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Pierre a fui l'Ukraine pour protéger sa femme enceinte
Mettre à l’abri sa femme enceinte de 9 mois
La nuit de la déclaration de guerre de la Russie à l’Ukraine, le 24 février 2022, Brut avait rencontré Pierre Mareczko, Français d’origine ukrainienne, dans une station de métro de Kyiv : il est “à peu près, 1h du matin, heure locale, je me trouve dans une station de métro transformée en abri anti-bombes.”
Trois jours plus tard, Brut a échangé de nouveau avec lui. Pierre venait d’arriver en Pologne, où il a fui pour mettre sa femme enceinte de 9 mois à l’abri. Il raconte : “Le matin (du 24 février), Le matin, les bombardements ont commencé à 4h du matin. On les entendait depuis le métro.
À 7h, moi, je me suis dit : il faut que je rentre chez moi pour prendre des affaires, les mettre dans le coffre de ma voiture, prendre la voiture et venir chercher ma femme, sa mère et sa sœur, qui étaient donc dans le métro avec nous.”
Sa décision, il l’a prise après avoir lu sur les réseaux sociaux que les tanks russes rentraient dans Vychhorod, une ville située au nord du quartier dans lequel habitaient Pierre et sa famille. “De façon très précipitée, j'ai rassemblé quelques affaires, je suis descendu dans la voiture, j'ai tout mis dans le coffre. Je suis arrivé à la station de métro.
À peine descendu de la voiture… J'avais appelé ma famille pour qu'ils me rejoignent dans la voiture. Et là, à ce moment-là, les sirènes ont retenti, donc, les sirènes qui vous incitent à vous mettre à l'abri.
“On a vu des militaires qui se préparaient, des chars d’assaut”
Donc à ce moment-là, on avait deux possibilités : soit on retournait dans le métro et là, on y restait pour une durée indéterminée, soit, malgré les sirènes, on prenait la voiture et on partait quand même. On a choisi la deuxième option.
J’ai roulé comme un fou dans toute la ville et je me suis dit : on va essayer d’aller le plus à l’ouest possible et, peut-être, de passer en Pologne, puisque j’ai de la famille, ici, en Pologne.
Dans Kyiv, on a déjà vu des militaires qui se préparaient, il y avait des chars d'assaut, il y avait des militaires qui étaient en position… Des Ukrainiens, hein. Et, sur cette route, il y avait des milliers de voitures, vraiment des milliers, des milliers de voitures, des bouchons énormes.
Donc, quand on est arrivés dans ces bouchons, on a pris notre mal en patience, on a roulé lentement. L’atmosphère était très étrange parce qu’il pouvait y avoir des bombardements à n’importe quel moment. Les soldats ukrainiens étaient sur le trottoir, déjà, armes à la main et prêts à tirer.
“On a roulé sans s’arrêter pendant 15 heures d’affilée”
On a entendu des tirs sur la route, des échanges de tirs. On ne savait pas exactement ce que c'était, sur la route, dans des forêts, à proximité des soldats ukrainiens. On a roulé sans s'arrêter pendant 15 heures d'affilée. Il était hors de question que je m’arrête.
À des moments, on s’est dit : ”On est fatigués, il faut peut-être reprendre un peu de forces, etc.” Mais moi, j’ai insisté pour qu’on roule, pour qu’on roule, vraiment, parce que j’avais peur que les routes se fassent bombarder et qu'on n’ait plus accès aux chemins qu’il fallait absolument qu’on prenne pour arriver à l’ouest, etc.
On a rejoint la file, vendredi soir, des gens qui attendaient pour passer le poste-frontière. Il y avait des milliers de véhicules et le début de la file se trouvait à, à peu près, 12 km du poste-frontière.
“On a peu de perspectives pour l’instant”
Et on s’est dit : “On peut pas encore passer une nuit dans la voiture.” Ma femme est enceinte, je le rappelle encore une fois, de neuf mois. C'est très difficile. Il fallait qu’on se trouve un endroit où dormir, au moins une nuit. Donc, on a décidé de passer la nuit dans un petit hôtel de la ville la plus proche.
Samedi matin, 8h, nous sommes arrivés dans la file. Nous sommes passés du côté polonais hier à 21h, donc ça fait 9h du matin, samedi matin, arrivés dimanche à 21h.
Et on a eu de la chance parce qu'on aurait dû attendre beaucoup plus longtemps, mais au bout de 30 heures d'attente dans la voiture, en fait, dans la file, j’ai cherché à... comment dire... accélérer les choses.
Donc j’ai pris le parti de quitter la place qu’on avait dans la file, ce qui était un pari, quand même, extrêmement risqué, pour avancer le plus possible vers le poste-frontière, et là, essayer de négocier avec des gens, qui ont été extrêmement bienveillants, le passage pour ma femme enceinte, en leur expliquant que c’était très important qu'on puisse passer rapidement parce qu’elle est prête à accoucher à n'importe quel moment.
On a peu de perspectives pour l’instant. On ne sait pas quand on pourra revenir. On ne sait pas combien de temps on va devoir rester ici, en Pologne. On ne sait pas si, un jour, on reverra notre appartement, notre chien, mon beau-père, qui est resté là-bas, au village...
“J'ai cette espèce de culpabilité en moi, en me disant : ta place, elle est là-bas”
Quand est-ce qu’on pourra retourner en Ukraine ? Quand est-ce qu'on pourra retrouver notre vie d’avant, nos affaires, revoir les gens qu'on aime ? Je voudrais retourner en Ukraine le plus rapidement possible pour pouvoir aider, quelle que soit la façon dont je peux le faire.
Je me mets en relation, aussi, avec des structures ici, en Pologne, de manière à envoyer des choses. Avec la France aussi, de manière à faire des choses aussi pour les Ukrainiens.
Donc, je profite de cette vidéo, je ne sais pas, pour aussi dire aux gens qui, en France, auraient envie d’aider les Ukrainiens de ne pas hésiter à rentrer en contact avec moi, de ne pas hésiter à m’écrire pour qu’on essaie de trouver des choses à faire.
Le choix était vraiment terrible parce qu’il a fallu quand même… Évidemment, la priorité, c’était vraiment de mettre ma femme à l’abri. De mettre ma femme et ma fille à l’abri.
Aujourd'hui... C'est pour ça, c'est très frustrant parce que je sais que je suis ici pour les bonnes raisons, je sais que je ne regrette absolument pas ce que j’ai fait, je pense que c’était la décision à prendre, mais j'ai cette espèce de culpabilité en moi, en me disant : ta place, elle est là-bas, ta place, elle est auprès des Ukrainiens, il faut que tu fasses tout ton possible pour pouvoir les rejoindre et pour pouvoir les aider.”
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