qu'ailleurs mais #MeToo n'est pas encore passé par les pompiers", accuse-t-il, pointant du doigt le manque de place encore accordé aux femmes.
Autorisées dans la profession en 1976 seulement, il a encore fallu attendre 2016 pour que la première femme enfile le casque. Aujourd'hui, environ 20% des pompiers sont des "pompières", un terme encore très rarement utilisé, mais "certaines casernes n'ont toujours pas de vestiaires pour femmes", dénonce le syndicaliste. Et les uniformes adaptés à la morphologie féminine ne sont arrivés qu'il y a deux ans.
"C'est lent mais on travaille beaucoup", explique la lieutenante-colonelle Isabelle Bérard, référente "mixité et lutte contre les discriminations" au Sdis des Bouches-du-Rhône.
Ce poste de référent existe dans chaque Sdis depuis deux ans, afin d'"accompagner la hiérarchie et de suivre les dispositifs de signalement", explique-t-elle. "On a un vrai objectif tolérance zéro".
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