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Ça vient d'où cette histoire de rivalité féminine ?

On entend souvent que les femmes sont "pires entre elles". Mais au fait, ça vient d'où cette histoire de rivalité féminine ?
Publié le
03
/
08
/
2023

La rivalité féminine cultivée dans différents milieux 


Pour Racha Belmehdi, autrice de Rivalité, nom féminin, beaucoup de films alimentent cette idée de rivalité féminine, notamment avec les “teen movies” entre les années 1990 et 2000. Dans ces films étaient souvent représentées une personne méchante et une personne gentille, de manière très stéréotypée, archétypale, qui devait batailler pour exister face au harcèlement de cette autre fille.

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Au-delà du cinéma, la presse people a aussi eu son importance dans la rivalité féminine. On retrouve plusieurs exemples comme la rivalité entre Lady Di et Camilla. Dans la musique, on peut effectuer le même constat avec l’opposition Britney Spears et Christina Aguilera ou encore de Brandy et Monica dans la chanson The Boy is Mine, où elles s’affrontent pour l'amour d'un homme. “Toutes ces représentations-là, elles nous ont façonnées et elles participent à normaliser cette idée de la rivalité féminine.”, explique Racha Belmehdi. 


L’autrice explique également qu’il existe un archétype très puissant : celui de “l’autre femme”. “C'est une femme qui, justement, est mise au ban de la société parce qu'elle a fait l'erreur d'avoir une relation avec un homme en couple. Je pense au cas d'Angelina Jolie, Brad Pitt et Jennifer Aniston, où on a tout mis sur le dos d'Angelina Jolie, on a tout présenté comme une espèce de “cat fight” entre les deux actrices. On a même eu des T-shirts "Team Aniston”, "Team Jolie", c'était une folie. Et Brad Pitt, dans cette histoire, était totalement absent.

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Comprendre la misogynie intériorisée

Pour comprendre celle-ci, il faut admettre que nous vivons dans une société misogyne, avec de nombreuses normes sexistes, intégrées par les hommes et les femmes parce qu'elles sont soumises aux mêmes influences et aux mêmes représentations. D’ailleurs, plusieurs études montrent que les femmes, lorsqu'elles sont en position d'autorité, notamment en entreprise, ont tendance à harceler beaucoup plus facilement les femmes que les hommes. Celles-ci ont également tendance à être beaucoup plus dures avec les femmes qu'avec les hommes. “Ça, pour moi, c'est réellement un exemple de misogynie intériorisée, dans le sens où elles n'ont pas forcément grand-chose à reprocher à ces femmes-là, mais, pourtant, ça se traduit par une rivalité, une forme de rivalité, finalement, avec des femmes qui leur sont subalternes.”, ajoute Racha Belmehdi.

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Il est souvent dit que les femmes sont pires entre elles. Cela s’explique par le fait qu'elles ont intériorisé cette misogynie. Pour elles, les autres femmes sont forcément manipulatrices, dangereuses, menteuses. Il est donc difficile de construire des relations de confiance entre femmes si l'on considère qu'elles ne sont pas fiables et qu'on ne peut pas leur faire confiance.


Racha Belmehdi explique notamment que les femmes se sont construites dans l'insécurité. “Elles ne sont jamais assez belles, jamais assez jeunes, jamais assez minces. Elles vont se sentir menacées par les femmes qui, selon elles, ont l'air de mieux réussir leur vie, ce qui peut mener à une forme d'agressivité défensive, d'une certaine manière.” Il y aurait aussi l'attention masculine et le besoin de validation. “Les femmes, on les a construites dans une idée qu’elles ressentent une pression de conjugalité extrêmement forte. Ça crée parfois une bataille pour l'attention masculine et la validation masculine.” 

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“Pick me”, d’où ça vient ? 


Une "pick me" est une femme qui, pour obtenir la validation masculine, ne va pas hésiter à rabaisser les autres femmes. Ces femmes se mettent en avant pour démontrer le fait qu'elles ne sont pas comme les autres filles. Pour Racha Belmehdi, c’est problématique car c’est souvent un motif de fierté, qui sous-entend que ce n’est pas bien d’être une fille.

À l'origine, le terme “pick me” est apparu sur Twitter en 2016 avec le hashtag #TweetLikeAPickMe. Au départ, l'idée était de se moquer de certaines femmes qui mettaient en avant leur "wifey material”, c'est-à-dire le fait qu'elles étaient bonnes à marier. Elles en profitaient pour rabaisser d'autres femmes, moins intéressées par la conjugalité. Certaines personnes font aussi remonter l'utilisation du terme à 2006, avec un épisode de Grey's Anatomy dans lequel le personnage principal, Meredith Grey, s'adresse à l'objet de son affection, en lui demandant de la choisir par rapport à sa rivale, et elle lui dit ces termes-là: "pick me, love me, choose me". 

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Aujourd'hui, on utilise le terme “pick me” pour désigner des femmes qui, par exemple, aiment le sport ou n'aiment pas se maquiller ou qui font le choix de vivre autrement. “Alors, interpeller les femmes sur leurs comportements misogynes, c'est important, et c'est ce qui permet de nous faire avancer toutes. En revanche, utiliser ces termes-là pour rabaisser toutes les femmes, pour peu qu'elles aient des envies différentes, pour peu qu'elles aient des aspirations différentes, là, c'est extrêmement problématique et ça relève juste de la misogynie pure. Beaucoup de femmes ont tendance à balayer le sujet sous le tapis et à pointer les hommes du doigt. Certes, on peut pointer les hommes du doigt pour leur misogynie, mais ça n'empêche pas de se remettre en question et d'admettre qu'on a pu soi-même avoir des comportements problématiques envers d'autres femmes.” Pour Racha Belmehdi, il est important de s'informer et d’également prendre le temps de se demander comment on peut mieux faire, s'améliorer et créer avec d'autres femmes une réelle solidarité solide et pérenne.

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