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Bataclan : pères d'un terroriste et d'une victime

Azdyne est le père de Samy, l'un des trois terroristes du Bataclan. Georges est le père de Lola, tuée lors de l'attentat. Ensemble, ils ont choisi d'écrire un livre.
Publié le
15
/
01
/
2020

Azdyne et Georges, pères d’un terroriste et d’une victime du Bataclan


Ils ont décidé d’écrire un livre ensemble, Il nous reste les mots. Tous deux ont perdu un enfant lors de l'attentat du Bataclan. Lola assistait au concert, Samy Amimour portait une kalachnikov.


« Je suis Azdyne Amimour, je suis le père de Samy Amimour, l’un des trois assaillants du Bataclan. »
« Georges Salines, je suis le père de Lola qui est morte assassinée au Bataclan le 13 novembre 2015.
 »


Ces deux hommes ont perdu un enfant lors de l'attentat au Bataclan. Lola Salines assistait au concert. Samy Amimour portait une kalachnikov. Avec le chercheur Sébastien Boussois, ils publient le livre Il nous reste les mots aux éditions Robert Laffont.


« Ce jour-là, c’était le chaos »


Georges : « Le 13 novembre, pour moi, ça a été un jour très ordinaire. Je suis allé me coucher le soir sans allumer la télé, donc sans savoir ce qui se passait à Paris. Vers 00h30 le 14 novembre, mon épouse et moi-même avons été réveillés par un coup de téléphone. C’était notre fils aîné qui nous appelait. Il nous a appris ce qu’il se passait à Paris. Il nous a dit que sa sœur était au Bataclan et que, malheureusement, il n’arrivait pas à la joindre sur son portable. En fin d’après-midi, des messages de condoléances ont commencé à apparaître sur les réseaux sociaux, mais avec des démentis, donc on ne savait pas trop. J’ai finalement réussi à joindre la cellule de crise du Quay d’Orsay, qui m’a confirmé le décès de Lola. Et puis la police nous a téléphoné quelques minutes après pour nous informer du décès de Lola. Puis la morgue nous a téléphoné quelques minutes après pour nous informer du décès de Lola. On peut dire que ce jour-là, c’était le chaos. »


Azdyne : « Ce jour-là, je m’étais bien préparé, parce qu’il y avait un match de foot entre la France et l’Allemagne. J’ai préparé mon casse-croûte, je me suis allongé avec ma tablette et j’ai commencé à regarder le match. C’est à la fin du match que j’ai senti qu’il y avait quelque chose qui clochait. Le lundi matin, à 7 heures, il y a eu la perquisition. J’ai été emmené en garde à vue au niveau de la DGSI. »


«  Je me considère comme une victime »


***Brut : Vous ne le saviez pas, à ce moment-là ?


Azdyne : « Non, pas du tout. Le premier jour, c’était des interrogatoires. Donc je ne l’ai appris que le deuxième jour, quand j’étais en garde à vue. C’est le procureur qui m’a informé, d’une façon un peu brutale. J’étais partagé entre la colère et la tristesse. J’étais effondré, je ne savais pas vraiment sur quel pied danser. Je n’arrivais pas à réaliser du tout. Je me considère comme une victime… et même, je considère que mon fils est une victime aussi, parce que j’ai tout fait pour le sortir de cette voie-là. Mais je n’ai pas réussi. Je ne sais pas où j’ai failli. Je continue à culpabiliser, je ne comprends pas. »


Georges : « Les parents de djihadistes ont perdu un enfant. Pour les familles, il y a la culpabilité et des interrogations sur ce qu’elles ont fait ou ce qu’elles n’ont pas fait, sur ce qui aurait pu éviter d’en arriver là. »


Azdyne : « C’est vraiment une chance d’avoir rencontré Georges. C’était un peu comme une thérapie de discuter avec lui, de travailler sur ce projet de livre. Ça m’a apporté beaucoup. »


« Ai-je failli à mon rôle de père ? »


Georges : « Le livre se termine sur deux lettres. Une qu’Azdyne adresse à Lola, et une que j’adresse à Samy Amimour. Samy, Pourquoi ? Pourquoi toi et tes complices avez commis ces crimes atroces ? Vous avez volé leur vie à des jeunes de votre âge, que vous ne connaissiez pas, vous avez perdu la vôtre dans l’affaire, vous avez plongé dans un cauchemar les parents, les amis de ceux que vous avez tués, et les vôtres également. Vous avez laissé des blessures indélébiles à ceux qui ont survécu à vos tirs, vous avez sali votre religion aux yeux du monde, vous avez mis en danger tous les musulmans, dont certains l’ont payé de leur vie dans des épisodes abominables de vengeance aveugle. Et tout cela pourquoi ? »


Azdyne : « Lola, chère Lola, très chère Lola. J’aurais aimé ne pas avoir à t’écrire cette lettre. Après cette longue conversation avec ton père, je découvre que nous avions bien des choses en commun : la musique, le sport, les voyages, l’Égypte... Je sais le vide que tu laisses autour de toi, pour tes amis, et surtout pour tes parents. Mon cœur de père le sait. Tu es partie trop tôt, ta vie t’a été arrachée par une idéologie meurtrière. Ceux qui ont commis ces horreurs n’ont pas servi l’islam ; bien au contraire, ils l’ont souillé. Je me demande pourquoi, sans arriver à trouver de réponses. Ai-je failli à mon rôle de père ? Moi qui croyais donner une bonne éducation à mon fils... Pardon mille fois, Lola. »