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4 questions très simples sur la dissuasion nucléaire
1/ C’est quoi, la dissuasion nucléaire ?
Héloïse Fayet : “Pour le dire très simplement, c’est empêcher un adversaire de faire quelque chose qu’on ne veut pas qu’il fasse en le persuadant qu’il va subir la même quantité, voire plus de dégâts, qu’il va nous infliger. Donc on peut parler de “destruction mutuelle assurée”.
La dissuasion, ça a surtout un sens, dans la doctrine, nucléaire, parce que c’est évidemment l’arme qui pourrait permettre une destruction mutuelle assurée et c’est pour ça que tous les pays dotés de l’arme nucléaire ont une doctrine de dissuasion pour empêcher que leur ennemi ne s’attaque à eux et pour protéger notamment tout ce qu’on appelle les intérêts vitaux.”
2/ De quand date le concept de dissuasion nucléaire ?
“C’est vraiment un concept qui est intrinsèquement lié à la Guerre froide, c’est là où ont eu lieu la plupart des éditions de doctrines, tout simplement parce que les États dotés de l’arme nucléaire l’ont été pendant la Guerre froide.
Au tout début de la bombe atomique, donc après les largages de bombes sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945, l’arme nucléaire elle était en fait utilisée, enfin conçue, imaginée par les Américains, donc qui étaient pour l’instant les seuls à avoir l’arme nucléaire, comme une arme d’emploi.
Ils n’étaient pas vraiment dans une dynamique de dissuasion. C’est uniquement une fois que les Russes, donc l’URSS, ont eu à leur tour la bombe atomique, qu’une doctrine de dissuasion est petit à petit apparue, en se disant que, justement, il était impossible pour un pays doté de l’arme nucléaire, donc à l’époque les États-Unis et la Russie, de l’employer sur l’adversaire sans que l’autre n’ait le temps de répliquer et donc, en fait, qu’on ait l’apocalypse nucléaire avec les deux pays entièrement détruits.
Donc c’est à partir de ce moment-là que l’arme nucléaire est devenue une arme de dissuasion, même si les doctrines sont un petit peu différentes selon les pays.
La dissuasion, ça repose énormément sur la rhétorique. C’est une grammaire stratégique qui était très populaire, assez bien connue pendant la Guerre froide, et en fait, depuis la fin de la Guerre froide.
On a quasiment oublié comment ça fonctionnait la dissuasion parce qu’on a pensé que ça n’existait plus, que les conflits entre puissances nucléaires n’allaient plus exister, et donc là, l’actualité nous rappelle qu’au contraire, la dissuasion est toujours valable et c’est ce qui a permis, depuis 1945, d’éviter que l’arme nucléaire ne soit employée.”
3/ C’est quoi la “force de dissuasion” de l’armée russe ?
“La Russie dispose de l’un des stocks les plus importants au monde, avec, on estime, environ 6000 têtes nucléaires, mais uniquement 1500 têtes nucléaires stratégiques, c’est-à-dire qu’il peut mettre sur des missiles à longue portée, donc des missiles qui sont capables de viser la France ou les États-Unis depuis le territoire russe.
C’est le même nombre aux États-Unis, c’est-à-dire 1500 qu’on peut monter sur des missiles, et en France, c’est environ 300.
Il faut comprendre que les forces nucléaires permanentes, elles sont par nature toujours en alerte. Par exemple, en France, on a toujours un sous-marin, voire plus, qui sont à la mer.
En fait, là, le président Poutine, il a simplement dit qu’il allait relever le niveau d’alerte de ses forces, donc on estime qu’il y a quatre niveaux d’alerte dans le système nucléaire russe et que là il est simplement passé du niveau 1 à 2.”
4/ Quels pays disposent aujourd’hui de l’arme nucléaire ?
“Cinq pays disposent de l’arme atomique au titre du Traité de non-prolifération, donc on les appelle les “États dotés”, donc ce sont la France, la Chine, la Russie, les États-Unis et le Royaume-Uni.
Après, il y a donc quatre autres États qu’on suspecte d’avoir la bombe ou qui ont déclaré l’avoir, donc l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël.
L’Iran est ce qu’on appelle “un État du seuil”, c’est-à-dire qu’il n’a pas encore la bombe nucléaire, le degré d’enrichissement de l’uranium, donc qui est nécessaire pour fabriquer une bombe, n’est pas encore suffisant au sein du programme nucléaire militaire iranien, et ce notamment grâce à l’accord sur le nucléaire iranien qui avait été signé en juin 2015 et qui a ensuite été dénoncé par Donald Trump en 2018.”
Quelques jours après le début de la guerre en Ukraine, le 27 février 2022, le président russe Vladimir Poutine a déclaré : “J’ordonne au ministre de la Défense et au chef d’état-major de mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat.”
Dans la nuit du 24 au 25 février 2022, le Kremlin a déclaré officiellement la guerre à l’Ukraine, quelques minutes plus tard, le président ukrainien a répondu dans un message officiel, voici ce qu’il s’est passé le premier jour de l’invasion russe en Ukraine.