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Starlink : la pollution lumineuse des satellites de SpaceX

Ces traînées lumineuses observées récemment dans le ciel, ce sont les satellites du réseau Starlink. Voilà pourquoi le nouveau projet d'Elon Musk est contesté.
Publié le
09
/
05
/
2020

Pour les astronomes, la pollution lumineuse des satellites de SpaceX est un désastre


Ces nouveaux satellites, appelés Starlink, sont censés fournir des accès Internet à haut débit. Mais leur prolifération complique, voire empêche le travail des astronomes.


Les nouveaux satellites Starlink, un projet de l'entreprise américaine SpaceX, dirigée par Elon Musk, sont censés fournir un accès Internet à haut débit à des endroits où celui-ci est peu fiable, coûteux ou totalement indisponible.


« Le principe de fonctionnement de Starlink, c'est d'avoir en permanence au-dessus de nos têtes des dizaines, voire des centaines de satellites qui peuvent prendre le relais des connexions Internet et de les envoyer de l'un à l'autre satellite pour qu'on ait une observation fluide sur Internet », explique Guillaume Cannat, auteur de Le Guide du ciel.


« Dans quelques années, on pourrait se retrouver avec 10, 20, 30 ou 40.000 satellites »


Au 1er mai 2020, 422 satellites de SpaceX étaient déjà en orbite. SpaceX prévoit de multiplier leur nombre par 30. « Le projet Starlink est un projet qui a été lancé il y a quelques années, mais les premiers satellites ont été lancés dans l'espace l'année dernière, au mois de mai 2019. Depuis, il y a presque 400 satellites qui ont été lancés, 420 au dernier comptage », indique Guillaume Cannat.


Et des milliers d’autres sont à venir. « À la fin de l'année 2020, on pourrait avoir plus de 1.000 satellites en orbite. D'ici à 2025, jusqu'à 12.000 satellites », note Guillaume Cannat. Qui plus est, SpaceX est loin d’être la seule entreprise à vouloir envoyer ses satellites. « Il y a d'autres projets venant d'autres entreprises qui prévoient des milliers d'autres satellites. À terme, dans quelques années, on pourrait se retrouver avec 10, 20, 30 ou 40.000 satellites consacrés à la connexion à Internet à haut débit sur toute la planète. »


« Ce que les astronomes craignent le plus, c’est la luminosité des satellites »


Cette multiplication des objets en orbite autour de la planète inquiète de nombreux astronomes. 1.900 d'entre eux ont signé une pétition pour s'opposer au projet. « Ce que les astronomes craignent le plus, c’est leur luminosité, détaille Jonathan McDowell, astrophysicien au Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. Ces satellites sont assez gros et se trouvent à une orbite très basse. Ces deux facteurs combinés font qu'ils sont tellement lumineux qu'ils peuvent être vus par des gens depuis le sol.* »


Les conséquences sont problématiques, selon Jonathan McDowell : « Quand un satellite passe devant un appareil photo pendant une prise de vue, il endommage collatéralement les données récoltées. Et ça a aussi une implication pour les personnes lambda qui aiment regarder le ciel étoilé pour observer les constellations si le ciel est rempli de d'objets en mouvement lumineux. »


« Il deviendra quasiment impossible de faire des observations astrophysiques de qualité »


À terme, certains astronomes craignent de ne plus pouvoir effectuer leur travail depuis le sol. « Tant qu'il y a quelques satellites, ça va, mais quand il y aura des milliers, voire des dizaines de milliers de satellites en orbite au-dessus de notre tête, en permanence, il deviendra quasiment impossible de faire des observations astrophysiques de qualité », alerte Guillaume Cannat.


De son côté, l’entreprise SpaceX se défend. « Il y a déjà 4.900 satellites en orbite, que les gens remarquent 0 % du temps. Starlink ne sera vu par personne, à moins de regarder très attentivement, et aura un impact de 0 % sur les progrès de l'astronomie », assure la compagnie. Une déclaration trompeuse pour Jonathan McDowell. « Oui, il y a ces dizaines de satellites en orbite, mais la plupart d'entre eux sont petits ou à des orbites très hautes. On ne peut donc pas les voir. Les satellites de SpaceX sont gros et bas, donc beaucoup plus lumineux que ces 4.000 et quelques satellites dont il parle », argumente l’astrophysicien.


