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Augustin Trapenard a rencontré Pedro Almodóvar

Sa peur de la mort, son traitement de l'érotisme, ses convictions politiques… Le réalisateur espagnol Pedro Almodóvar se confie à Augustin Trapenard à l'occasion de la projection de son nouveau film "Strange Way of Life" à #Cannes2023.
Publié le
23
/
05
/
2023

Quel est le prochain film de Pedro Almodóvar ? 

Mercredi 17 mai, le réalisateur Pedro Almodóvar a présenté son nouveau projet hors compétition: un court-métrage de 31 minutes intitulé Strange Way of Life, un western queer où deux cow-boys poursuivent leur idylle de jeunesse 25 après leur rencontre. Pedro Almodóvar est, par ailleurs, l’un des premiers réalisateurs à mettre en scène le désir homosexuel, pleinement illustré dans son dernier projet. En Espagne, le réalisateur espagnol explique que le sujet a largement évolué en 30 ans, contrairement à d’autres pays comme les États-Unis où certains États du pays veulent interdire les spectacles de drag queen, l'homosexualité étant très mal vue. 

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Dans son cinéma, le réalisateur utilise largement l’érotisme qui ne passe pas seulement par les corps mais aussi par les mots et le langage. “Dans mes films des années 80, le désir était vraiment charnel, il y avait des scènes explicites et sexuelles. Mais si on pense aux films des années 1940, notamment aux thrillers et films noirs, le désir se voyait beaucoup plus sur le visage des acteurs, surtout les yeux”. Dans Strange Way of Life, la sensualité se base plus sur les mots que sur les corps, qui, par conséquent, ne sont pas entièrement dénudés. “Je ne braque pas la caméra sur des corps nus, dans ce film. En revanche, les mots, eux, sont très nus. Donc, la réaction de chacun des cowboys face au désir est beaucoup plus sensuelle et érotique que si on avait montré leurs corps”, explique Pedro Almodóvar. 

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Dans son œuvre, tout comme dans toutes les autres, la mort et le désir ne sont jamais loin. “Les amants ne meurent pas. En fait, ils célèbrent leur existence. Et très souvent, ils ont cette réaction pour réaffirmer leur existence. La mort se manifeste seulement autour d'eux”, explique le réalisateur. Un état irréversible qui l’effraie. “Je pense à la mort, je crois, tous les jours. Je suis athée. Donc face au temps qui passe, je n'ai rien sur quoi m'appuyer. Et j'aimerais pouvoir me reposer sur un concept spirituel ou sur une religion. Mais je n'ai rien, donc la mort me fait très peur”. 

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Le désir au coeur de ces films 

Au-delà du physique, ce mot, le désir, désigne aujourd’hui pour le réalisateur une dimension plus politique. “Heureusement, avec le temps, le désir physique s'atténue. Il ne disparaît pas, mais il perd l'aspect anxieux qui l'accompagne quand on est jeune. Et aujourd'hui, le désir, plus qu'une question de physique, c'est la question de faire survivre l'espèce humaine. Nous sommes à une époque où nous ignorons pour la première fois si nous allons pouvoir continuer de vivre sur cette planète. En plus, nous avons beaucoup de problèmes idéologiques qui mettent en arrière-plan le danger que représente le changement climatique. Mon désir actuel concerne l'Espagne, mon pays, car nous aurons le 28 mai prochain des élections. Mon désir le plus profond, c'est que la gauche gagne et que la droite, qui est très offensive, disparaisse du paysage”. 


Très discret sur ses positions politiques, son cinéma est pour lui l’occasion d’affirmer ses idées grâce aux personnages de ses œuvres qui représentent la liberté et l’indépendance morale pour les personnages féminins, le réalisateur mettant souvent les femmes à l'honneur. 

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Strange Way of Life, un format atypique 

Grand habitué des longs-métrages, le réalisateur a, cette fois-ci, souhaité un format plus atypique, d’une durée de 31 minutes. “Malgré toute mon admiration pour Martin Scorsese, je pense que je ne pourrai jamais réaliser un film qui dure 3h45”. Mais comme Martin Scorsese, il partage cet amour de la salle de cinéma, qui représente pour lui un fantasme. “Pour être happé par un film, il faut entrer dans une salle obscure remplie d'inconnus. Les fantasmes du cinéma existent toujours, même si des cinémas ferment. Je pense que les fantasmes du cinéma et les grands personnages du cinéma survivront à tout ce qui se passe”, ajoute Pedro Almodóvar. 

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