Au milieu du court central Philippe-Chatrier, la terre battue a laissé place à un revêtement synthétique bleu électrique et à une cage en verre. Roland-Garros accueille jusqu'à dimanche non pas un tournoi majeur de tennis mais de padel, un sport qui explose en France.
Le Greenweez Paris Major Premier, organisé pour la troisième année consécutive Porte d'Auteuil, fait partie des quatre tournois du Grand Chelem, avec des épreuves du même niveau au Qatar, en Italie et au Mexique.
Une preuve que la France devient un pays important de cette discipline en plein essor dérivée du tennis, qui se joue en double sur des courts rétrécis et bordés de parois.
"On commence à faire partie des grandes nations de padel", se félicite Stephanie Cohen-Aloro, directrice du padel à la Fédération française de tennis (FFT), interrogée par une journaliste de l'AFP.
L'année dernière, 37 000 spectateurs s'étaient déplacés à Roland-Garros pour voir le gratin mondial. Pour cette nouvelle édition, près de 20 000 personnes supplémentaires sont attendues.
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Demande galopante
La discipline, née à la fin des années 1960 au Mexique et très populaire en Espagne, doit son succès à ses aspects ludiques et accessibles, qui permettent aux débutants de progresser rapidement.
"Si tu laisses passer la balle parce que ça va trop vite, tu as une deuxième chance avec le rebond", souligne Alexandre, adepte du padel depuis cinq mois, rencontré par l'AFP à Roland-Garros.
Le fait de jouer en double est aussi un atout. "Ce qui est amusant dans le padel, c'est que tu n'es pas tout seul comme au tennis, tu partages les victoires et les défaites", abonde Matéo, 21 ans.
Actuellement, la France compte 2248 terrains. Le nombre de pratiquants est passé de 186 000 à 500 000 en quatre ans, selon la FFT.
Joseph Viéville, cofondateur du groupe Players avec les marques Le Five et 4Padel, a flairé l'aubaine économique il y a 10 ans. Acteur historique du foot à cinq, sa société compte aujourd'hui 128 courts de padel répartis dans 21 centres et ambitionne d'en ouvrir 500 de plus en cinq ans.
Au début, "tout le monde nous regardait bizarrement en pensant qu'on parlait d'une pagaie et d’une planche sur l'eau", en référence au stand up paddle, souligne Joseph Viéville. "Aujourd'hui c'est un tiers de notre chiffre d’affaires et dans un an et demi c’est 50 %."
Un virage que le groupe Urban (UrbanSoccer et UrbanPadel) a aussi emprunté avec plus de 85 courts dans 15 centres.
Mais la demande, galopante, reste plus forte que l'offre.
"Pour réserver un terrain à Paris c'est mission impossible, souvent on est obligé d'aller pratiquer en périphérie", regrette Sébastien, les yeux rivés sur le match de l'une des paires françaises engagées à Roland-Garros.
La promotion de cette discipline par des stars du sport, telles que l'ancien basketteur Tony Parker et le judoka Teddy Riner, organisateurs d'un tournoi en juin dernier à Toulouse, contribue aussi à son succès.
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Djokovic inquiet pour le tennis
À tel point que l'essor du padel inquiète le géant du tennis Novak Djokovic. "Au niveau des clubs, le tennis est en danger. Si nous ne faisons rien globalement ou collectivement, le padel et le pickleball (NDLR : autre sport de raquette en vogue aux États-Unis) vont remplacer les clubs de tennis", avait estimé en juillet à Wimbledon l'homme le plus titré en Grand Chelem.
En France, la fédération est loin d'être inquiète. "On n'est pas dans une logique de concurrence", assure Stephanie Cohen-Aloro, soulignant une hausse du nombre de licenciés au tennis.
En 2024, la FFT compte 1,115 million de licenciés, un nombre qui n'avait plus été atteint depuis 2012, dont 70 500 pour le padel.
Le défi de la fédération est désormais de faire du padel une discipline majeure et plus seulement considérée "comme un loisir" par le grand public.
Pour rattraper les meilleures nations comme l'Espagne et l'Argentine, un centre national d'entraînement de padel, dédié à l'élite et aux meilleurs espoirs français, doit d'ailleurs ouvrir cette année.
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