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Brut Philo — Les réseaux sociaux sont-ils vraiment "sociaux" ? par Michaël Fœssel

"Chacun s’adresse parfois aux réseaux sociaux comme si c’était Dieu." BRUT PHILO. Les réseaux sociaux sont-ils vraiment "sociaux" ? On a posé la question au philosophe Michaël Fœssel. (spoiler) : la réponse est oui, mais pas pour les raisons auxquelles vous pensez…
Publié le
10
/
12
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2023

Chacun s'adresse parfois aux réseaux sociaux comme si c’était Dieu. (...) Il y a une tendance philosophique qu'on appelle l'idéalisme qui consiste à dire qu’il y a un point de vue des points de vue, qui est Dieu, qui, lui, nous garantit que ce que je vois à l’instant T existe vraiment” déclare Michaël Foessel, philosophe et auteur de La Privation de l’intime. Il ajoute que “la croyance en Dieu n'est pas aussi partagée qu'elle l'était à l'époque où cet idéalisme était défendu dans l’histoire de la philosophie, par conséquent, on a une tentation à substituer à ce grand spectateur une multitude de spectateurs. Plus la chose est vue, plus l'image est vue, plus la story est suivie sur les réseaux sociaux, plus elle prend en quelque sorte de la réalité”.

L’imperfection à l’ère des réseaux sociaux


Internet est un système de confirmation”


Internet marche aussi fort et est à ce point encastré dans nos vies, et nos vies sont à ce point encastrées dans ce réseau, que c’est un système de confirmation. C'est-à-dire qu'au fond, l'algorithme, le nombre de vues, le nombre de likes, c'est une manière de nous rassurer de ce qui est une inquiétude fondamentale de la vie humaine, mais qui fait aussi peut-être parfois son intérêt, c’est que finalement nous n'avons pas de certitudes relativement à ce que nous vivons. Est-ce que ce que je vis, est-ce que ce que je suis aussi, existe vraiment ? J'ai besoin du regard des autres pour en avoir la certitude. J'ai besoin de l'approbation des autres pour être certain de l'avoir vécu” explique Michaël Foessel. 

Notre rapport à notre visage à l'heure des réseaux sociaux – Brut Philo


C’est un principe qui “n’est pas nouveau”, celui de la “légitimation des existences individuelles”. “Dans les sociétés d'Ancien Régime, son existence était intégralement définie par sa position sociale. Le serf n'avait aucune chance d’être avec une princesse. Dans des sociétés tendanciellement démocratiques, cette hiérarchisation par la société est beaucoup plus fluide, elle est beaucoup moins étanche, et c'est heureux. On peut espérer”. Le philosophe ajoute que “le problème, c'est que, comme toujours, la société finit par refaire des hiérarchies et donc, par conséquent, les réseaux sociaux vont aussi refaire des formes de hiérarchies, entre le like et l'unlike, entre ce qui est vu massivement et ce qui est ignoré, etc.” La hiérarchie existe mais elle s’opère “dans une autre cour : celle du virtuel”. 

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Un peu de méfiance à l'égard des images ne peut pas faire de mal”


Il se dit “pour” l’intelligence artificielle et la production d’images en IA : “Après tout, peut-être que si on ne fait plus confiance aux images parce qu'elles risquent d'être des images faites par l'IA, on finira par se méfier des images même quand c'est nous qui les faisons. Parce qu'une image, même si c'est une “vraie” image, n'est jamais que la saisie de la vérité en un temps T. Et par conséquent, c'est peut-être cela avec quoi il faut peut-être un peu rompre, et peut-être que d'une manière un peu dialectique, les images dans l’iA nous y obligeront” explique le philosophe en faisant référence aux multitudes d’images publiées sur les réseaux sociaux ou sur Internet. “Un peu de méfiance à l'égard des images en général, y compris de nos images de nous-même, ne peut pas faire de mal pour sortir de la caverne, comme aurait dit l'autre” conclut le philosophe.

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