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Boulanger, il se bat pour un label pour les croissants

Deux ans après son coup de gueule, ce boulanger de Nice continue de se battre pour sauver le croissant français. Le quotidien d'un boulanger qui fait tout lui-même, c'est ça.
Publié le
21
/
01
/
2020

Ce boulanger est en guerre contre les viennoiseries industrielles


Une loi de 1993 impose aux boulangers de fabriquer leur « pain maison » sur place. Toutefois, aucun texte similaire n’encadre la fabrication de viennoiseries et de pâtisseries.


« Avec l’industriel, que vous mangiez un croissant à Nice, à Strasbourg ou à Reims, vous mangerez le même, avec un goût identique », s’insurge Frédéric Roy, boulanger à Nice. Le boulanger dénonce une précarisation de son métier due à la recrudescence des produits industriels bon marché.


Plus de 80 % des viennoiseries sont d’origine industrielle


Ce que je recherche à travers mon croissant, c’est d'avoir un bon croustillant à l’extérieur, et surtout un bon moelleux et de la mâche à l’intérieur. C’est cela qui fait que, pour moi, c’est un croissant de qualité.


Il y a deux ans, j’ai interpellé le Premier ministre sur la nécessité de créer un label pour le croissant, comme cela existe pour la baguette « tradition ». On sait qu’aujourd’hui, plus de 80 % des viennoiseries sur le marché sont d’origine industrielle au pays de la gastronomie. C’est honteux. Ne rien faire, c’est criminel ! Énormément de Français ont commencé à prendre conscience de cette invasion de produits industriels. Ils demandent de plus en plus si les produits sont faits maison.


Quand je roule la pâte, je sens sa douceur. Et en même temps que je roule, je regarde sur les côtés. Si je me concentre bien, je peux voir les différentes couches de beurre et de pâte. C’est un plaisir. Je sais que ces croissants-là, demain, ils seront feuilletés. Si tout va bien, ils seront beaux. Si je me contentais de sortir les croissants d’un carton, je serais un quincailler, et encore, je ne voudrais pas manquer de respect aux quincailliers ! Je serais un marchand, mais pas un artisan.


« En les fabriquant, on a un coût trois, voire quatre fois plus élevé »


D’une manière générale, ceux qui fabriquent leurs produits font énormément d’heures. On est vraiment obligés d’avoir un panel assez large de sortes de pains pour que le client puisse faire un choix, même si ce n’est toujours pas évident.


Concrètement, ça veut dire quoi ? Ça veut dire que demain, vous rentrerez dans une boulangerie, et on pourra vous vendre des croissants industriels, de la viennoiserie industrielle, de la pâtisserie industrielle sans même avoir à le mentionner, voire en sous-entendant que c’est fait maison.


Certains sont découragés, parce qu’ils ne gagnent pas bien leur vie. Il ne faut pas perdre de vue que grâce à un produit industriel, vous achetez un croissant à 15 centimes et vous le revendez à un euro. Vous faites énormément de marges dessus. Nous, en les fabriquant, on a un coût trois, voire quatre fois plus élevé.


1.200 euros nets mensuels pour 80 heures hebdomadaires


Il y a un produit que j’ai arrêté de vendre : les chouquettes. Souvent, on m’en demande, mais quand j’en ai, j’ai du mal à les vendre, parce que je suis beaucoup plus cher que mes concurrents, qui les achètent industriellement. Les clients nous le reprochent chaque jour : « Ah bah dites-donc, vous devez gagner beaucoup d’argent avec vos chouquettes, parce que vos voisins sont 30 % moins chers. »


Sur l’année passée, j’ai eu un salaire net d’environ 1.200 euros. Pareil pour mon épouse. Je suis à 80 heures par semaine minimum, et pendant les périodes de fête, on monte à 90. Ma femme fait entre 70 et 80 heures par semaine. Il m’arrive souvent de me demander pourquoi je continue. Au vu du travail fourni et au salaire, c’est déraisonnable. Peut-être que j’aime trop mon métier, peut-être est-ce par fierté… J’ai envie de réussir et je pense que j’y arriverai.