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Coronavirus : 11 questions simples à un avocat sur le droit du travail

Congés à prendre pendant le confinement, garde des enfants, droit de retrait… 11 questions simples à un avocat sur le droit du travail.
Publié le
31
/
03
/
2020

Covid-19 : 11 questions à un avocat sur le droit du travail


L’avocat au barreau de Paris Sofiane Hakiki répond à vos questions sur le droit du travail en période de pandémie et de confinement.


Le droit de retrait, c’est quoi ?


Le droit de retrait, c’est la possibilité pour le salarié de se retirer de son poste de travail, donc de ne pas travailler lorsqu’il a un motif légitime de penser qu’il peut y avoir une atteinte grave à sa vie ou à sa santé. C’est une notion éminemment subjective. Donc lorsque le salarié a un motif légitime de croire qu’il est en danger, il peut se retirer.


Alors, en principe – et ça c’est le droit – pendant le droit de retrait, le salarié a une rémunération garantie par son employeur. Donc lorsque vous exercez votre droit de retrait, lorsque vous vous retirez d’une situation de danger, en principe, vous devez être payé. Mais le droit de retrait, c’est aussi un risque : celui que l’employeur considère que vous ne courez pas de danger ou que le danger ne dépend pas de lui. Dans ces cas-là, il peut décider de ne pas vous verser votre rémunération.


Quelles mesures doit prendre mon employeur ?


La loi ne dit rien au sujet des protections en période de confinement et de crise comme celle du Covid-19. Donc pour l’employeur, c’est du cas par cas. Les règles premières, celles qui vont de soi, c’est de respecter la distanciation sociale. 1 mètre entre chaque salarié, et entre le salarié et le client. Par exemple, dans le cas des caissières, la caisse peut être mise dans un box en plexiglass. Votre employeur doit bien sûr vous donner des masques quand il en a la possibilité. Il doit aussi vous donner du gel hydro-alcoolique et vous permettre, lorsque vous êtes sur votre site de travail, de ne pas être contaminé par le coronavirus.


Mon employeur peut-il m’imposer le télétravail ?


La ministre du Travail l’a dit de manière claire : « Faites télétravailler les salariés dès que vous le pouvez. » Donc le principe, c’est le télétravail. Si l’employeur a les moyens de vous faire télétravailler, il peut vous l’imposer. Mais s’il vous l’impose, il doit vous donner les moyens pour télétravailler.


C’est quoi, les moyens pour télétravailler ? Il doit vous garantir une connexion internet, il doit vous garantir du matériel, un ordinateur pour exercer votre mission. Et quand il vous donne les moyens d’exercer votre mission, il peut vous l’imposer, puisque c’est une préconisation des pouvoirs publics.


Pendant cette période de confinement, votre employeur peut vous obliger à venir travailler si vous ne pouvez pas télétravailler, puisqu’il est toujours titulaire de son pouvoir de direction. Cependant, il faut faire attention : il a des droits, mais il a aussi des obligations. Et ces obligations, c’est de vous garantir votre sécurité pendant vos heures de travail.


Comment faire si je dois garder mon enfant ?


L’employeur peut vous demander de venir travailler, mais vous pouvez déposer un arrêt maladie pour garde d’enfant. Et ça, c’est l’originalité des ordonnances du 25 mars 2020 : cet arrêt maladie original durera le temps de la crise sanitaire. Donc jusqu’au moment où le confinement s’arrêtera, il sera possible pour les salariés de demander cet arrêt maladie, et ils seront payés dès le premier jour.


C’est le droit commun qui s’applique, le droit commun de l’arrêt maladie. Et le droit commun de l’arrêt maladie, c’est quoi ? C’est que vous touchiez une somme de la Sécurité sociale et un complément de l’employeur. Vous touchez environ 90 % de votre salaire pendant les 30 premiers jours, et ensuite, vous touchez les deux tiers de votre salaire.


Si je tombe malade, que se passe-t-il ?


Si je tombe malade pendant ce confinement, les ordonnances du 25 mars 2020 s’appliquent. Je serai donc placé en arrêt maladie, je n’aurai pas le jour de carence qui s’applique en droit commun, et je serai indemnisé dès le premier jour et pendant toute la durée de la crise sanitaire.


C’est très important, cette suppression du jour de carence, pour pouvoir avoir sa rémunération immédiatement. De plus, si on a le Covid-19 et qu’on est un salarié, on a l’obligation d’avertir son employeur puisqu’on doit, lorsqu’on est salarié, prendre soin de sa santé et de celle de ses collègues. Donc si vous allez travailler, que vous avez le coronavirus et que vous avez contaminé vos collègues, vous avez commis une faute contractuelle qui peut donner lieu à une sanction.


