Prendre le temps de regarder la mer, par Laurence Devillairs

BRUT PHILO. 🌊 Ce qu'il se passe en nous quand on prend vraiment le temps de regarder la mer, par la philosophe Laurence Devillairs.

Philosopher face à la mer


Je suis sûre que tout le monde devient philosophe au moins deux minutes s'il prend le temps de regarder la mer. En fait, c'est pas un paysage, c'est la fin de tout paysage. C'est une surface, alors, qui peut être agitée, mais ça reste en surface, on voit pas le fond, et l'horizon. En fait, c'est un infini horizontal”. Laurence Devillairs, autrice de Petite philosophie de la Mer nous explique quels effets procurent la philosophie face à la mer. 

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La mer apporte une vision qu'elle seule peut apporter : l’horizon infini, redoublé par le ciel. Un contact qui, selon elle, est rare avec l’infini. C’est aussi le seul paysage qui fasse lui-même son propre bruit : “On entend la mer avant de la voir. Vous allez me dire: ‘Oui, les forêts aussi.’ Non, les forêts, elles font du bruit s'il y a des oiseaux, s'il y a du vent... Mais la mer, elle fait du bruit, elle parle constamment.


Pour Laurence Devillairs, la mer est “une inversion totale de nos repères, de nos habitudes, parce que je pense qu'on a fait de l'espace le lieu de notre pouvoir. Et la mer, c’est le seul lieu sur terre qui n'est pas un espace. J'y marche pas. Et donc, je n'ai pas d'emprise. Je pense que tout ce qu'on essaie de faire sur l’eau est un moyen de réaffirmer ce qu'on pense être notre pouvoir. Moi, je pense que s'il y a une écologie, elle doit commencer dans la mer. D’abord parce que c’est la prochaine qui va être saccagée et menacée, elle l'est déjà, et ensuite, parce qu'elle me donne la bonne manière de me comporter. Et elle me montre que, d'abord, il y aura pas de défense de la nature sans rapport esthétique à la nature. D'abord, il faut se dire “c'est beau”. Et quand on dit "c'est beau", il y a quelque chose d'éthique, de moral, d'existentiel et d'écologique qui se passe. Donc pour moi, l'écologie, elle devra être esthétique ou elle ne sera pas. Et ensuite, la mer nous donne le comportement que nous devons avoir, qui passe par une humilité, qui passe par ne rien faire.” 

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Nos repères bouleversés


“Les espaces sur Terre sont des intervalles, c'est des kilomètres, ou des mètres, ou de la hauteur, mais ce sont toujours des tronçons, des segments, des espaces. Dans la mer, ce n’est pas vraiment de l'espace, mais de la durée. En réalité, du temps, mais du temps devenu espace, puisque c'est dans la mer. C'est très troublant. C'est le temps qui est devenu de l'espace. Vous voyez, c'est: combien de temps j'ai passé en mer ? Donc c'est pas du tout le même rapport. Et dans l'espace, je pense, je l'ai jamais fait, mais je pense qu'on a la même sensation que ce qui reste plus palpable, en réalité, c'est pas l'espace, parce qu'il nous échappe de toute part, et puis on ne peut pas le posséder, on ne peut pas le tenir, c'est le temps.”

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