Sa sœur s'est suicidée après avoir été harcelée : Agathe témoigne
“C'est au moment où ça s'arrête qu'elle commence à plonger”
“On est le jour de mon anniversaire, le 5 mai 2016, et j’attends ce coup de fil de ma famille, qui n’arrive pas. Il devait être presque minuit quand mon téléphone a sonné. Et c’était mon père, mais il était tout seul, en fait. Il n’y avait pas toute ma famille, il n’y avait que lui. Et il était là, il pleurait et je ne comprenais rien, en fait. Et il m’a dit : ‘T’as soeur, elle s’est suicidée’.” Ce jour-là, la vie d’Agathe a basculé. Elle apprend le suicide de sa soeur de 21 ans, avec comme seule explication, une lettre retrouvée à côté de son corps. “Quand on a reçu cette lettre, on ne savait pas de quoi elle parlait”, explique Agathe.
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Des moqueries depuis le collège
“Quelques jours après l'enterrement, tout ça, on est allés dans son appartement, on ne savait toujours pas ce qui s'était passé. Honnêtement, ça n’avait toujours pas vraiment de réalité. J’avais vraiment l’impression que quelqu’un allait me dire : c’est un cauchemar, je ne sais pas, une mauvaise blague.” Elle retrouve alors son journal intime qu’elle tenait depuis qu’elle était en sixième, et comprend alors que sa sœur, était victime de harcèlement scolaire. “Au départ, c'était juste parce qu'elle avait des très bonnes notes. Et du coup, c'est pas de chance, mais en fait, quand t’as des lunettes et que t’as des bonnes notes, forcément, c’est un sujet de moqueries, quoi.”
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Et les moqueries ne se sont jamais arrêtées. “Un an après, donc elle était en cinquième, les gens ont commencé à savoir qu’elle était homosexuelle. Je ne sais pas vraiment comment ils l’ont appris, mais forcément, du coup, les moqueries ont repris de plus belle et je pense qu’au fur et à mesure, le groupe a pris l’habitude de toujours se moquer de cette même personne. Ça commençait aussi à être sur les réseaux sociaux, donc… c’était aussi le soir, en fait, c’était aussi le week-end. Moi, je l’ai pas vécu, ça, donc j’en avais aucune idée, puis elle montrait pas. Elle était tellement confiante et elle renvoyait tellement de… de joie de vivre au quotidien que jamais j’aurais pu imaginer qu’il se passait quelque chose comme ça.”
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“C'est là qu'elle prend conscience qu'elle est blessée”
Sa sœur décide alors d’en parler à son établissement scolaire, mais ne reçoit aucune aide. “Ces pages, que j’ai retrouvées chez elle, où elle raconte, en fait, qu’il y a cette personne qui est assise à côté d’elle et qui essaye de la toucher en classe et qu’elle ne sait pas comment réagir et que tout le monde se moque et qu’elle est perdue. (...) Il y a quelqu'un qui essaye de t’attoucher en plein milieu de tout le monde et il y a personne qui réagit, en fait. Et je pense que c’est la double peine, parce que tu peux parler mais tu te dis : mais si tout le monde a vu et que personne n’a rien fait, enfin, si je parle, qu’est-ce qu’il va se passer ? Il ne va rien se passer, en fait.”
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Pourtant, à un moment, son harcèlement s’arrête. “Le lycée est fini, tout le monde a passé son bac, tout le monde s'en va vers des orientations différentes et d'un seul coup, elle se retrouve dans une classe à l'université où tous les élèves se comportent normalement avec elle. Et c'est là en fait qu'il y a ce moment qui est hyper dur où elle raconte qu'en fait, c'est là qu'elle prend conscience qu'elle est blessée. C'est-à-dire que c'est là qu'elle se rend compte qu'elle a des phobies, que rentrer dans une classe, ça la stresse, ça l'angoisse, elle en fait des cauchemars, qu'elle peut plus dormir, qu'elle ne peut pas suivre une scolarité normale, en fait.”
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“Faites en sorte que ça soit pas vous”
Elle décide également de porter plainte contre le harcèlement qu’elle a subi. “Elle raconte à quel point c'est une épreuve, en fait, de se rendre à la police… Les policiers qui se moquent parce que je pense qu'ils n’étaient pas formés, le fait qu'on lui dise : ‘Tu portes plainte parce que les gens se sont moqués de toi au collège, alors que t'es majeure maintenant, est-ce que ça a du sens ?’ Des petits commentaires comme ça qui la font pas se sentir très légitime, et pourtant elle y va et elle porte plainte, et malheureusement, cette plainte, elle est classée très, très vite, parce qu'il n’y a pas assez de preuves.”
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Pour sensibiliser sur ce sujet, Agathe a décidé de retranscrire l’histoire de sa sœur dans Le Livre de Liane. “Statistiquement, on le sait très bien, il va y avoir encore des accidents, ça va arriver à plein d'autres familles cette année, l'année prochaine, mais j'ai envie de dire aux gens : faites en sorte que ça soit pas vous, parlez à votre famille, demandez-leur, en fait, à vous amis : avez-vous vécu un harcèlement scolaire ? Et juste ça, je pense que ça peut tout changer.”
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