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C'est quoi, le suprémacisme blanc ?
“La suprématie blanche est un poison. Cette idéologie n'a pas sa place en Amérique” déclarait le 17 mai 2022, le président américain, Joe Biden, à la suite de l’attentat de Buffalo, survenu dans un supermarché et qui a fait 10 morts et 3 blessés. Armé d’un fusil semi-automatique, le jeune terroriste, Payton Gendron, âgé de 19 ans lors des faits, a pénétré dans le magasin et tiré sur ses victimes, tout en se filmant en direct sur Twitch. Il expliquera ensuite que son acte a été dicté par la motivation raciste, la population visée étant afro-américaine. Selon le New York Times, le jeune homme aurait diffusé un “manifeste” raciste, dans lequel il déclare prévoir tuer “un maximum” de personnes noires. Complotiste d’extrême-droite, il fera également allusion à la théorie du Grand Remplacement. Et s’est revendiqué être un suprémaciste blanc.
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C’est quoi l’idéologie du suprémacisme blanc ?
Le suprémacisme blanc, c'est une idéologie raciste qui affirme que la "race blanche" est menacée par l'immigration. “Il y a la volonté de l'action violente et terroriste, comme celle de Buffalo, pour déstabiliser les sociétés, c'est ce qu'on appelle "l'accélérationnisme". C'est l'idée qu'en provoquant des violences de masse, du terrorisme de masse, on va déstabiliser les sociétés et hâter, d'où le nom "accélérationnisme", l'affrontement à venir, qui est selon eux est inéluctable, entre les défenseurs de la race blanche et les races halogènes, selon eux étrangères” explique Corentin Sellin professeur d’histoire spécialiste des États-Unis.
Qu’est-ce que la théorie du “grand remplacement” ?
Selon Corentin Sellin, le suprémacisme blanc américain “prend ses racines immédiates des Européens” : “On pense à la théorie du grand remplacement défendu par l'écrivain français Jean Raspail dans son roman “Le Camp des Saints”, puis, plus récemment, défendu par Renaud Camus”. Si le suprémacisme blanc a des origines européennes, “il ne faut pas cacher que le suprémacisme américain a aussi de profondes racines aux États-Unis eux-mêmes. On peut penser au Ku Klux Klan, ce mouvement né après la guerre de Sécession qui voulait défendre une société de supériorité blanche, comme celle qui préexistait auparavant avec l'esclavage”.
Théorie du grand remplacement: c'est quoi ?
Au début du 20e siècle, l’arrivée des immigrants qui ne sont plus anglo-saxons aux Etats-Unis entraîne “la naissance d'un nativisme raciste qui s'incarne dans la personnalité de Madison Grant, un penseur américain racialiste qui, en 1916, publiera un essai sur la disparition de la race blanche fondatrice, selon lui, anglo-saxonne, fondatrice des États-Unis et sur la menace que faisait peser l'immigration” commente l’historien. Selon lui, c’est “vraiment” dans les années 1970 que se forme le suprémacisme états-unien, “alors, évidemment, qui est aux marges de la société, comme on dit en anglais, c'est "fringe", c'est-à-dire que c'est vraiment des groupes marginaux, clandestins, souvent”.
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C’est quoi 4chan ?
Aujourd'hui, ces théories se diffusent notamment via des forums en ligne, comme 4chan mais aussi dans les milieux politiques et médiatiques. Créé en 2003 par Christopher Poole, surnommé “moot”, le forum 4chan est surtout connu pour ses polémiques. Pour certains, il serait un terreau pour l’extrême-droite américaine. “On voit bien que cette idée de suprémacisme blanc diffuse bien au-delà des marges dans lesquelles elle était enfermée depuis une quarantaine d'années. C'est tout l'enjeu depuis, effectivement, l'élection de Donald Trump, c'est l'ouverture qu'il a faite du Parti républicain conservateur traditionnel vers des thèses ou des symboles qui se rattachent au “white power” ou au suprémacisme blanc”.
Qui est Tucker Carlson ?
Au-delà de Donald Trump, l’historien évoque Tucker Carlson, “le grand tribun médiatique, qui anime chez soir sur Fox News l’émission d’opinion la plus regardée sur le câble” : “Il n'a pas hésité à reprendre et à défendre la théorie du grand remplacement. L'histoire de la construction nationale des États-Unis est intimement liée avec une forme de suprémacisme blanc, d'abord par l'esclavage, ensuite avec la ségrégation des populations afro-américaines. Il faut comprendre là qu'il y a un écho très particulier de ces théories qui sont évidemment, aujourd'hui, on le voit bien, diffusées à l'échelle internationale aussi grâce à Internet, mais elles prennent un écho très particulier aux États-Unis et avec aussi le fait que ce discours de haine, tant qu'il n'appelle pas à des violences ciblées particulières, est protégé aussi par cette spécificité américaine du 1er amendement qui laisse quand même une grande marge de diffusion à ces idées haineuses”.
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Pour Corentin Sellin, cette parole s’exprime librement lors de manifestations : “On l'a bien vu à Charlottesville avec ce grand rassemblement de suprémacistes néonazis qu'on aurait du mal à concevoir en France, parce que les lois et la tradition juridique sont différentes”. Ces dernières années, plusieurs attentats racistes ont eu lieu aux Etats-Unis, mais aussi en Nouvelle-Zélande, à Christchurch, en 2019, qui a fait 51 morts. Également, lors de l’attaque du Capitole en janvier 2021, le groupe suprémaciste et néofasciste Proud Boys s’est fait connaître du grand public. Selon l’association américaine Southern Poverty Law Center (SPLC), en 2021, une cinquantaine de groupuscules néonazis, 18 sous-groupes du Klu Klux Klan (KKK) et près d’une centaine de groupes suprémacistes blancs sseraient présents et actifs dans le pays.
Qu'est-ce que les lois Jim Crows ?
Car la Constitution américaine met au centre de ses textes la liberté d'expression, dès le premier article, les groupes identitaires suprémacistes ne sont pas inquiétés et prospèrent, manifestent et promeuvent leur idéologie en totale liberté. Ayant pour président Rocky Joe Suhayda, le Parti nazi américain a même un lobbyiste présent au sein du Congrès américain. Et l’ex-leader du KKK, David Duke, qui souhaite un retour de la ségrégation, avait soutenu officiellement la candidate de Donald Trump.
Aux Etats-Unis, c’est en 1964 avec le Civil Rights et en 1965 avec le Voting Rights, que la hiérarchisation des “races” dans la loi américaine prend fin. Dans les années 60, la discrimination raciale avait été légalisée notamment par les lois Jim Crows. Depuis la fin de la ségrégation et de la hiérarchisation des “races”, certains groupes nationalistes et racistes prônent le retour de la domination par la “race blanche”. Ces suprémacistes souhaitent un retour de leur “culture” et de leur “héritage”.