Un Japonais de 88 ans, dont 46 passés dans le couloir de la mort, innocenté

Iwao Hakamata, un Japonais de 88 ans, a été déclaré innocent jeudi du quadruple meurtre pour lequel il avait été condamné en 1968 et qui lui a valu de passer 46 ans dans le couloir de la mort.
Crédit : Nanako Sudo/Yomiuri /AFP

46 années passées derrière les barreaux

Iwao Hakamata, âge de 88 ans, a été innocenté jeudi du quadruple meurtre pour lequel il avait été condamné en 1968. Cette condamnation lui a valu de passer 46 ans dans le couloir de la mort.

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Quelques minutes seulement après le verdict de ce procès en révision de cette affaire hors-normes, le vieil homme était filmé par les médias japonais en train de sortir de chez lui.


Affaibli physiquement et mentalement par près de cinq décennies à attendre son exécution, le détenu au monde ayant passé le plus d'années dans le couloir de la mort n'a pas assisté à l'audience qui avait lieu à Shizuoka, non loin de là où il vit.

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Habillé d'un chapeau et d'un gilet sans manche par-dessus une chemise claire, Hakamata a descendu quelques marches, soutenu par des proches. Selon les médias locaux, ceux-ci se sont assurés qu'il ne regarderait pas la télévision au moment du verdict.


Cette affaire, qui a débuté en 1966, est un symbole pour les partisans de l'abolition de la peine de mort au Japon, moins nombreux dans l'archipel selon les sondages, que ceux qui y sont favorables.


Ancien boxeur devenu employé dans une entreprise de fabrication de miso (soja fermenté), Iwao Hakamata était accusé d'avoir assassiné en 1966 son patron et trois membres de la famille de ce dernier et avait été condamné à la peine capitale deux ans plus tard.


Jeudi, les conclusions du juge ont gravement mis en cause l'enquête.

"Trois éléments de preuve avaient été fabriqués"

"Le tribunal a déterminé que trois éléments de preuve avaient été fabriqués suggérant que l'accusé était l'auteur du crime. En excluant ces éléments, les autres éléments à charge ne suffisent pas à établir qu’il est l’auteur" des crimes, a précisé le juge dans ses attendus.

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Il a également qualifié la méthode d'interrogatoire "d'inhumaine" car elle visait à infliger une "douleur physique et mentale" et à "contraindre à faire des déclarations", thèse que ses avocats ont toujours défendu.


A l'époque des faits, il avait d'abord avoué être l'auteur de ces meurtres avant de se rétracter, évoquant les méthodes d' interrogatoire.


Sa condamnation à mort avait cependant été confirmée en 1980 par la Cour suprême japonaise.


En 2014, un tribunal avait admis des doutes sur sa culpabilité après que des tests ont montré que l'ADN retrouvé sur des vêtements ensanglantés ne correspondait pas au sien.


Ce qu'a confirmé le juge jeudi, en expliquant que "les enquêteurs ont altéré les vêtements en mettant du sang dessus".


Après cet épisode, M. Hakamata avait été relâché. Mais le chemin pour obtenir ce procès en révision fut particulièrement long et tortueux.


Sur appel du parquet, la Haute Cour de Tokyo a remis en cause en 2018 la fiabilité des tests ADN et annulé la décision de 2014, sans pour autant renvoyer M. Hakamata en prison.


En 2020, nouveau rebondissement: la Cour suprême a cassé la décision qui empêchait M. Hakamata d'être rejugé. Et c'est donc le verdict de ce procès en révision qu'attendaient Hakamata, ses proches, dont la cheffe de file est sa soeur Hideko, 91 ans, et ses supporters.

"C'est un très long combat"

Ce verdict réjouit évidemment ses partisans, massés devant le Tribunal dès le début de journée.

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"Le jugement était celui que nous attendions. C'est un très long combat. Notre prochaine action est d'exiger que les procureurs ne fassent pas appel", a déclaré Akiko Abe, une Japonaise de 64 ans, redoutant que l'utilisation de ce droit par le parquet.


"Il y a des gens qui souffrent de fausses accusations parce que la police essaie de tirer des conclusions hâtives. Je pense qu'il y a de nombreux cas dans lesquels nous ne pouvons pas vraiment faire confiance à la police et ne pas savoir si elle a mené une enquête approfondie", a-t-elle ajouté.


Selon ses proches, M. Hakamata souffre d'importantes séquelles psychologiques après avoir passé près de cinq décennies dans le couloir de la mort, souvent à l'isolement, et où chaque jour pouvait être son dernier, comme le prévoit la loi japonaise.


"Nous avons mené une bataille qui semblait sans fin pendant si longtemps", avait déclaré sa soeur Hideko quelques semaines avant le verdict libératoire.


Les condamnés à mort au Japon sont souvent avertis au tout dernier moment qu'ils vont être pendus quelques heures plus tard, la pendaison étant la seule méthode admise pour la peine de mort dans l'archipel, qui compte un peu plus de 100 condamnés à mort dans ses prisons.


"Hakamata n'a pas été traité avec dignité pendant un demi-siècle. Avec ce verdict, j'espère qu'il passera le reste de sa vie dans la dignité", a déclaré Fumio Ogura, un Japonais de 74 ans, devant le Tribunal. 

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