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Parcoursup : où en est la plateforme d'orientation des lycéens ?

Parcoursup : Listes d'attente à rallonge, fonctionnement complexe... Depuis son lancement en 2018, la plateforme d'orientation des lycéens s'est-elle vraiment améliorée ?
Publié le
20
/
05
/
2020

« Le système Parcoursup était jugé complexe en 2018, il l’est tout autant en 2020 »


Brut a rencontré Guillaume Ouattara, spécialiste de l’orientation des lycéens qui s’est fait connaître en ayant réussi à décrypter les algorithmes de Parcoursup.


Vous êtes futur étudiant ou parent, et vous ne comprenez rien au système d’admission post-bac ? Ils sont des milliers comme vous… Cette plateforme en ligne est en effet jugée compliquée d’utilisation par les principaux concernés et les spécialistes de l’orientation. Pire : elle serait injuste et socialement biaisée. Décryptage de Guillaume Ouattara, spécialiste de l’orientation des lycéens.


Le problème majeur en 2018 sur Parcoursup, ce sont les listes d’attente à rallonge. Très concrètement, le premier jour, sur Parcoursup, en 2018, 50 % des candidats se sont retrouvés sur liste d’attente partout. En 2019, on a observé exactement le même ratio. Cette année, on va observer le même phénomène.


« Les candidats avec les meilleurs dossiers sont pris partout le premier jour »


Ce problème n’a pas été résolu pour la simple et bonne raison que ces listes d’attente, c’est l’ADN de Parcoursup. C’est un système qui repose sur la non-hiérarchisation des vœux. C’est-à-dire que les candidats qui s’inscrivent dans des formations ne trient pas les vœux les uns par rapport aux autres. Un même candidat peut donc être accepté dans plusieurs formations, là où un autre ne peut avoir qu’une seule proposition.


Ce qu’on observe depuis maintenant trois ans, c’est que les candidats avec les meilleurs dossiers sont pris partout le premier jour et libèrent des places. C’est ce qui explique ces listes d’attente considérables. Cette année, le phénomène s’est intensifié. C’est un dommage collatéral du confinement et de la crise sanitaire qu’on a connue.


Plus d’examens ni d’oraux, donc moins de brassage


Pourquoi ? Parce que ces deux dernières années sur Parcoursup, certaines formations sélectionnaient les candidats uniquement en regardant leur dossier. D’autres formations sélectionnaient des candidats en regardant leur dossier et en leur faisant passer des oraux de motivation. Il y avait enfin des formations qui faisaient passer des écrits et des oraux, et qui sélectionnaient comme ça.


On avait une forme de brassage dans la manière de classer les candidats. Ce n’était pas parce qu’on faisait partie des candidats avec le meilleur dossier qu’à l’entretien, on gérait. On pouvait donc retomber dans ces listes-là. À l’inverse, on pouvait être un candidat avec un dossier assez faible, s’entraîner beaucoup pour des concours et réussir à sortir du lot.


Les lycéens ne peuvent pas trier leur vœux


Le problème, c’est que cette année sur Parcoursup, la plupart des concours écrits et des oraux ont été annulés et remplacés uniquement par des examens du dossier. Ça veut que toutes les formations ont eu accès aux mêmes éléments : les notes et les appréciations, mais rien de plus. Ce qui veut dire que les candidats avec les meilleurs dossiers vont être encore plus surreprésentés dans les listes d’appel.


Une critique qui est beaucoup ressortie en 2018 quand Parcoursup est apparu, c’est qu’on passait d’un système à un autre. D’un système où les candidats entraient des vœux sur une plateforme, triaient leurs vœux et où la machine les affectait automatiquement au bon endroit, à un système où les candidats rentrent leurs vœux sur la plateforme, ne trient pas et doivent se connecter chaque jour pour voir leur situation évoluer.


« Des candidats qui ne comprennent pas à quoi sert le point d’étape et qui finissent par perdre tous leurs vœux »


Le système était jugé complexe en 2018, il l’est tout autant en 2020. Quelques exemples pour comprendre : quand vous êtes sur liste d’attente, vous avez, par exemple, six informations différentes entre votre rang sur la liste d’attente, votre rang sur la liste d’appel, le rang du dernier candidat admis l’année précédente et le rang du dernier candidat à qui on a fait une proposition cette année. Ces informations viennent créer du cafouillage.


Un autre exemple de quelque chose d’assez complexe, c’est le point d’étape auquel vous devez absolument participer en tant que candidat. Ça se déroule le 29 juin, le 30 juin et le 1er juillet. Vous devez revenir sur Parcoursup à partir du moment où vous avez toujours des vœux en attente pour dire que vous voulez continuer à attendre ces vœux. Ça fait partie des choses qui peuvent éliminer des candidats : chaque année, on a des candidats qui ne comprennent pas à quoi sert le point d’étape et qui finissent par perdre tous leurs vœux.


L’échec du répondeur automatique


Une autre critique souvent adressée à Parcoursup, c’est le fait qu’elle oblige les lycéens à être constamment connectés. Pour lutter contre ce phénomène, le ministère a mis en place l’an dernier un répondeur automatique. À partir de la fin juin, les candidats pouvaient classer les vœux qu’ils avaient en attente pour ne pas se connecter tous les jours pour voir si leur dossier évoluait.


Ce dont on s’est rendu compte, c’est que ce répondeur automatique était très peu plébiscité par les candidats parce qu’on les a bercés avec l’idée qu’ils ne pouvaient pas classer leurs vœux. Ils ne comprenaient pas trop à quoi servait ce répondeur automatique. En plus, il arrivait plutôt tard dans le calendrier. Cette année, le ministère a décidé de lancer ce répondeur automatique dès le 20 mai.


« On ne sait toujours pas comment les formations trient les dossiers »


Un autre problème majeur, c’est l’opacité de la plateforme et des algorithmes. En 2018, je me suis penché sur Parcoursup parce que le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation avait mis en ligne les algorithmes – ou en tout cas ce qu’il appelait les algorithmes – de Parcoursup. On a vu que par exemple, il y avait des taux géographiques ou des taux de boursiers qui entraient en compte pour modifier les listes faites.


Un certain nombre d’informations ressortaient de cette analyse, mais il manquait, en 2018, une information majeure : l’algorithme local. Un algorithme local, c’est quoi ? Ce sont toutes les règles utilisées par les commissions qui examinent les vœux, formation par formation. En 2018, ces algorithmes locaux n’étaient pas publiés par le ministère. En 2020, ça n’est toujours pas le cas, on ne sait toujours pas comment les formations trient les dossiers.


« Parcoursup version 2020, c’est quasiment identique à Parcoursup version 2018 »


La Cour des comptes s’est par ailleurs rendu compte qu’énormément de formations utilisaient le lycée d’origine des candidats pour des discriminations positives ou négatives. En clair, si vous venez d’un lycée où il y a de bons taux de réussite au bac, votre dossier est remonté parce qu’on a jugé que vous êtes dans un lycée qui sous-note. À l’inverse, si vous venez d’un lycée avec un faible taux de réussite au bac, on a descendu votre dossier.


La Cour des comptes a réalisé que c’était un mythe total : il y a de très bons établissements qui sur-notent leurs étudiants, et des établissements « moins bons » qui sous-notent. Ce qu’on voit, c’est que Parcoursup version 2020, c’est quasiment identique à Parcoursup version 2018. Il y a eu des ajustements à la marge, mais ce qui crée le cœur du problème – les listes d’attente à rallonge, la non-transparence du système et la complexité – c’est encore présent.