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Conversation entre Judith Godrèche et sa fille, Tess Barthélémy

"L'angoisse, pour moi, c'était que mes enfants prennent conscience de ce que j'avais vécu." Dans sa série autobiographique "Icon of French Cinema", elle évoque son passé, celui d'une comédienne débutante de 14 ans qui a eu une relation avec un réalisateur de plus de 40 ans... Pour Brut, conversation entre Judith Godrèche et sa fille Tess Barthélémy, qu'elle dirige dans la série.
Publié le
14
/
01
/
2024

Les femmes me disent que, dans le fond, elles, quand elles étaient petites, avec un homme bien plus âgé, avec ce réalisateur avec qui je donnais des interviews et je faisais des séances photos pour des journaux. Presque : ça a validé le fait qu'elles se fassent draguer par des types plus vieux” explique Judith Godrèche, réalisatrice et actrice, en faisant référence à la relation qu’elle a eue en 1986 à 14 ans avec le réalisateur Benoît Jacquot, alors âgé d’une quarantaine d’années. “C'était très important pour moi de raconter cette histoire pour les générations à venir, pour ma fille, pour ses copines, pour les petites sœurs, pour les jeunes femmes”. Dans la série autobiographique "Icon of French Cinema", elle évoque son passé, et notamment cette relation qu’elle a eue très jeune avec Benoît Jacquot. Sa fille, Tess Barthélémy, l’incarne dans la série.

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L'angoisse, pour moi, c'était que mes enfants prennent conscience de ce que j'ai vécu”


“Je pense que t’as tellement minimisé ton passé et ton histoire que d'une manière, la série était un peu une meilleure amie qui te dit : "Hey, regarde. Il y a un souci, quoi !" Et c'est un peu comme ça que tu t'es rendu compte” analyse sa fille. “Le déclic, ça a été, un jour, de voir Tess rentrer de la danse en justaucorps. Et il y a eu cette espèce d'effet miroir. Le fait que le corps d’une fille de quinze ans, cela soit ça, il y a eu cette espèce de truc très, très marquant de me dire : “Ah oui, c'est ça, une fille de quinze ans." Tess était dans une école d'art et l'idée qu'elle puisse se retrouver dans une situation que j'ai vécue et d'imaginer Tess à ma place, c'est impossible pour moi” ajoute Judith Godrèche. 


L'angoisse, pour moi, c'était que mes enfants prennent conscience, en fait, de ce que j'ai vécu. Parce que, dans le fond, c'est vrai que je n'assumais pas du tout, du tout, du tout mon enfance vis-à-vis de mes enfants. Il y avait aussi ce truc de se dire : si je raconte ce que j'ai vécu, c'est comme si je donnais la possibilité pour que Tess, par exemple, me dise: "Pourquoi pas moi, puisque tu l'as fait ?"” explique l’actrice française. C’est par le biais de la série "Icon of French Cinema" que ses enfants ont appris clairement certains événements survenus dans l’enfance et le jeune âge de leur mère. 

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“Il y a plein de femmes qui m’écrivent et qui ne parlent pas car il y a un réflexe très compliqué à vivre”


Elle déclare que “plein de femmes m'écrivent et ne parlent pas. Il y a un réflexe qui est très compliqué à vivre pour les femmes”. Ce réflexe, c’est celui de craindre les remarques et les jugements des regards extérieurs. Le prêt d’intentions qui ne sont pas celles qu’elles sont réellement. A ceux qui clament que certaines femmes parlent pour “se faire de la pub” ou concernant les jeunes actrices “pour pouvoir avoir un rôle”, elle répond qu’”il n'y a aucune actrice au monde qui pense que si elle parle de ce qu'elle a vécu avec un homme, elle va avoir un rôle. Vous savez pourquoi ? Parce qu'elle ne l'aura pas, le rôle. Ça ne marche pas comme ça. Il n'y a aucune actrice qui a parlé contre Weinstein, qui s'est retrouvée un rôle. C'est pas glamour de raconter des trucs pareils. Personne n'a envie d'être connue et reconnue pour ça. Et puis les femmes, elles n'ont pas envie d'être vues comme des victimes. Les femmes se sont battues pendant des générations, et des générations, et des générations pour affirmer leur force, leur indépendance, pour être vues comme des égales des hommes. C'est pas pour aujourd'hui rêver être perçue comme une victime”

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Judith Godrèche le répète : “Moi, j'ai pas envie d'être vue comme une victime”. Ce qu’elle souhaite et espère, c’est que le système du cinéma français change. “Je fais vraiment confiance à la génération qui regarde Brut et j'espère bien qu'ils vont révolutionner le monde du cinéma et d'ailleurs le monde en général, en tout cas, que ce rapport du pouvoir et de l'abus de pouvoir soit quelque chose contre lequel ils vont se battre, garçons, des filles et quel que soit l'âge” affirme l’actrice et réalisatrice ajoutant “le problème, c'est qu'il faudrait que ce soit dans l'intérêt de tous. Et ce n'est pas dans l'intérêt de tous. Dans le fond, il y a quand même des establishments. Il y a des personnes qui ne veulent pas que certaines choses changent, ou se sachent, etc.” Sa fille Tess Barthélémy espère de son côté que ces voix qui s’élèvent persistent et qu’il ne s’agisse “pas juste d’une vibe ou d’une trend”. 

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