Hélène, enseignante en collège en classe de Segpa (Section d'enseignement général et professionnel adapté, pour des élèves en difficulté) dans le Tarn, n'a fait grève qu'une seule fois dans sa carrière, entamée il y a quelques années après une reconversion. Mais elle a décidé de suivre le mouvement "parce qu'il y a une sorte d'accumulation", explique-t-elle.
"On sent énormément de mépris de la part des responsables politiques. Nicolas Sarkozy a réussi à s'illustrer récemment" en affirmant que les professeurs des écoles ne travaillaient que six mois dans l'année, mais "c'est une mentalité politique générale qui met à mal vraiment le monde enseignant", ajoute-t-elle. "On se sent vraiment comme des serpillères".
"Je vois des choses qui ne seraient même pas pensables en entreprise. Il n'y a pas de ressources humaines, zéro médecine de travail. On est vraiment à l'ère du silex", pointe-t-elle, dénonçant une "maltraitance" des profs.
Comme elle, nombre d'enseignants ont prévu de répondre à l'appel d'une intersyndicale rassemblant presque tous les syndicats enseignants (FSU, Unsa Education, CGT Educ'action, CFDT Education, Snalc, Sud) à "participer aux différentes mobilisations".
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Les écoles très impactées
La FSU-Snuipp, syndicat majoritaire dans le primaire, prévoit "65 % de grévistes" jeudi dans les écoles, et jusqu'à "78 % de grévistes et plus de 300 écoles fermées en Seine-Saint-Denis".
Le Snes-FSU, principal syndicat du secondaire, table sur "au moins 50 % de grévistes dans les collèges et lycées".
"La colère est grande dans l'Éducation nationale", affirme l'intersyndicale dans un communiqué, déplorant notamment les mesures prévues par le ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian, le "fonctionnaire bashing", "l'absence de revalorisation salariale" ou encore les "4.000 suppressions d'emplois" dans l'éducation prévues dans le budget 2025.
L'annonce fin octobre par le gouvernement d'un plan de lutte contre l'"absentéisme" des fonctionnaires a mis en colère les enseignants, remontés contre le passage d'un à trois jours de carence (non payés) et la réduction de 100 % à 90 % de la rémunération en cas d'arrêt maladie.
Les jours de carence sont "un élément de cristallisation de la colère et du mécontentement", souligne Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale de la CFDT Education.
"C'est vraiment une atteinte à nos revenus", sachant que, "par ailleurs, nos salaires ne sont pas revalorisés à hauteur de l'inflation", déplore Servane Marzin, professeure d'histoire-géographie dans un lycée de Seine-Saint-Denis, syndiquée au Snes-FSU.
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"Insultés, humiliés"
"Les jours de carence, ça a allumé la flamme", renchérit Christel, une professeure des écoles à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis), syndiquée à la FSU-Snuipp. Mais "il n'y a pas de problème d'absentéisme chez les profs, il y a un problème de remplacement", ajoute-t-elle.
Cette enseignante, en poste depuis 29 ans, pointe aussi "le problème de salaires, les conditions de travail déplorables" ou encore les difficultés persistantes de l'école inclusive pour les élèves en situation de handicap.
"Au bout d'un moment, on est un peu fatigués de tout ça", résume Virginie Prégny, professeure d'anglais dans un collège en éducation prioritaire à Paris et militante CGT. "On se sent insultés, humiliés, c'est des mots que j'ai pu entendre en salle des profs".
"Il y a un ras-le-bol, un sentiment de dénigrement", abonde Zacharie Signoles, professeur de français à l'IUT d'Aix-Marseille, qui sera aussi en grève jeudi.
Dans l'enseignement supérieur, où les présidents d'établissements ont alerté sur leurs "grandes difficultés" budgétaires, les syndicats ont aussi appelé à une "large mobilisation" jeudi.
"En pleine période de discussion sur le budget, les attaques et les calomnies contre les agent.es du service public n'ont pas manqué ces derniers mois", a déploré l'intersyndicale de l'enseignement supérieur (Snesup, CFDT, CGT, Unsa, Union étudiante, Fage, Unef...) dans un communiqué. "N'en jetez plus !"