Cette vidéo sera publiée prochainement
Post-partum : le tabou des souffrances liées à l'accouchement
#MonPostpartum : briser le tabou sur les suites de l’accouchement
Illana Weizman, doctorante en sociologie et militante féministe, a créé ce hashtag pour aider les futures mères et conscientiser la société. Non, l’après-accouchement n’est pas facile ni glamour.
« Je pensais que seulement mon bébé allait porter des couches… eh bien non ! J’ai moi-même porté des couches pour lutter contre l’incontinence. Parce qu’on n’a pas nécessairement de produits spécifiques adaptés à la période post-partum. On ne sait pas qu’on peut saigner pendant des semaines, des saignements extrêmement abondants pour certaines femmes. Moi, j’ai tellement saigné que parfois, j’avais l’impression de me faire pipi dessus ! » Pour briser le tabou des suites d'un accouchement, Illana Weizman et trois amies ont lancé #MonPostpartum(target="_blank). Elle raconte à Brut pourquoi il est important d'informer davantage sur l’après-grossesse.
« Le corps va se remettre d’un épisode traumatique »
Le post-partum, c’est une période où le corps est enflé, le corps saigne, le corps a mal. C’est une convalescence. C’est un moment, où, pendant au moins six semaines, le corps va se remettre d’un épisode traumatique. Ce n’est pas anodin, une grossesse de neuf mois. Ce n’est pas anodin, un accouchement. Et la période qui suit est également loin d’être anodine.
Ce qui m’a extrêmement choquée, c’est que ma mère ne m’en ait pas parlé, c’est que mes amies qui étaient déjà mamans ne m’en aient pas parlé, et c’est que la société dans son ensemble cherche à garder le secret. Comme si c’était honteux. Comme si on ne voulait pas faire peur. Il y a des réactions de type : « Arrêtez, il va y avoir une baisse de la natalité, les femmes ne vont plus vouloir avoir d’enfants. » Non, on n’est pas là pour faire peur. Ce hashtag, il est là pour informer, pour expliquer que c’est une réalité, qu’il faut être préparée pour le vivre plus sereinement. Autour de 15% des femmes font une dépression post-partum. C’est aussi lié à ça, à ce manque d’information, à ce manque de préparation.
« L’utérus passe de la taille d’une figue à celle d’une pastèque »
Un autre élément qui m’a énormément choquée et auquel j’aurais aimé être préparée, c’est le phénomène des contractions post-accouchement. Les contractions peuvent être extrêmement douloureuses, ce qui a été mon cas. Ces réalités sont très, très communes. L’utérus vient se contracter pour retrouver sa taille initiale. Quand on sort d’un accouchement, dans les films, dans les séries, dans l’inconscient collectif, dans les représentations qu’on a de la femme enceinte et de la maternité, on sort de la maternité, et hop ! Le ventre est tout plat. Il y avait un bébé de 3, 4 kilos… mais une fois qu’il est sorti, on retrouve son corps initial. Mais l’utérus est un organe qui passe de la taille d’une figue à celle d’une pastèque quand il contient votre bébé. Il va se rétracter petit à petit, et ça peut prendre des semaines, voire des mois.
Une jeune femme qui sort de la maternité a le ventre extrêmement enflé
Les pantalons de grossesse sont des pantalons lambda auxquels on ajoute un tissu élastique. Il soutient le ventre et évite qu’il subisse une pression. Comme son nom l’indique, je pensais que je ne porterais ce pantalon que durant ma grossesse. Or - et ce n’est pas représenté dans la culture populaire - une jeune femme qui sort de la maternité avec le nouveau-né a le ventre extrêmement enflé. C’est à peu près l’équivalent d’un ventre d’une grossesse de quatre ou cinq mois. Pour l’estime de soi, c’est assez difficile à gérer.
Si on prend, par exemple, une Kate Middleton qui sort présenter son bébé avec un ventre plat, avec quelque chose qui va cacher la rondeur de son ventre, parce que son utérus n’est pas encore remis en place, ça va mettre la pression sur les nouvelles mamans qui vont se dire : « Mais attends, comment elle, elle peut avoir le ventre plat, alors que moi, quand je sors de la maternité, j’ai encore un ventre énorme ? » Il faut normaliser ce corps post-partum.
« Extrême vulnérabilité physique, psychique »
Les femmes finissent isolées, démunies, face à ces douleurs, face à ce nouveau physique, face à cette convalescence. Ça n’arrive pas à tout le monde, attention, ce sont des symptômes qui peuvent toucher les femmes de façon aléatoire, mais ce sont des choses qui sont quand même assez communes et qu’il faut savoir.
La femme, dans cette période-là, est dans une phase d’extrême vulnérabilité. Extrême vulnérabilité physique, psychique, elle a besoin de tout le soutien du monde. Elle a besoin du soutien de son entourage, de ses amis, de son époux. Mais pour avoir le soutien de son époux, il faut passer à l’action politique et à l’action publique. Il faut un congé paternité conséquent : 14 jours, ce n’est pas assez ! On a besoin d’un congé paternité dure plusieurs mois. Il faut que le père soit là, avec la mère pour nouer des liens avec son enfant, comme la maman, et l’aider. La mère, quand elle sort d’un accouchement, on doit prendre soin d’elle autant que l’on prend soin du bébé.
Les expériences post-partum diffèrent selon les femmes, mais pour beaucoup d’entre elles, les premiers mois après l’accouchement sont une épreuve physique et mentale. D’après le Journal of Psychiatric Research, entre 10% et 20% des femmes souffrent de dépression post-partum.