SpaceX tente de rassurer


Face aux craintes des scientifiques, le fondateur de SpaceX a tenté de rassurer en affirmant qu'il allait adapter sa technologie afin d’en réduire l’impact. Il a par ailleurs organisé plusieurs commissions pour discuter avec les astronomes des solutions envisageables.


De bonnes premières étapes d’après Jonathan McDowell. « SpaceX a lancé "Dark Sat". L'un des satellites de Starlink a été peint avec une couche spéciale sur le côté pour le rendre moins lumineux. Ça fonctionne un peu. Ils planifient maintenant de lancer un nouveau satellite-test appelé "Visor Sat" qui aura une sorte de pare-soleil autour pour réduire le rayonnement des antennes. »


Un risque de collision


Mais les astronomes ont une autre inquiétude : le risque de collision. « Vous avez tous ces satellites qui vont dans des directions totalement différentes et à des dizaines de milliers de km par heure. Supposons que vous pensez qu'un satellite va en heurter un autre. Vous le bougez, mais avant ça, il faut être sûr de l'endroit où vous le déplacez pour être sûr qu’il ne va pas y heurter un autre satellite. Et si tous les satellites sont déplacés en permanence pour qu'ils s’évitent les uns les autres, ça va devenir un problème extrêmement difficile », explique Jonathan McDowell.


Le 2 septembre 2019, le satellite européen Aeolus a en effet dû effectuer une manœuvre pour éviter une collision avec l'un des premiers satellites Starlink. Avec la multiplication des objets en orbite, certains astronomes craignent même la possibilité d'une réaction en chaîne appelée syndrome de Kessler : quand deux satellites se percutent, les débris de la collision vont eux-mêmes percuter d'autres satellites.


SpaceX a déposé une demande pour l'envoi de 30.000 satellites supplémentaires


« Tous ces milliards de dollars investis dans de l'électronique de pointe gravitant autour de la Terre pourraient se transformer en éclats d'obus, comme l'anneau de Saturne. Et vous ne pourriez plus utiliser l'espace. Ça, c'est le scénario cauchemardesque », imagine Jonathan McDowell. Il tempère toutefois : « Je suis un peu moins inquiet après avoir eu connaissance du nouveau plan de Starlink, parce que leurs satellites sont suffisamment bas pour que la plupart des débris d'une collision devraient tomber relativement vite. »


En plus des 12.000 satellites déjà prévus, SpaceX a déposé une demande pour l'envoi de 30.000 satellites supplémentaires, ce qui pourrait faire monter leur nombre à 42.000. Une menace encore plus grande pour les scientifiques, qui pourraient voir leur travail se compliquer dans les années à venir.


L’un des domaines de l'astrophysique les plus impactés est la recherche d'astéroïdes


« La contribution de l'astrophysique pour comprendre notre propre planète est considérable. Beaucoup des travaux préalables sur le changement climatique ont été réalisés en étudiant l'atmosphère d'autres planètes pour enfin réaliser : "Oh, nous ne voulons pas que notre planète devienne comme ça." Et, vous savez, l'un des domaines de l'astrophysique potentiellement parmi les plus impactés par les satellites Starlink est la recherche d'astéroïdes qui pourraient percuter la Terre. On ne veut donc vraiment pas rater l'un d'entre eux », alerte Jonathan McDowell.


« Ce que j'espère, c'est qu’Elon Musk et la société SpaceX et les sociétés qui ont des projets comme ça en tête, mettent un bémol. Ce qui serait important avant toute chose, c'est qu'il y ait au niveau de la planète entière un organisme qui gère les possibilités de mise en orbite des satellites par des entreprises privées. À l'heure actuelle, les entreprises privées font ce qu'elles veulent, c'est le Far West », déplore Guillaume Cannat.