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Le chlordécone, un scandale environnemental et sanitaire

Interdit par la France car trop dangereux, ce pesticide a continué d'être répandu dans les Antilles françaises. Aujourd'hui, plus de 90 % des Guadeloupéens et des Martiniquais seraient contaminés, et les sols le seront pendant plusieurs siècles. Histoire d'un scandale.
Publié le
03
/
02
/
2020

Aux Antilles, rien n’est fait pour lutter contre la pollution au chlordécone


Selon une étude publiée en 2013 par Santé publique France, 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais sont contaminés au chlordécone.


Longtemps au cœur de l’actualité, les articles sur le chlordécone se font aujourd'hui plus rares. Pourtant, le scandale sanitaire engendré par ce pesticide est loin d'être résolu, et les populations locales haussent le ton. « Les gens ont vraiment le sentiment d'être laissés pour compte. Il y a donc une demande de justice, de réparation, qui est très forte », estime l’avocat Philippe Edmond-Mariette.


18.000 hectares seraient toujours contaminés 


Dans les Antilles françaises, ce pesticide était utilisé pour lutter contre le charançon du bananier, un insecte ravageur. Interdit par la France en 1990, son utilisation a pourtant continué jusqu'en 1993. Une décision tardive, les États-Unis l’ayant interdit dès 1976 après le développement de troubles neurologiques et testiculaires chez les ouvriers d’une usine.


Plus de 25 ans après l'arrêt de son utilisation, 18.000 hectares seraient toujours contaminés en Martinique et en Guadeloupe, soit 25 % des terres agricoles utiles des deux îles. Dans ces zones, il est fortement déconseillé d'élever du bétail ou de consommer les légumes racines qui y poussent. Aujourd’hui encore, la pêche est partiellement ou totalement interdite dans certaines zones marines.


95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais seraient contaminés


Le chlordécone est également dans les corps des Antillais. Selon une étude réalisée en 2013 par Santé publique France, 95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais sont contaminés au chlordécone. « Le chlordécone est considéré comme un perturbateur endocrinien. Ses propriétés œstrogéniques et progestagéniques pourraient expliquer en partie les effets indésirables observés », selon Santé Publique France.


Le pesticide est également classé par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) comme agent cancérogène possible pour l’Homme, notamment en ce qui concerne le cancer de la prostate. Avec 227,2 nouveaux cas pour 100.000 hommes déclarés chaque année, la Martinique détient le triste record du monde de ce type de cancer.


Des centres commerciaux bloqués par des militants


 
« L’État doit prendre sa part de responsabilité dans cette pollution et doit avancer dans le chemin de la réparation et des projets. Réparation collective d’abord, c’est le sens du plan d'action mis en place depuis 10 ans pour la recherche scientifique, la prévention, les contrôles, la dépollution. De vraies avancées ont été faites », a réagi Emmanuel Macron.
 
Récemment, des centres commerciaux ont été bloqués par des militants. Ces derniers accusent leurs propriétaires, des familles « béké » ( les descendants des colons) d'être responsables de la pollution au chlordécone entre 1972 et 1993. Le 13 janvier 2020, la tension est montée d'un cran dans les rues de Fort-de-France, en Martinique. En marge du procès de sept militants anti-chlordécone, des manifestants se sont opposés aux forces de l’ordre.


Depuis 25 ans, les Antillais réclament des réparations


« Aujourd'hui, on a l'impression que, quels que soient les empoisonneurs, que ce soit l'État, que ce soit certains élus, les gens de la caste béké, des groupes commerciaux : personne n'est inquiété, personne n'est poursuivi, et les seuls qui sont inquiétés, ce sont ceux qui vont faire connaître à l'ensemble de l'opinion publique martiniquaise l'urgence qu'il y a à réagir pour que les dégâts qui ont été causés soient réparés », explique le militant anti-chlordécone Alex Graville. Depuis 25 ans, les Antillais réclament des réparations, une dépollution du territoire, ainsi qu'un plan sanitaire d'envergure.