Cette vidéo sera publiée prochainement

Yves Cochet : de l'effondrement à la pandémie de Covid-19

Depuis une quinzaine d'années, il vit dans une maison achetée en prévision de la fin du monde. En 2019, il évoquait une possible pandémie impliquant un virus mortel. Aujourd'hui, voilà comment l'ex-ministre de l'Environnement Yves Cochet pense la crise et l'après-crise…
Publié le
01
/
04
/
2020

Yves Cochet avait tout prévu pour le confinement


Cet ancien ministre de l’Environnement se revendique collapsologue. Dans sa propriété, tout est optimisé pour survivre à l’effondrement de la civilisation. Entretien.


La fin de notre civilisation aura lieu dans une quinzaine d'années, selon l'ancien ministre de l'Environnement Yves Cochet. Brut l'avait rencontré l’année dernière dans sa maison à la campagne, où il a tout prévu pour survivre si l'eau et l'électricité venaient à manquer. Et en cette période de confinement, il n’est pas peu fier de ses installations. Nous l’avons retrouvé.


« Un effondrement général, systémique et global peut avoir lieu vers 2025-2030 »


Avec ma fille, nous avons acheté cette maison il y a environ 13 ans parce que nous avons anticipé le fait qu’un effondrement général, systémique et global du monde puisse avoir lieu vers les années 2025-2030. Nous avons 5 hectares.


Nous avons un cheval, notre ami Jacquou, un Irish Cob avec une très belle robe. Il permettrait, au cas où on aurait des difficultés de mobilité, de tracter une calèche, ou même d’être monté. Si jamais il y avait une rupture d’approvisionnement en eau, nous avons une pompe à bras branchée sur un puits. On peut évidemment filtrer et faire bouillir l’eau pour qu’elle soit potable. Nous avons plusieurs stocks de bois pour le chauffage, de quoi tenir plusieurs hivers.


« L’épidémie de Covid-19 serait le premier domino qui tomberait »


Nous sommes peut-être à la veille d’une cause majeure d’un effondrement plus large. L’épidémie de Covid-19 serait simplement le premier facteur, le premier domino qui tomberait. Une crise sanitaire qui entraînerait une crise on économique, financière, bancaire et monétaire, aussi sinon plus forte encore que celle que nous avons eue en 2008 et 2009. Le choc sur nos civilisations, sur le monde entier, sera terrible.


Plus les morts seront nombreux et plus fort sera le choc économique, politique et psychologique. Il faut absolument qu’une solidarité soit organisée à l’échelon local de telle manière qu’on prenne soin les uns des autres, qu’on s’aime les uns et les autres. Qu’on fasse encore société et qu’on ne tombe pas dans le nombrilisme, la barbarie ou l’égoïsme en se disant : « Je m’en fous des autres du moment que moi j’ai mes rations de survie. »


« Il faut qu’il y ait des conducteurs, des chauffeurs routiers et du pétrole »


Il y a donc une politique de solidarité nationale, mais de solidarité affective, de solidarité psychologique qui peut être faite par des activités communes, même loin les uns des autres, grâce à Internet. Toute notre vie, en Europe, aux États-Unis, en Australie ou même en Chine, tient sur des camions et sur les transports de marchandises et de services. Ça veut dire qu’il faut qu’il y ait des conducteurs, des chauffeurs routiers et du pétrole.


Mais pendant le confinement, les stations-services n’ont pas le droit de faire de la restauration. Cela rend la vie des chauffeurs routiers encore plus pénible. Déjà qu’ils ont une semaine assez difficile dans la mesure où ils sont éloignés de leurs proches et ne reviennent chez eux qu’une fois par semaine… Si en plus, les conditions d’alimentation ou d’hébergement sont mauvaises, peut-être qu’un certain nombre d’eux vont se dire : « Je ne veux pas vivre dans ces conditions, je me mets dans une sorte de droit de retrait ou de défection. »


« Si on n’a pas d’alimentation, les émeutes, même la barbarie, ne sont pas loin »


À ce moment-là, il est possible que certains États – peut-être la France – fassent appel à des chauffeurs militaires et réquisitionnent les semi-remorques afin que l’alimentation soit disponible dans les supermarchés et dans les commerces de détail en ville. Si on n’a pas d’alimentation, les émeutes, même la barbarie, ne sont pas loin. Churchill aurait dit : « La différence entre la civilisation et la barbarie, c’est cinq repas. »


Il faut que chacun d’entre nous, en France, en Europe, puisse avoir accès à l’alimentation, une alimentation suffisamment variée. Si c’est au besoin par des chauffeurs militaires et des camions réquisitionnés, il faudra le faire, à condition qu’il n’y ait pas de rupture de la chaîne d’approvisionnement mondial, parce qu’actuellement, notre alimentation est trop mondialisée.


« En France, l’empreinte carbone de denrées alimentaires est beaucoup trop forte »


C’est pour ça que je propose de relocaliser la production alimentaire et d’avoir des denrées alimentaires plus végétales, plus saisonnières et plus locales. Ce sont les trois caractéristiques d’une bonne alimentation. Ce ne sont pas du tout les caractéristiques actuelles de ce qu’on voit dans les grandes surfaces, dans les hypermarchés.


On a des fruits et légumes du monde entier toute l’année, c’est scandaleux. Il faut tenir compte de l’empreinte écologique et de l’empreinte carbone des produits qui viennent de l’extérieur. Actuellement, dans des pays comme la France, cette empreinte carbone de denrées alimentaires est beaucoup trop forte.