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Elle a connu la rue : la chanteuse Lous and the Yakuza raconte
Lous and the Yakuza : vivre à la rue quand on est une femme
La star montante de la musique Lous and the Yakuza a touché le fond avant d’être sur le devant de la scène. Elle raconte à Brut la période, très difficile, où elle s’est retrouvée à la rue.
« Vivre à la rue, c’est l’enfer. Surtout en étant une femme. » En 2015, Lous and the Yakuza a connu la rue. La chanteuse belge fait le récit d’une période très difficile qu’elle a pu traverser grâce à des aides extérieures. Tout commence en décembre 2014, vers la période de Noël. Elle annonce à ses parents qu’elle se consacre entièrement à la musique.
Le choix de la musique
« Je m'étais inscrite à la fac de philosophie et ça faisait quatre mois que j’y étais. Je leur ai dit qu'en fait, l’école était un hobby pour moi. J’aimais bien aller en cours, j’aimais bien apprendre, mais pour moi, c’était quelque chose que je faisais à côté de la musique. J’ai envoyé ça à ma famille et en même temps, je l’ai annoncé à tout mon entourage. Il y a eu des retournements de veste extraordinaires : les gens ne m’accueillaient plus dans leur cœur de la même façon », se souvient la chanteuse.
Elle décrit la suite des événements comme une descente aux enfers. Lous and the Yakuza explique que vivre à la rue, particulièrement en tant que femme, est très difficile. Elle évoque notamment la difficulté de gérer les menstruations. Mais la chanteuse tient à préciser que cette partie de sa vie est due à ses propres erreurs. Ce ne sont pas ses parents qui l’ont chassée. « Je vis depuis que j’ai 15 ans toute seule dans un appartement. J’allais à l’internat la semaine et le week-end, j’étais dans un petit appartement à Namur et mes parents ont financé ma vie jusqu’à mes 18 ans », précise-t-elle.
Ses parents lui ont toujours appris à travailler pour payer son loyer, affirme-t-elle. Pourtant, elle choisit de ne pas appliquer ce conseil et suit sa passion pour la musique. « J’étais incapable de faire autre chose », assure Lous and the Yakuza. Elle est renvoyée de tous ses jobs. Durant ces expériences, elle fait aussi de mauvaises rencontres. L'une la précipite à la rue. Elle décrit cette personne comme quelqu’un qui n’a visiblement aucune compassion ». Elle décide toutefois de lui pardonner, pour mieux avancer.
Être femme et SDF
Les parents de Lous and the Yakuza vivent en Afrique : sa mère est au Rwanda et son père au Congo. « Étant donné qu’il y avait déjà une scission assez forte qui s’était installée dans l’atmosphère familiale, due encore une fois à mes torts, due à ma fierté beaucoup trop excessive à l’époque, j’ai décidé de ne pas demander d’aide aux bonnes personnes », confie-t-elle. C’est d’ailleurs de là que vient son symbole. Il s’agit de quelqu’un qui lève les mains vers le ciel, l’air de dire : « Mais pourquoi moi ? » C’est un geste que la chanteuse fait beaucoup à cette époque sombre de sa vie.
Dans la rue, elle rencontre de nombreuses femmes « extraordinaires ». La première fois qu’elle a ses règles à la rue reste un traumatisme. Elle n’y avait pas pensé avant de le vivre. Aujourd’hui, elle fait des rondes dans les rues de Bruxelles pour apporter des protections périodiques aux femmes SDF. Pour elle, ces éléments coûtent beaucoup trop cher.
« Choisir entre ce que tu vas manger et te protéger, c’est une perte de dignité énorme. C’est quelque chose qui me tient à coeur de le dire et de le partager parce que c’était un des moments les plus durs humainement pour moi. Le fait, je pense, d’être une femme noire n’a absolument pas aidé, parce que t’es encore plus dégradée. Déjà qu’on l’est dans une vie à titre “normal”, mais quand on est à la rue, c’est abominable. Les remarques qu’on reçoit… on m’a déjà craché dessus, alors que je dormais, et ça, c’est… c’est atroce. »
Le bout du tunnel
« Aujourd’hui, on écoute ma musique et c’est la plus grande bénédiction que j’ai eue de la vie », assure Lous and the Yakuza. Elle a pu s’en sortir grâce à deux amis : Bella et Damso. Ce dernier lui aurait sauvé la vie grâce à un discours fait sur un banc un jour, à minuit. « Il m’a donné les plus belles leçons que j’ai reçues de ma vie qui étaient : “Il faut demander de l’aide ou on va pas t’en donner” et "ne laisse pas ta fierté et ton ego avoir raison de toi" ».
Elle espère ne jamais retourner dans une telle situation. La chanteuse est très reconnaissante envers les personnes qui lui ont tendu la main quand elle en avait besoin. Ils lui ont, dit-elle, montré que le monde n’est pas tout sombre, qu’il y a aussi de l’espoir. « C’est à nous de le voir, à nous de le saisir. Et même quand c’est très dur, quand on a envie de tout abandonner, il ne faut pas », conclut-elle.