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"Les Yeux de Mona" de Thomas Schlesser – Brut Book
Historien de l'art, professeur à l’Ecole polytechnique et romancier, Thomas Schlesser parle de son roman "Les Yeux de Mona" publié aux éditions Albin Michel. “Ça parle d'une petite fille qui est menacée de devenir aveugle. Elle s'appelle Mona, elle a 10 ans, et donc peut-être que la cécité va la frapper définitivement. Et son grand-père se dit que si jamais elle devenait aveugle, il faudrait qu'elle emporte dans sa mémoire toutes les beautés du monde. Et pour ça, il l'emmène dans un musée, chaque mercredi, pour voir une seule œuvre. Et devant cette œuvre, à chaque fois, il va s'en imprégner, pour qu'il y ait une leçon d'histoire de l'art, mais pour qu'il y ait aussi une leçon de vie, une petite morale, une leçon existentielle. Et ça, ça va permettre à Mona de grandir, d'évoluer, de traverser quantité d'épreuves” explique l’auteur, qui ajoute : “Ce que je voulais, c'est vraiment montrer que quand on est face à une œuvre, eh bien ça nous raconte quelque chose du monde, de la société, de nous-même, de la vie, de l'existence”.
Perspective(s), par Laurent Binet – Brut Book
“Moi, bien souvent, j'ai l'impression devant une œuvre que je discute avec l'artiste”
Pour Thomas Schlesser, dans l’art il y a une dimension transcendantale : “La transcendance dans l'art, ça peut être se sentir rempli de spirituel, de divin. Mais ce n'est pas que ça. Le transcendantal, c'est un rapport avec l'au-delà, avec la mort, ou plus exactement les morts. Il y a une des leçons qu'apprend Henry à Mona, devant un tableau de Fantin-Latour, c'est : les morts sont parmi les vivants. C’est un tableau où, en effet, tout un groupe d'artistes entoure Eugène Delacroix, un peintre qu'ils admiraient et qui vient de mourir. Cette façon de pouvoir quasiment communiquer avec des esprits qui ne sont plus là mais qui sont encore parmi nous par les œuvres, ça nous donne une manière de voir le monde tout à fait extraordinaire, où ceux qui nous ont quittés sont encore parmi nous. Moi, vous savez, bien souvent, j'ai l'impression devant une œuvre que je discute avec l'artiste. Je me dis que c'est un canal de dialogue avec des êtres qu'on n'a pas forcément connus mais qui nous sont chers et avec lesquels on a envie de partager, et partager les choses le plus librement possible, et en plus, dans la discrétion de notre cerveau”.
Sauvage de Julia Kerninon — Brut Book
“Surtout, il faut que le public ne se sente absolument jamais coupable quand il a soit une indifférence ou un doute devant une œuvre"
Pour l’écrivain, nous ne sommes “pas tous égaux par rapport à l’art. Tout dépend de notre bagage culturel, de la manière dont on a cultivé notre sensibilité. En revanche, ce que je crois, c'est qu'il y a plein, plein, plein de moyens d'arriver à jubiler d'une œuvre d'art et que, surtout, il ne faut pas se décourager. Il faut être parfois un petit peu patient. C'est un petit peu comme quand on apprend à goûter des choses. Par exemple, savourer l'amertume, c'est difficile. Un enfant à qui vous donnez quelque chose d'amer, ça ne va pas lui faire plaisir tout de suite. Comment se fait-il que quand on a 20 ou 30 ans, on commence à beaucoup aimer des alcools qui se fondent précisément sur l'amertume ? C'est parce qu'on a développé, éduqué son palais. C'est la même chose avec l'œil, c'est la même chose avec l'oreille, avec l'esprit”.
A propos de certaines œuvres qui peuvent laisser le public insensible, dubitatif voire sceptique, et parfois coupable de ne rien ressentir, Thomas Schlesser explique : “Surtout, il faut que le public ne se sente absolument jamais coupable quand il a soit une indifférence ou un doute devant une œuvre. Même sa résistance fait sens. Devant une oeuvre, on peut avoir la sensation d'absurdité mais déjà prendre en compte ce que c'est que l'absurdité d'une ceuvre, c'est déjà faire un énorme pas vers elle, et c'est une clé de compréhension formidable pour, ensuite, découvrir toute sa signification”.