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Comment les agriculteurs organisent leurs points de blocage

"Ça va vraiment être de la survie, tant qu'on pourra, tant qu'il faudra." On a passé une nuit avec les agriculteurs sur un point de blocage. De quoi manger, se chauffer, des matelas pour dormir… Valentin, 28 ans, nous raconte comment ils s'organisent pour potentiellement "poursuivre jusqu'en février".
Publié le
30
/
01
/
2024

Sur ce point de blocage sur l'A15, on est au moins 50 tracteurs, ce qui est quand même relativement bien, tous partis du Vexin français. Et puis on est vraiment là pour une durée totalement indéterminée”. Valentin Morin, 28 ans, est salarié agricole dans le Val d'Oise, à côté de Magny-en-Vexin, et membre des Jeunes agriculteurs dans une exploitation de polyculture. Brut l’a suivi durant une journée sur un point de blocage sur l’A15. Les agriculteurs se sont organisés sur place : barnums pour abriter les lieux de restauration, dortoirs, groupe électrogène, bois de chauffage, etc. “On a tout pour tenir le plus de jours possible. Ça va vraiment être de la survie tant qu'on pourra, tant qu'il faudra qu'on soit là” déclare le jeune agriculteur. 

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“On aimerait qu'on arrive à se sortir des salaires adéquats par rapport à ce qu'on fournit comme travail, on aimerait qu'on arrête d'avoir une concurrence déloyale avec les autres pays de l'Union européenne”


On a un grand nombre de revendications. Mais déjà, on aimerait qu'on arrive à se sortir des salaires adéquats par rapport à ce qu'on fournit comme travail, on aimerait qu'on arrête d'avoir une concurrence déloyale avec les autres pays de l'Union européenne et on aimerait aussi qu'il y ait beaucoup moins de normes puisque l'agriculture française est normée encore plus que l'agriculture européenne. On arrive au bout d'une chaîne où on n'en peut plus, surtout quand on voit qu’on importe de pays étrangers des choses qui sont totalement interdites de faire en France” explique Valentin Morin qui ajoute : “J'ai pour projet, si possible, de m'installer plus tard sur une exploitation. C'est quand même une passion. J'ai peut-être dit “tracteur" avant de dire “papa”. Donc oui, on est assez effrayés par tout ça, nous, en tant que jeunes”. 

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Aujourd'hui, on est tous regroupés pour les mêmes problématiques. Une exploitation qui ne fait même pas un hectare, et une exploitation qui fait 1000 hectares, n'est pas impactée par la même chose, mais tous les modèles agricoles sont touchés par ce qui se passe à l'heure actuelle. Je pense que des arboriculteurs, comme des céréaliers, des maraîchers, des éleveurs, tout le monde a un impact. Et je pense qu'on peut également le dire : quand on voit que dans les pays étrangers, ça bouge également, c'est parce que l'agriculture européenne a des choses à réviser” affirme le jeune agriculteur.

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“J'espère qu'il va y avoir un grand virage et qu'ils vont enfin se rendre compte qu'on est un maillon essentiel, et de l'économie et du territoire”


Sur le camp, l’organisation est structurée “au niveau du syndicat” : “On a des référents qui donnent à chacun la tâche, ce qu'il faut amener comme matériel, et puis après, une fois qu'on a tout réuni, on s'organise sur place. Et c'est là que tout se monte comme il faut” précise l’agriculteur. Avec ses collègues, ils sont déterminés à rester autant qu’il le faut : “Il y aura tout le temps du monde. Comme l'ont dit tout à l'heure nos responsables, l'idéal, ce serait 30 personnes à toute heure sur le blocage. On devrait être rejoints par des collègues d'autres régions, qui arrivent demain. Dès demain, il y a dix nouveaux tracteurs qui vont arriver. Et puis on risque d'avoir des autocars qui vont venir d'autres régions, donc ça va faire un petit peu d'animation sur le camp. (...) Ce n'est pas le froid de la fin janvier qui va nous faire peur. Si on doit poursuivre jusqu'en février, il n’y a aucun problème”. 

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On espère réellement avoir des réponses cohérentes à nos demandes et avoir une écoute du gouvernement par rapport à tout ce qu'on leur demande. Moi, j'espère qu'il va y avoir un grand virage et qu'ils vont enfin se rendre compte qu'on est un maillon essentiel, et de l'économie et du territoire. (...) Les personnes qui n'ont pas forcément de budget dans l'alimentation, vont se tourner vers ce qui va être le moins cher, et le moins cher à l'heure actuelle, c'est ce qui a le moins de charges, donc ce qui vient de l'étranger. Donc il va peut-être falloir commencer par ce maillon-là avant d'aller chercher des idées complètement à côté de la plaque” conclut Valentin Morin. 

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