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Coronavirus : urgence dans les favelas
Brésil : urgence dans les favelas
Notre reporter Yohan s’est rendu au Brésil, le nouvel épicentre mondial du Covid-19. Il y a passé du temps avec les habitants des favelas de Rio, les premières victimes de la maladie.
« Les favelas, c'est un monde à part. Elles ont leurs propres normes. C'est vraiment compliqué d'y faire appliquer les gestes barrières et la distanciation sociale. Le Brésil a le plus grand taux d'infections à cause de cette distanciation sociale impossible », affirme le Dr Tiago Vieira Koch, médecin et directeur de la clinique de Rocinha, à Rio de Janeiro. Au Brésil, nouvel épicentre mondial du Covid-19, les habitants des favelas sont les premières victimes du virus. Brut vous y emmène.
L’impossible distanciation sociale
Pour Tiago Vieira Koch, s’il est fondamental de tester les habitants des favelas, cela ne résout pas le problème pour autant. « Au final, la personne se teste, voit qu'elle est positive, mais qu'est-ce qu'elle peut faire ? C'est difficile de s'isoler dans la favela. Les maisons sont petites et les rues sont remplies de gens qui ne veulent pas y croire et qui continuent à avoir une vie normale », déplore le médecin.
D’autant qu’une vraie méfiance par rapport aux discours médicaux et scientifiques s’est installée dans le pays, notamment à cause des discours complotistes du Président Jair Bolsonaro. Et les « coronasceptiques » sont de plus en plus nombreux. « Le coronavirus mes amis, c'est une rumeur. C'est un complot de la puissance chinoise et d'autres lobbies ! » scande un manifestant. « C'est absurde ! On vit dans un pays où il y a du soleil et de l’air pur. Alors pourquoi devrait-on utiliser des masques ? », clame une autre.
« On a un rapport très particulier à la rue, c'est comme notre deuxième maison »
Brut a rencontré Jota Marquez, habitant de la favela de la Cité de Dieu. Jota travaille comme éducateur. Il distribue également des denrées alimentaires aux personnes les plus défavorisées et touchées par le virus. « Nous avons des haricots noirs, du riz, du sel, deux boîtes de conserve de saucisses, du sucre, de l'huile, des pâtes, de la sauce tomate. On aide beaucoup les travailleurs indépendants qui travaillent dans la rue, les vendeurs ambulants », explique Jota.
Pour lui, il est quasi impossible de combattre le Covid-19 au Brésil car faire renoncer les habitants à passer du temps dans la rue s’avère très compliqué. « Surtout à Rio, on a un rapport très particulier à la rue. C'est dans notre culture, c'est comme notre deuxième maison. C'est dans la rue qu'on rencontre notre famille, nos amis. »
À Rio, 1,5 million de personnes vivent dans des bidonvilles
Pour les habitants des favelas, il y a donc deux urgences : manger à sa faim et ne pas être contaminé par le Covid-19. À Rio, 1,5 million de personnes vivent dans des bidonvilles. Une mère de famille, Valdinette, a accepté de raconter à Brut son confinement et ses difficultés pour nourrir ses trois enfants.
« Je suis sans emploi. J'ai trois enfants, je suis célibataire. Je ne peux pas travailler, il faut que je demande de l'aide aux gens. J'ai peur de sortir dans la rue donc je reste à la maison. Il y a des rats. Cela fait 10 ans qu'on vit dans cette situation. Tout est pourri ici, même le sol. Et mes vêtements moisissent avec l'humidité », décrit tristement Valdinette. Pour elle, impossible de désinfecter son logement.
« Bientôt, il n’y aura plus de places dans les cimetières »
Dans les favelas de Rio, l'épidémie progresse. Pourtant, les églises restent ouvertes. Car pour les évangéliques, la religion la plus puissante là-bas, c'est la foi qui va sauver les Brésiliens du virus. « Si on ferme, comment les gens vont-ils pouvoir entretenir leur foi ? Mon système immunitaire est directement lié à ma foi et il va me donner la force pour combattre la maladie. Le moment est grave, mais il y a une force supérieure à l'œuvre qu'on ne peut pas stopper », assure le pasteur dans la favela de Rocinha Celio Brito De Oliveira.
Fin mai au Brésil, le bilan officiel des personnes décédées du Covid-19 au Brésil est passé à 25.000 morts. Toutefois, selon les spécialistes, il y a en réalité 10 fois plus de morts. Au cimetière de Caju, l'un des plus grands de Rio, les personnes décédées du Covid-19 sont entassées dans d’énormes blocs de béton. Afin d’éviter toute nouvelle contamination, le protocole est strict : pas plus de 5 minutes par funérailles. « On est passé de 40 funérailles par jour à plus de 80. Bientôt, il n’y aura plus de places dans les cimetières », s’inquiète Jose Moreira, agent funéraire.