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"Créatine" par Victor Malzac — Brut Book

"À 18 ans, quand j'ai découvert la littérature, j'ai pété un câble en fait." BRUT BOOK - Vous aimez lire des livres, tranquille sur une chaise ? Pas sûr que cette vidéo vous plaise. Par contre, si vous aimez être surpris, jetez un oeil à cette interview de Victor Malzac. Diplômé de la prestigieuse école Normale Sup et aussi fan de One Piece et Call of Duty, il déboule à seulement 26 ans avec son premier roman, “Créatine”, après avoir publié trois livres de poésie.
Publié le
21
/
01
/
2024

On a une conception du livre... C'est un peu la messe. On est assis, on s'ennuie. Moi, je voulais me mettre debout et lire fort, regarder les gens et les captiver. Le livre écrit, ce n'est qu'une partie du livre, pour moi”. Après avoir publié trois livres de poésie, Victor Malzac, âgé de 26 ans, publie son premier roman “Créatine” dans la collection Scribes des éditions Gallimard. “Ca parle d'un mec qui fait beaucoup de sport pour devenir comme Schwarzenegger, dans l'idée que ça va l'aider à séduire toutes les femmes et que ça fera de lui le modèle idéal de ce qu'est un homme très viril” raconte l’auteur. C’est à 18 ans qu’il découvre la littérature. Elle devient pour lui “une sorte de mantra”. “J'ai pété un câble, en fait. Je me suis dit que la littérature peut englober tout. Alors je me suis dit : pourquoi pas aller à la source et écrire moi-même mes livres? Je ne viens pas d'un milieu lettré, mais je me suis dit : Et alors ? Peu importe. Moi, si je kiffe quand j'écris, il faut y aller”. 

Sauvage de Julia Kerninon — Brut Book


Les auteurs et autrices doivent aller vers les gens, leur parler, sinon on va créer une fracture”


Passionné de Call of Duty, il intègre ensuite la très prestigieuse école Normale Supérieure. “Quand j’ai découvert les livres, je me suis dit : Ah ouais, on peut faire ça ?! Tout a changé pour moi. Quand on a lu jeune ou quand on fait une prépa en se disant : "Je vais lire Racine, je vais lire Shakespeare”, on ne se rend pas compte que ces gens ont été vivants. Ça, c'est systématique. Les gens qui font des études de lettres ont un blocage en général quand ils arrivent. Ils se disent : je m'attaque à des monuments. Et pour moi, cela n'a jamais été des monuments. C'étaient moins des monuments que Schwarzenegger ou que One Piece ou que des choses comme ça” explique Victor Malzac. “Quand j'avais 10 ans, je ne lisais pas Stendhal et Dostoïevski. Comme beaucoup de gens de l'âge de 10 ans dans les années 2000, on lit One Piece, Naruto, Hunter x Hunter, des trucs accessibles, populaires et pas chers. Les mangas, en fait, c'est la littérature la plus accessible : ça va à l'essentiel, c'est beau, il y a une histoire hyper tissée, il y a plein de personnages... Moi, je suis entré par la littérature comme ça. Quand j'ai compris que le mot poétique voulait tout et rien dire, tout s'est libéré pour moi”. 

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A ceux qui pensent que “les gens ne lisent plus”, Victor Malzac n’est pas d’accord avec eux : “Je ne suis pas sûr que les gens ne lisent plus. Je pense qu'ils lisent autrement et qu'ils ne vont pas lire ce qu'on appelle des romans traditionnels. En fait, si on réfléchit bien, un téléphone, c'est quasiment que de l'écriture tout le temps. Je ne pense pas que les jeunes lisent moins. Je pense, en revanche, que ça les ennuie les livres qui sont écrits, qui sont un peu datés, c'est-à-dire qui ne prennent pas en compte les réalités du monde. De pouvoir parler, de pouvoir écrire, c’est un privilège. Les auteurs et autrices doivent écrire sérieusement, rigoureusement, mais doivent s'adresser aux gens, doivent aller vers les gens, doivent parler des gens, sinon on va créer une fracture. Et d'ailleurs, elle est à peu près déjà là, cette fracture. On devrait un peu remettre la littérature dans ce qu'elle est, c'est-à-dire quelque chose de purement ludique”. 

Perspective(s), par Laurent Binet – Brut Book


Pour ce roman-là, j’ai écouté beaucoup de techno, un peu dark, un peu techno allemande, un peu énervée”


Victor Malzac écrit “des flux” qu’il “retravaille” ensuite. “En fait, je me plonge dans la tête de mon personnage. J'écris, j'écris, j'écris, je me mets dans sa tête et je pense comme lui. Donc j'écris des tonnes et des tonnes de choses. À la fin, là, il y a 30 % de ce que j'ai écrit vraiment”. L’auteur de 26 ans confie écrire “à partir de rythmes. Avant d'écrire, j'ai une autre obsession, c'est la musique. Et en fait, je prépare à l'avance des playlists de musique et ça me met dans un état particulier que je traduis avec des mots, parce que c'est le médium que je sais utiliser et qui me plaît le plus. J'écoute de la musique en écrivant, j'ai une routine d'écriture très stricte. C'est toujours la même. Il y a la playlist, il y a la même table et je mets ces musiques en boucle, ou alors dans le désordre, mais c'est toujours les mêmes musiques. Et tant que le livre n'est pas fini, j'écouterai les mêmes musiques, jusqu'à l'épuisement d'ailleurs. Pour ce roman-là, j’ai écouté Sébastien Tellier, essentiellement. Beaucoup de techno, un peu dark, un peu techno allemande, un peu énervée. J'aime bien l'idée d'une cadence. J'aime bien l'idée de contaminer les gens avec le mouvement. Et alors, là, pour ça, la musique rythmique sans paroles, c'est la meilleure”. 

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Dans son livre, l’auteur déclare qu’il dénonce aussi les “préjugés virilistes” : “Pour les jeunes adultes masculins, le monde masculin, c'est un monde qui est encore très bloqué dans des préjugés virilistes du type : il ne faut pas pleurer, il faut être musclé, il faut parler comme ça aux femmes, etc. Et ça, c'est quelque chose dans lequel je ne me retrouve absolument pas. Il y a dans tout ce bassin viriliste un soubassement qui est l'homophobie. Ça, dans Créatine, c'est important. Comment les salles de sport montrent des hommes à poil tout le temps, mais tout en disant qu'il ne faut pas être homo, que ça c'est PD, qu'il ne faut pas mettre de l'huile, il ne faut pas se raser les poils... Il y a plein de paradoxes, pas réglés, alors que les salles de sport, c'est quand même le temple des mecs musclés, beaux. Moi, je trouve les hommes de salle de sport très beaux, très attirants. C'est rare, en fait, les clubs où on peut être bienveillant, inclusif et où on tolère la présence homoérotique, en fait” conclut Victor Malzac. 

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