Anatomie d’une scène avec Justine Triet pour Anatomie d’une chute

ANATOMIE D’UNE SCÈNE. Ses choix de mise en scène, l’importance du montage, du son... Justine Triet raconte tous les secrets derrière la scène d’ouverture de son film “Anatomie d’une chute”, Palme d’or au dernier Festival de Cannes et en salles ce mercredi 23 août.
Publié le
22/8/2023
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Les explications derrière sa première scène


Justine Triet raconte Anatomie d’une chute, son nouveau film qui vient de sortir dans les salles françaises aujourd’hui et qui a reçu la palme d’Or au festival de Cannes. Dans ce film, la réalisatrice, scénariste et actrice française filme un couple en pleine dégringolade. Le film s'ouvre sur une première scène complexe dont Justine Triet nous explique les mécaniques. “C'est très, très compliqué de faire une première scène déjà pour un film normal, mais alors, quand elle est aussi complexe, c'est encore plus compliqué. Cette scène, pour moi, c'est l'endroit qu'on ne comprend pas, l'endroit qui est l'intimité des gens. On ne sait pas ce qui s'y produit, on ne sait pas et là, je les amène brusquement dedans. Je leur dis : ‘voilà, c'est ça le couple’. C'est quelqu'un qui parle à quelqu'un, l'autre qui met la musique trop fort. Conflits, problèmes, on ne sait pas pourquoi. Et on va passer 2h30 à vous expliquer quel est ce couple, quelle est leur histoire et pourquoi vous avez vécu cette scène.“

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La première séquence de cette scène est une balle qui tombe des escaliers, qui chute. La réalisatrice explique qu’il s’agit évidemment d’un clin d’œil à la suite du film, qui représente la chute d’un homme, celle d’un couple, d’une famille et d’une femme aussi. Tous les éléments à l’écran ont une importante, autant visuel, comme le chien, que sonore avec la musique. “On voit arriver cet animal, le chien, qui est éminemment important et qui est, selon moi, le fantôme à la fois du mort, de Samuel, mais aussi celui qui voit quand l'enfant ne voit pas. Ce sont les yeux presque de Daniel, l'enfant. On est à hauteur de chien aussi, ce qui n'est pas rien. Ça, c'était vraiment une volonté d'être vraiment à hauteur d'animal pour le filmer.”

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À côté de cette scène au premier étage, deux femmes discutent. Le spectateur est donc plongé dans une situation assez banale du quotidien, avec deux actions. Puis, un élément survient, celui de la musique. “On a la musique qui surgit, on ne sait pas qui a mis cette musique, mais le chien l'a entendue et là on revient en bas et les femmes l'entendent aussi. Elle dit : "C'est mon mari qui travaille au-dessus, probablement au grenier.” La première chose essentielle, je pense, c'est que le son est un personnage et est celui qui va nous guider dans l'espace de la maison. C'est-à-dire qu'on n'accompagne pas le chien quand il remonte. En fait, le chien descend et après, on sera brusquement au premier étage. Donc c'est le son qui guide entièrement, en réalité, notre perception de l'espace. Espace qui sera éminemment important, parce que déchiffré plus tard au procès. Donc c'est d'abord la musique qui devient un personnage central et qui va nous dire presque où se localisent les gens par le niveau de sonorisation qu'on a. C'est à la fois des gens qui ont l'air d'avoir une discussion sympa, ils boivent du vin, ils ont l'air détendus. Il y a un gamin qui lave son chien. Enfin, je veux dire, on n'est pas dans un truc hostile, et en même temps, le seul endroit d'oppression étrange et qui crée une étrangeté, c'est la musique qui est mise au dernier étage. Et en fait, rien que par cette musique qui, pourtant, est une musique joyeuse et qui n'est vraiment pas dramatique, je pense que ça aurait été vraiment lourdingue de mettre une musique sentencieuse, nous amène quand même une forme de gêne, de malaise. Ce malaise créé par cette musique, je pense qu'elle envahit progressivement, très lentement quand même, la discussion entre les deux femmes et va, finalement, quand même réussir à stopper cette discussion.”

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Un film et plusieurs premières pour la réalisatrice 


Si Anatomie d’une chute est loin d’être le premier film de Justine Triet, elle explique que c’est celui pour lequel elle a le plus dessiné. “En réalité, le film est tellement technique, il y a tellement de détails. Alors, à la fois là, pour la scène qu'on voit là, des détails sonores très simples. Si le personnage de l'enfant est à un étage ou à un autre, on n'entendra pas le même son, le même degré de musique, le même degré de son, pareil pour le père. Donc, il y a des détails techniques qui font qu'on était obligé de dessiner constamment où sont les personnages et comment l'enregistrement sonore, le son, la divulgation du son va se refléter dans les différents endroits, va atterrir dans les différents lieux. Et donc toutes ces choses-là étaient obligées d'être très, très, très précises, donc storyboard, évidemment. Qui dit huis clos, c'est une obligation pour moi de dessiner, parce qu'il y a toujours le danger de s'ennuyer, de filmer toujours les mêmes choses, etc., donc c’est toujours la question de “comment on va essayer de se renouveler dans un même espace.

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Elle ajoute également qu’il s’agit de la première fois qu’elle mixe avec autant de choix artistiques à faire, très forts : “Et ça, c'est vraiment des choix qu'on a faits nous, ensemble, où au début, ce n’était pas censé être... Ce n’est pas réaliste, effectivement. C'est plus fort encore dehors, quand tu arrives dehors. Mais en réalité, ça nous paraissait plus intéressant parce que plus envahissant, plus flippant, en fait. Et c'est vrai que le choix du niveau musical a été franchement un truc, un casse-tête au mix, parce que tout était possible, et en fait, il fallait quand même que la situation ne soit pas trop tiède, quoi, qu'on ait cette sensation, vraiment, que quelqu'un qui met la musique un peu fort. C'est vraiment quelque chose qui s'est décidé, en tout cas ça, vraiment, au moment du mix. J'ai envie de dire: le cinéma, c'est de la pensée, mais c'est aussi des fois de l'organique, ce sont des choses justes qu'on ressent. Et moi, j'ai eu la sensation qu'à cet endroit-là, il fallait que la musique prenne cette puissance-là, cette force-là. Et voilà, là on voit que la voiture s'en va. Cette scène, qui a l'air vraiment assez simple, en fait, va être scrutée dans les moindres détails et c'est une scène qui va être décisive et très importante pour la suite du film.”

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