Mon employeur peut-il modifier ma durée de travail ?


Avant ces ordonnances, la durée maximale du travail était de 48 heures par semaine. Aujourd’hui, on a allongé cette durée à 60 heures. C’est-à-dire qu’on peut faire travailler un salarié, dans certains secteurs que des décrets préciseront, jusqu’à 60 heures. Ce chiffre de 60 heures n’a pas été pris au hasard, ce n’est pas un chiffre que le gouvernement a sorti, c’est la limite qui a été définie par le droit de l’Union européenne.


L’employeur peut imposer à un salarié de travailler au-delà de la durée légale. La durée légale, c’est 35 heures. Et il peut vous imposer de faire des heures supplémentaires. Le législateur ne fait pas de différence entre les heures normales et les heures supplémentaires. Donc si un employeur vous demande de faire des heures supplémentaires et que vous refusez de les faire, c’est une faute contractuelle. Et vous vous exposez à une sanction de l’employeur.


Mon employeur peut-il m’imposer des congés ?


En principe, avant ces ordonnances, l’employeur ne pouvait pas vous imposer la prise de congés payés. Les ordonnances ont changé cette interdiction : maintenant, l’employeur peut vous imposer, avec une double limite. La première limite, c’est que c’est six jours maximum. Il ne peut pas vous imposer la prise de plus de six jours de congés payés.


La deuxième limite – qui est extrêmement importante – c’est qu’il faut que ce soit autorisé par accord d’entreprise ou accord de branche. Pour les autres types de jours de repos qui ne sont pas des congés payés, la situation n’est pas la même, puisque la limite des accords collectifs saute. Il n’y a pas besoin d’accord collectif pour imposer des jours de RTT ou de CET à son salarié, mais par contre, vous avez une limite du nombre de jours qui n’est pas de six mais, de 10.


En cas de chômage partiel, que se passe-t-il ?


Lorsque je suis salarié, je subis la mesure de chômage partiel : je ne peux pas la refuser, puisque c’est une mesure qui s’impose à chaque salarié. La situation du salarié est modifiée. Il ne travaille plus et il perçoit une indemnité égale à 70 % de son salaire brut, soit 84 % environ du salaire net. Le salarié est donc en chômage partiel pendant la durée de la crise sanitaire.


Ensuite, lorsque la mesure de chômage partiel sera terminée, il reprendra son poste de travail, avec son ancienneté, comme s’il n’avait jamais été en chômage partiel. Il revient à sa situation antérieure et normale. Lorsque vous êtes en chômage partiel, c’est l’employeur qui doit vous verser votre rémunération, c’est toujours l’employeur qui continue de vous payer, et charge à lui de se faire rembourser, donc charge à lui de se faire rembourser par l’État. L’État rembourse l’employeur des sommes qui vous ont été versées pendant la période de chômage partiel.


Je suis chômeur en fin de droits, que puis-je faire ?


Tous les chômeurs qui arrivaient en fin de droits au premier mars verront leurs indemnités garanties jusqu’à la fin de la crise sanitaire. C’est-à-dire que si vous êtes un chômeur en fin de droits, que vous avez peur de ne pas toucher votre chômage et que vous ne pouvez plus chercher du travail, les ordonnances vous garantissent votre allocation de retour à l’emploi au moins jusqu’à la fin de la crise sanitaire.


Ma prime d’intéressement ne m’a pas été versée. Est-ce normal ?


Les salariés qui se voient verser des primes d’intéressement ou de participation auraient dû les percevoir avant le 1er juin. Les ordonnances permettent à l’employeur de les payer jusqu’au 31 décembre au plus tard. Ça ne change rien sur la somme due aux salariés : ce qui change, c’est que l’employeur a six mois de plus pour les verser à l’ensemble de ses salariés.


Ces modifications du droit du travail seront-elles définitives ?


Les mesures qui ont été prises par ordonnances ne sont pas appelées à rester définitives, puisque les textes prévoient que les mesures qui dureront le plus longtemps dureront jusqu’au 31 décembre 2020. Mais le gouvernement peut prendre d’autres ordonnances pour les proroger.


Si la crise dure, si les conséquences de la crise sont beaucoup plus profondes que ce qui était prévu, il est tout à fait possible et même probable que le gouvernement prenne d’autres ordonnances pour assouplir les règles du code du travail et permettre aux entreprises de faire face à cette crise sanitaire au détriment des salariés.