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"Ça vous brise un peu chaque jour": au Texas, les derniers jours d'un condamné à mort

"Ça brise une petite partie de vous chaque jour", confie à l'AFP Steven Nelson, à quelques jours de son exécution programmée, après une douzaine d'années passées dans le couloir de la mort dans une prison du Texas.
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Il arrive au parloir ultra sécurisé menotté dans le dos. Ce n'est qu'une fois assis de son côté de la vitre, et après des tours de clé donnés par les surveillants pénitentiaires, que les mains de Steven Nelson (37 ans) sont détachées par une trappe, le temps d'un entretien avec l'AFP, une quinzaine de jours avant son exécution prévue par injection létale le 5 février.


"C'est parfois dur, parce que vous attendez d'être mis à mort, décrit-il d'une voix calme dans le combiné qui le relie au monde extérieur. Ça brise une petite partie de vous chaque jour. Ça vous brise un peu chaque jour."


"De temps en temps, je dois me reprendre parce que je suis submergé et oppressé. Me forcer à manger, par exemple. Ça vous fait cet effet : vous n'avez plus envie de rien faire", s'épanche le détenu en combinaison blanche, bras tatoués et chaînes argentées.


Steven Nelson est incarcéré dans une prison texane à environ une heure au nord de Houston. 


Il a été condamné à la peine capitale en 2011 pour le meurtre d'un jeune pasteur, Clint Dobson, au cours d'un cambriolage dans une église d'Arlington, près de Dallas.

"Bourré de produits"


Le trentenaire condamné à mort soutient avoir seulement "fait le guet". "Je ne savais pas ce qui se passait à l'intérieur. Et les deux autres (pas jugés, ndlr) m'ont tout mis sur le dos : ils sont libres et je suis enfermé. Je suis dans le couloir de la mort à cause de ce que quelqu'un d'autre a fait, plaide-t-il. J'espère obtenir un sursis. Un nouveau procès."


Son message ? "Le système judiciaire aux Etats-Unis et au Texas doit être réformé, dit-il. L'ADN et toutes les preuves montrent que je n'ai tué personne."

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Steven Nelson a rencontré son épouse pendant ses années en prison.


"Sa rencontre a changé ma vie, raconte-t-il d'un ton égal. Je n'ai jamais eu de contact humain avec Hélène, ça a toujours été derrière une vitre. Quand c'est au-delà du contact physique, quand un sourire vous touche si profondément, ça montre que c'est sincère. Que quelqu'un vous aime à travers une vitre, sans pouvoir vous toucher, sentir votre odeur, inconditionnellement, c'est merveilleux."


Assistera-t-elle à son exécution ?


"Je ne veux vraiment pas qu'elle voie ça, moi qu'on bourre de produits, une overdose pour me tuer, pour que mon coeur s'arrête. Ça effacerait nos bons souvenirs. A chaque fois qu'elle fermera les yeux, c'est cette image qui lui reviendra, pense-t-il. Mais c'est à elle de décider."


Depuis une douzaine d'années, Steven Nelson vit "dans une cellule de 2,5 m sur 3 m, entre 22 et 48 (24, ndlr) heures par jour".

Silence des codétenus


Et "si les surveillants sont en sous-effectif, je n'en sors pas, point. Les conditions de vie dans le couloir de la mort sont précaires. On prend une douche peut-être deux fois par semaine. En hiver la plupart du temps, il n'y a pas de chauffage. Parfois, je vois mon souffle (qui se condense), c'est dire. L'été, il n'y a pas de climatisation. On n'a pas de fenêtre à ouvrir", énumère-t-il, seulement "des ventilateurs".


A l'approche de la date de son exécution, sa cellule est placée sous vidéo-surveillance.


Peindre est son "exutoire". "C'est mon moyen de m'échapper, d'évacuer tout mon stress et ce que je ressens. Je mets toutes mes émotions dans chaque œuvre."


Le jour venu, un prêtre l'accompagnera pour ses derniers instants, selon son souhait. Son "premier contact humain en treize ans, constate-t-il. Ici, nous n'en avons aucun avec les autres détenus."


Sans doute resteront-ils silencieux ce jour-là.


"Le jour d'une exécution, notre manière de protester, c'est de ne pas parler de toute la journée. A personne, ni aux surveillants, ni entre nous. On est dans nos pensées, on prie, en quelque sorte en connexion avec la personne exécutée", explique Steven Nelson.


L'entretien terminé, il repart comme il était arrivé, mains rattachées avant de quitter le parloir.


Vingt-cinq personnes ont été exécutées aux Etats-Unis en 2024. 


La peine de mort, que défend Donald Trump, a été abolie dans 23 des 50 Etats américains. Trois autres, dont la Californie, ont décidé de moratoires.

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