À 150 mètres sous terre, les nappes phréatiques s'assèchent
L’urgence des nappes phréatiques dans l’Hérault
En douze ans de travail, Sandro Casagrande, spéléologue et directeur technique de la grotte de Clamouse, n’a jamais connu un tel assèchement. “Je crois que c’était en 2013, il y a eu une grosse canicule et on n'avait pas ça”, explique-t-il. Dans la grotte qu’il dirige, dans l’Hérault, la rivière souterraine descend de plus en plus, soit une perte de cinq mètres par an. Lors de leur dernière expédition, évaluée entre deux et trois semaines, ils avaient les pieds dans l’eau mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Un constat alarmant qui, au-delà de toucher la population qui gravite autour de cette ressource, met aussi en danger la grotte qui l’abrite. “Le constat, outre, ça va être l'assèchement, ça va être le risque de fissures, de failles, d'effondrement de certains endroits de la grotte”. Or, cet endroit est un joyau de l’histoire qui témoigne des changements climatiques et géologiques, selon Sandro Casagrande.
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Charline Morin, ingénieure risques naturels chez Mayane, estime une perte de presque un mètre, depuis leur dernière excursion. Pour elle, cette diminution témoigne d’une ressource de plus en plus fragile écologiquement et environnementalement et de potentiels impacts sur le territoire au niveau des usages de l’eau. Celle-ci alimente six villages, soit un peu plus de 5000 personnes. “Elle n'est pas potable là comme ça, tout de suite, on ne vient pas se servir avec un verre d'eau à l’intérieur. Et après, elle remonte en surface par ce qu'on appelle le cycle de l'eau domestique, qui est un système de pompage. On va récupérer l'eau, on la fait remonter en surface, on la traite, on la rend potable, ensuite, on l'envoie soit dans un château d'eau pour la stocker, soit directement dans les canalisations, dès qu'il y en a besoin, dans la ville”, explique Charline Morin.
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Où en sont les nappes phréatiques aujourd’hui ?
L'eau des nappes phréatiques représente deux tiers de notre consommation en eau potable et un tiers de l'eau utilisée par le secteur agricole. D'après les derniers chiffres qui sont sortis, notamment du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), 75 % des nappes ont un niveau faible à très faible actuellement en France. Dans l’Hérault, si cette nappe phréatique venait à se vider, “il n'y aurait plus d'eau dans plusieurs communes. C'est qu'on a eu au mois de février et de mars. Nous, ici, on a des taux de pluviométrie extrêmement faibles qui sont tombés. Du coup, cette eau ne s'est pas infiltrée. Et là, à partir de maintenant, l'eau de pluie qu'on va avoir ne sert plus à alimenter les nappes, elle sert principalement à la végétation qui est en train de reprendre. On est sur le printemps, donc le renouveau végétal. Et du coup, c'est de l'eau qui ne s'infiltre plus dans les sous-sols”, confie Charline Morin.
Autrement dit, les deux spécialistes prévoient un été très compliqué. “On sait déjà les conséquences qu'il y a eu sur l'été dernier. On a tous pu l'observer partout en France sur les eaux de surface, donc on peut à peu près estimer la continuité qu'il va y avoir. Il faudrait qu'on ait vraiment un mois de mai très, très, très pluvieux pour que ça puisse un tout petit peu rattraper la situation. Ce n’est pas ce qui est prévu”, s'inquiète Charline Morin.
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Quelle est la plus grande nappe phréatique de France ?
En France, il existe des milliers de nappes phréatiques et on ne les connaît pas toutes. Elles sont plus ou moins importantes. Actuellement, la plus grande de France et l’une des plus importantes d’Europe se trouve dans la plaine du Rhin : c’est la nappe rhénane, en Alsace. Elle stocke 35 milliards de mètres cubes d’eau. Elle est suivie de près par la nappe de la Beauce, une région à destination agricole, qui se trouve entre Paris et Orléans. Elle contient 20 milliards de mètres cubes d’eau.
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Est-ce que les nappes phréatiques se remplissent ?
Les nappes phréatiques se remplissent généralement en hiver, avec des précipitations généralement plus importantes que le reste de l’année et avec des températures plus faibles qui évitent l’évaporation de l’eau. Selon le Centre d'information sur l’eau, en moyenne, les précipitations annuelles en France permettent d’alimenter les nappes phréatiques à hauteur de 20 à 23 %. Or, la situation est préoccupante car cette année, le mois de février a été plus chaud que la normale et les précipitations plus rares, ne permettant pas d’atteindre les nappes phréatiques.
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Pour en savoir plus sur les nappes phréatiques en France et près de chez vous, vous pouvez suivre le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Il publie dix bulletins par an.