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Argentine : le 139e enfant "volé" sous la dictature retrouvé

L'organisation argentine des Grands-mères de la Place de Mai a annoncé mardi la découverte de la "petite-fille N° 139", l'une de quelques centaines de bébés volés à des détenues pendant la dictature argentine (1976-1983).
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L'"enfant", à présent âgée de 47 ou 48 ans, "née entre janvier et février 1978", est fille de Noemi Beatriz Macedo et Daniel Alfredo Inama, militants marxistes-léninistes enlevés en novembre 1977, elle enceinte de 6-7 mois à La Plata, lui peut-être à Buenos Aires, et disparus depuis, a déclaré la présidente des Grands-Mères Estela de Carlotto en conférence de presse. 

"Bienvenue, petite-fille N°139 ! (...) Inexorablement, la vérité sur les crimes de la dictature continue de sortir au jour", a-t-elle lancé, depuis l'Espace de la Mémoire à Buenos Aires, sur le site de l'ancien centre clandestin de torture de l'Ecole Supérieure de Mécanique de la Marine (ESMA), l'un des plus tristement célèbres de la dictature.

L'enfant 139, dont le nom comme de coutume n'a pas été communiqué - il lui appartiendra de le faire si elle le souhaite - a vu son identité confirmée par des tests ADN. Elle a un frère et une soeur biologiques, dont l'un, Ramon, était présent à la conférence de presse.

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"Les yeux de ma grand-mère"

"Elle a les yeux de ma grand-mère, le regard de ma grand-mère, la mère de Daniel, celle qui est morte dans les inondations de La Plata" (plus de 80 morts en 2013), a déclaré à la presse Ramon. Il n'a pas encore parlé avec sa sœur "retrouvée", mais a vu sa photo.

L'organisation des Grands-Mères, qui recherche inlassablement des "bébés volés", a contacté "l'enfant 139", lui indiquant que leurs recherches suggéraient qu'elle pourrait avoir été "appropriée". Elle a accepté un test ADN, qui a rendu son verdict lundi.

L'identification du 139e "bébé volé" intervient moins d'un mois après l'annonce de la découverte du 138e: fin décembre, les Grands-Mères avaient révélé l'identification du fils d'un couple de militants de gauche péroniste enlevés en 1976 et disparus.

Sous la dictature, quelques centaines d'enfants -environ 300 selon des estimations- ont été volés. Nés d'une mère en détention, ils ont été donnés à un foyer qui voulait ou ne pouvait avoir d'enfant -- foyer souvent politiquement proche du régime.

Au long de 47 ans de recherche, dans 139 cas l'identité originelle de l'enfant a été retrouvée. Parfois donnant lieu à des retrouvailles émouvantes avec les survivants de sa famille biologique. Mais parfois aussi après leur décès.

Selon les estimations d'ONG des droits humains, quelque 30.000 personnes sont mortes ou ont disparu pendant la dictature. Bilan aujourd'hui contesté, notamment par le président ultralibéral Javier Milei, qui parle de moins de 9.000, invoquant la liste "officielle" de la Commission nationale sur la disparition de personnes (Conadep), qui en 1983-84 dressa un registre - provisoire - de 8.961 disparus.

Mardi, Estela de Carlotto a profité de l'annonce pour dénoncer des suppressions d'effectifs au Secrétariat des droits de l'Homme, dans le cadre de l'austérité budgétaire sous le gouvernement Milei, soulignant son "rôle central" dans la quête des enfants volés et "de mémoire, de vérité et de justice qui ont fait de nous un exemple pour le monde".

L'emblématique Mme de Carlotto a ces derniers mois accusé l’exécutif de vouloir "fermer l'ex-ESMA" (l'Espace de la Mémoire) ce que le gouvernement dément, évoquant toutefois une "restructuration", à l'image d'un centre culturel du site, fermé depuis fin décembre à titre temporaire.

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