Un livre en peau humaine fait débat au Royaume-Uni

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Un livre présenté au public dans un musée suscite des remous dans le Suffolk, en Angleterre. L’ouvrage a une particularité notable : sa reliure a été façonnée en peau humaine. Pour les spécialistes, cette œuvre témoigne de l’histoire.
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La polémique débute lorsque le Moyse’s Hall Museum, un musée dans le Suffolk (est de l’Angleterre), annonce qu'un livre fait en peau humaine sera prochainement exposé aux visiteurs. L’ouvrage relié avec la peau d’un meurtrier suscite un débat brûlant outre-Manche. Deux camps s’affrontent, certains estiment que le livre devrait être exposé, pour respecter la véracité et le contexte historiques de l’époque, tandis que d’autres avancent que présenter ce livre aux visiteurs serait un acte obscène et sensationnel.

Du cuir avec des peaux de saumon !

Le meurtre de la grange rouge

L'œuvre au centre de la polémique est un livre qui relate le procès d’un meurtrier du 19e siècle. Maria Marten, la jeune femme a été battue et assassinée en 1827 par son supposé amant, William Corden, à la grange rouge, un lieu emblématique de Polstead - dans le comté de Suffolk - alors qu’ils devaient s’enfuir à Ipswich pour vivre leur amour.

Après le meurtre, William Corden s’est évertué à envoyer des lettres aux proches de Maria Marten. Il leur assurait qu’elle était en bonne santé. Le corps de la défunte, découvert dans la grange rouge, lance les investigations.

La grange rouge à Polstead

William Corden est arrêté à Londres où il avait refait sa vie en compagnie de sa nouvelle épouse. Reconnu coupable, l’homme a été pendu en 1828.

Cette affaire a fait l’objet de nombreuses adaptations artistiques, à travers des œuvres cinématographiques (“Maria Marten, or the Mystery of the Red Barn”, 1913) des pièces de théâtre ou des chansons.

“Une histoire authentique et fidèle du meurtre mystérieux de Maria Marten” dont le titre original est "An Authentic and Faithful History of the Mysterious Murder of Maria Marten", écrit par James Curtis et publié en 1828 est aujourd’hui à l’origine du malaise.  

La gêne entourant l'œuvre ne concerne pas tant son contenu que sa forme. L’ouvrage a été réalisé avec la peau du meurtrier de Maria Marten. Et c’est là que réside toute la controverse.  

Le livre de la discorde

Les personnes opposées à la présentation du livre aux visiteurs avancent plusieurs raisons. Tout d’abord, ils considèrent que le meurtrier de Maria Marten, William Corden a d’ores et déjà payé pour son crime. Terry Deary, auteur britannique de la série de livres “Horrible Histories” a réagi auprès de la BBC : “Je sais qu'on n'est pas censé brûler des livres, mais honnêtement, ce sont des objets tellement écœurants. Ce qui était pire que la pendaison, c'était l'idée que leur corps serait disséqué après la mort, et ceci (l’exposition) en est une extension.” L’auteur dénonce une sorte d’énième humiliation dans la mort.

Dan Clarke, responsable du patrimoine, estime lui, auprès de la BBC, que “les livres ont une valeur historique incroyablement importante”. Le livre n’était pas rangé aux archives, il était dissimulé sur une étagère avec d’autres ouvrages aux reliures plus conventionnelles.

Une pratique confidentielle

La technique consistant à recouvrir un livre de peau humaine est appelée la bibliopégie anthropodermique, pratiquée depuis le 18e siècle, et déclinant peu à peu, jusqu’à disparaître avec la Seconde Guerre mondiale.

La pratique est née dans le milieu médical, des médecins utilisant la peau de dépouilles de condamnés à mort non réclamées pour en faire des reliures.

. Dan Clarke a conclu auprès du Guardian : “Pensons-nous que tous les livres reliés en peau humaine doivent être exposés ? Cela se débat au cas par cas.” Il poursuit : “En l'occurrence, ce sont des artefacts saisissants et chargés d'émotion, qui nous permettent d'aborder le thème de l'anatomie du corps criminel. C'est une histoire inconfortable, oui, mais pour apprendre du passé, nous devons d'abord l'affronter avec honnêteté et ouverture."

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