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Comment le viol est utilisé comme arme de guerre

"Vous avez un AK-47, vous avez le viol. C’est la même chose." Pour Céline Bardet, juriste et enquêtrice criminelle internationale, le viol de guerre est utilisé exactement de la même façon que les armes pendant les conflits.
Publié le
22
/
12
/
2023

Vous imaginez un conflit où vous avez des armes, des grenades, des AK-47, des kalashnikovs et vous avez le viol. Le viol, c'est la même chose. Simplement, ce n'est pas un outil que vous tenez dans la main, mais en fait, vous l'utilisez exactement de la même manière. C'est ça, le viol de guerre”. Céline Bardet travaille comme juriste et enquêtrice criminelle internationale. Elle revient sur ce qu’est le viol de guerre et sur ce pourquoi il a été reconnu juridiquement que depuis très peu de temps seulement. “Les violences sexuelles dans les conflits, ce qu'on appelle aujourd'hui le viol de guerre, je pense, existé de tout temps, à mon avis, sauf qu'on n'a jamais documenté ça et qu'on ne s'est jamais intéressé à cette question”. 

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“De tout temps, les femmes ont été aussi des butins de guerre”


Elle explique que la “bascule” a “vraiment eu lieu dans les années 1990” avec “deux conflits majeurs” : le conflit en ex-Yougoslavie et le génocide au Rwanda. “Dans ces deux conflits, on a vu la violence sexuelle utilisée, mais de manière organisée, systématisée. On vient prendre des femmes, on les viole en public aussi, on les viole devant les autres. En Bosnie, on crée des camps de viols, donc d'un seul coup, ça devient quelque chose de beaucoup plus organisé” déclare Céline Bardet qui ajoute que “le viol, justement, c'est une arme de guerre parce qu'il ne vient pas par hasard et il ne vient pas par hasard parce qu'il a un objectif”. Cet objectif peut être un objectif de “terreur”. Elle cite “des organisations type Daech, Boko Haram au Nigeria où on va kidnapper des dizaines de filles dans un collège et qu'on va les rendre esclaves sexuelles auprès des soldats rebelles dans les forêts”. 

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Les personnes qui commettent les viols sont parfois aussi des membres institutionnels”


Un autre objectif peut être celui du nettoyage ethnique “comme il s'est passé au Rwanda. Et là, on sait qu'on va viser une population pour ce qu'elle est, parce qu'elle est musulmane, parce qu'elle est tutsi, parce qu'elle est je ne sais quoi, et on va utiliser le viol contre cette population pour la souiller, et pour souiller sa communauté”. Céline Bardet poursuit : “Il peut aussi y avoir des objectifs économiques. En République démocratique du Congo, en République centrafricaine, le viol, il va être utilisé pour déplacer des populations. Parce qu'il va y avoir des zones dans ces pays-là qui sont extrêmement riches, qui ont des ressources en minerais extrêmement précieux, qui sont exploitées par des entreprises et qui pour pouvoir exploiter ces mines de manière tranquille et sans trop qu'on les voie, vont utiliser le viol la population, humilier les communautés et donc faire que ces populations se déplacent”. 


La juriste indique que “la communauté internationale a commencé à prendre conscience de la question des violences sexuelles avec la résolution 1325, dans les années 2000”. En 2019, une révolution de l’ONU confirme l’utilisation du viol comme arme de guerre. “Elle a reconnu d'une part les enfants nés du viol, et mentionne les hommes victimes de viol dans les conflits. Et ça, c'est quelque chose de très important parce que moi, j'ai beaucoup travaillé sur cette question. J'ai beaucoup défendu cette question parce que si les femmes et les filles sont les victimes en grande majorité des viols, bien sûr, dans les conflits, les hommes en sont aussi victimes”. 

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C'est extrêmement important d'établir des faits”


Céline Bardet explique aussi qu’il est compliqué de récolter toutes les preuves nécessaires à la constitution d’un dossier sur les violences sexuelles dans un conflit. Se rendre sur un terrain qui est souvent encore en conflit est compliqué. Ensuite, la juriste parle de deux types de situations. La première est celle qu’elle appelle le “terrain hostile ++”. En “République démocratique du Congo ou en Libye”, “en fait, les personnes qui commettent les viols sont aussi des membres institutionnels. Quand je dis ça, ça veut dire l'armée, la police de ces pays-là. (...) Donc quand vous allez arriver, vous savez que vous n'allez pas être bienvenus”. Il s’agit alors pour la juriste de rencontrer des survivants et survivantes, de récolter des témoignages de médecins et de témoins directs ou indirects. “Vous allez corroborer avec des femmes qui vont vous raconter un peu la même chose, et là vous allez vous dire “ah ben oui, il y a ce qu'on appelle un schéma”. Ça, c'est constitutif d'un élément de preuve déjà important”. 

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Et il y a des cas où vous allez pouvoir collaborer avec le pays. Je prends un cas récent qui est par exemple celui de l'Ukraine, parce qu'on est dans une situation d'un pays qui a été envahi par un autre, mais qui a pour autant une forme de souveraineté territoriale en partie, et donc qui va inviter des organisations indépendantes à venir. Et donc là, vous allez pouvoir collaborer” explique Céline Bardet. En tant que juriste, elle le réaffirme : “C'est extrêmement important d'établir des faits. Et moi, je dis tout le temps : la justice, elle dit ce qui est, la documentation, elle établit des faits, donc avec des éléments matériels. Et ça, c'est un moyen, d'abord soit de lutter contre le "négationnisme", des gens qui vont nier des choses qui se sont passées, mais aussi de dire : voilà ce qui s'est passé, voilà comment ça s'est passé et voilà pourquoi je vous dis que ça s'est passé”

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Le viol en tant qu'arme de guerre est une pratique qui a des conséquences dévastatrices sur les individus et les communautés touchées. Cette forme particulière de violence est souvent utilisée comme moyen de torture, d'esclavage et de coercition au sein des conflits armés, affectant gravement la vie de nombreux civils, en particulier les femmes et les enfants. Les forces militaires, qu'elles soient gouvernementales ou non, peuvent recourir au viol comme tactique pour instiller la peur auprès de la population et exercer un contrôle sur un territoire. Les conséquences de ces actes sont profondes et durables, touchant à la fois la sphère individuelle et collective.


Sur le plan individuel, les victimes de viols en temps de guerre subissent des traumatismes physiques et psychologiques graves. Les atteintes à la santé mentale sont nombreuses, allant de troubles de stress post-traumatique à des problèmes psychosociaux à long terme. Les groupes sociaux ciblés, en particulier les femmes, peuvent être stigmatisés et marginalisés, ce qui complique leur réintégration dans la société après les conflits. Sur le plan collectif, le recours au viol comme arme de guerre entraîne une perturbation profonde des structures sociales. Les communautés touchées peuvent être déchirées par des divisions internes, exacerbant les tensions ethniques ou religieuses. Ces violences sexuelles perpétrées en temps de guerre compromettent également la stabilité et la paix à long terme dans une région donnée.


Le droit international a reconnu le viol en tant que crime de guerre, et des efforts ont été déployés pour traduire en justice les responsables de telles atrocités. Les tribunaux internationaux traitent de plus en plus des affaires liées aux violences sexuelles commises lors de conflits armés, contribuant ainsi à la lutte contre l'impunité. Promouvoir la prévention du viol en tant qu'arme de guerre et soutenir les victimes sont des éléments cruciaux pour la construction d'un monde pacifique. Les viols de guerre font aujourd'hui partie des crimes de guerre. En temps de guerre, des groupes de femmes peuvent être violées, mais aussi des enfants ou des hommes.