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3 moments qui ont changé la vie de Marina Rollman
Trois moments qui ont changé la vie de Marina Rollman
L’humoriste est à l’affiche du seule-en-scène « Un spectacle drôle » au théâtre de l’Oeuvre, jusqu’au 30 avril. Révélée par France Inter, la Suissesse à l’humour mélancolique est la nouvelle valeur sûre du stand-up. Rencontre.
Son amoureux américain
Quand j'avais 18 ans, en Suisse, je sais pas pourquoi, je traînais avec des gens qui faisaient du roller. J’ai rencontré un garçon américain, et on est tombés amoureux. On a eu une espèce de relation épistolaire, et après, je suis allée le rejoindre. J'ai voulu énormément améliorer mon anglais. En fait, ça m'a complètement mis le pied à l'étrier pour tout ce qui est devenu mes passions : le stand-up, le scénario, une partie de ce qu'est la télé américaine aujourd’hui…
C'était une rencontre fortuite, bizarre et éclaire, qui s'est soldée par un week-end à Kansas City extrêmement glauque. Déjà, c'est pas une ville gaie, mais en plus, si t'y vas pour te faire larguer, c'est pas drôle. En revanche, je pense que ça a un peu changé ma vie. Je pense que tous les parents désespérés devraient prendre des amants allemands pour leurs enfants, ou des... enfin voilà, quoi !
Son premier petit boulot
C'est l'année où j'ai accepté le fait que je n'arriverais pas à me faire une voie par les études ou un boulot normal que j'ai lâché ce que je faisais et que j'ai que j'ai rejoint des copains qui ouvraient une roulotte. Ils qui m'ont dit : « Viens vendre des burgers avec nous. » En fait, ça a libéré un truc. Ne pas faire un boulot que je n’aimais pas la journée et ne pas être enfermée dans un bureau, ça a complètement libéré mon cerveau créatif. J’ai pu écrire en dehors, et en un an, je me suis mis à faire des scènes, et puis j'ai écrit des scénarios, des trucs comme ça.
Ce qui était intéressant, c'est que socialement, c'était pas très acceptable, c'est-à-dire que ça faisait peur à mes parents, ça faisait peur à ma famille, ça faisait peur à tout le monde… Mais pour moi, ça a été un sentiment de liberté de dingue ! Ça m'a aidée à envisager le travail comme un espace de liberté, bizarrement. Je sortais d'une logique d'aliénation au travail, de « il faut s'accomplir par un statut, il faut atteindre certaines choses à certains âges ». Je paie mon loyer, ça me donne un peu d'autonomie financière, et après, je peux développer ce que je veux créativement.
À partir de 24-25 ans, ça s'est enchaîné très vite. Mais j'avais bien eu neuf ans de rien du tout en fait, d'une longue chute sans parachute. Je vois plein de gens malheureux dans des bureaux, qui se fouettent en se disant qu'ils devraient avoir la volonté et la discipline de faire des trucs créatifs à côté. En vrai, c'est dur d'avoir ton cerveau la disponibilité d'un patron tant d’heures par semaine et après, de te mobiliser.
Sa découverte de Jerry Seinfeld
Pendant que je suis en train de patauger dans des études et dans des boulots pas très interessants, un jour, un copain me montre « I'm Telling You for the Last Time » de Jerry Seinfeld, un de ses seuls spectacles captés. Là, y a vraiment un truc qui vrille dans mon cerveau. Je me rends compte que plein de choses que j'aimais et que je faisais séparément, comme écrire, être marrante, être analytique, disserter, en fait, c’était un métier. Ça m'a ouvert un champ des possibles.
C'est très compliqué de passer de « je finis le collège » ou « je suis bachelier » à « j’ai choisi un métier ». Entre le fantasme que tu t'en fais, les stages qui veulent rien dire, les études qui ne sont pas forcément comme la réalité du boulot… C'est très difficile d'aligner tout ça. Et dans les métiers créatifs, c'est encore pire : avec la personne que tu vois sous les spotlights, maquillée, qui a répété et qui a 13 danseurs derrière, tu ne vois pas quelles sont toutes les petites étapes pour arriver au truc. Je pense qu’il serait intéressant d'essayer de créer de meilleurs ponts d’orientation, parce qu'il y a beaucoup de gens qui se perdent entre 15 et 30 ans et qui finissent par faire des boulots qu'ils n’aiment pas trop parce qu'il faut payer les factures, et c'est normal. Tu n'as pas de chemin net entre ton point de départ et l'arrivée.