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Aide-soignante, Halima a sauvé 11 personnes d'un incendie

En sept minutes, elle a sauvé 11 patients de l'incendie de son établissement. Aide-soignante, Halima raconte.
Publié le
27
/
01
/
2020

Le quotidien d’Halima Lamali, aide soignante 


Elle a sauvé 11 patients handicapés endormis des flammes. Elle travaille nuit et jour. Voici son histoire.


Halima Lamali, aide soignante au foyer Perce-Neige de Mareil-sur-Mauldre, dans les Yvelines, a sauvé 11 résidents en situation de handicap d’un incendie en 2018. Elle publie le livre La Veilleuse aux éditions Michel Lafon.


« Je peux pas partir et les laisser là, je peux pas survivre à ça »


Ce soir-là, on m’appelle pour un remplacement de dernière minute, donc je vais travailler. Je commence mon tour comme d’habitude. Il y a 11 résidents en train de dormir. Ils ont pris des somnifères et ils ont des traitements assez corsés. J’entends l’alarme incendie. Ça sonne, ça sonne, ça sonne, et je ne vois rien. Alors j’appelle la directrice pour la prévenir. Elle me conseille d’appeler les pompiers. À ce moment-là, je pousse la porte coupe-feu dans le couloir, et là, une vague de chaleur descend du plafond. Je voyais le plafond s’effondrer, il fallait aller vite, je n’avais pas le temps d’avoir peur.


J’ai pris mon courage à deux mains. Je me suis dit : « Je peux pas partir et les laisser-là, je peux pas survivre à ça ». Il y avait un seul résident qui était trop difficile pour moi. J’étais à bout de forces. Je n’y arrivais plus, donc j’ai appelé mon collègue pour qu’il vienne m’aider. Il a commencé par sortir le lit, mais le lit ne passait pas à travers la porte. Alors on a porté le résident, on l’a mis dans son fauteuil roulant. On l’a sorti et je l’ai roulé dans un drap. Mais le drap s’est pris dans les roues, et ça a fait tomber le résident par terre.


« Je me fais poursuivre par une pompier »


Je commençais à pleurer parce que j’avais peur de lui avoir fait mal. En sept minutes, j’avais sorti tout le monde. Ça peut paraître très rapide, mais quand on le vit, c’est super long. La particularité des résidents, c’est qu’ils sont presque tous déficients : soit autistes, soit avec des pathologies associées. Ils ont des troubles moteurs et intellectuels. Quand j'ai réalisé que tout le monde était sorti, j'ai fait le compte, et là, j'ai vu qu’il manquait une personne. Maria était retournée se coucher.


Je retourne la chercher, et je me fais poursuivre par une pompier qui me somme de rester à l’extérieur. Je ne l’écoute pas parce que je pense que je suis à même de trouver la patiente en premier, étant donné que je connais sa chambre. J'accompagne Maria à l’extérieur, je commence par lui mettre sa robe de chambre, je me fais un petit peu gronder par les pompiers, et je lui mets ses chaussons une fois sorties.


Tout le monde était installé, et ma chef de service m’a dit : « Si vous voulez rentrer, allez-y ! On est là. » Ils m’avaient rejointe juste après que j’ai sorti tout le monde. Mais je me disais que ma mission, c’était de rester jusqu’au bout. De veiller auprès de mes patients, ce que j’étais venue faire toute la nuit. Je voulais finir mon travail.


« Le métier d’aide-soignant est en souffrance »


Je suis rentrée chez moi au matin. Mon fils m’a interpellée en me disant : « Maman, tu te rends compte que tu aurais pu mourir ? Tu as pensé à nous, maman ? ». Et là, je lui ai dit : « Non, je n’ai pas pensé vous, j’ai pensé aux personnes qui étaient avec moi. » J’ai eu la médaille du courage, mais en fait, pour moi, c’était normal. Normal dans le sens où dans notre métier, il faut être courageux.


En fait, même sans le vouloir, on donne tout, parce qu’on se prend en pleine face toutes les émotions des gens. C’est un métier qui prend aux tripes. Soit on le fait avec toute l’énergie qu’on a et on s’épuise vite, soit on ne le fait pas. C’est pas comme aller au bureau, taper des notes et repartir. C’est des histoires de vie, c’est des empreintes que les patients laissent dans notre vie. Des patients, il n’y en a pas beaucoup dont je ne me souvienne pas. Le métier d’aide-soignant est en souffrance. On ne peut changer les résidents qu’une fois par semaine, à cause des dotations… On ne peut pas réduire des êtres humains à une question budgétaire.