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L'histoire du Marcel, une histoire française

De Sylvester Stallone à Freddie Mercury, il a traversé les époques avant d'être adopté dans les défilés de mode. Pas de manche, un col rond… C'est le marcel. Et Sébastien Olland, journaliste à Brut et adepte de ce vêtement, nous raconte son histoire.
Publié le
07
/
06
/
2023

Pourquoi on appelle ça un marcel ? 

Tout a commencé à Paris, à Châtelet. Le vêtement est né au milieu du 19ème siècle. Il se destine aux travailleurs, les débardeurs qui donnent le nom au vêtement, qui chargent et déchargent les marchandises aux Halles, à Châtelet. Ce débardeur est ensuite repris par une entreprise, dont le propriétaire se nomme Marcel. Par métonymie, le vêtement prend son nom. 

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Alors qu’il est jusqu’ici principalement vu et porté par des travailleurs, le cinéma des années 1950 contribue à rendre le marcel “sexy” et à le populariser à l'international, selon Sophie Lemahieu, historienne de la mode, et conservatrice de mode au musée des Arts décoratifs. “Par exemple, Marlon Brando dans "Un tramway nommé Désir" va être l'image, justement, de cet ouvrier qui se dénude et donc on découvre le marcel. Petit à petit, et notamment après les succès des films de Bruce Lee, le marcel devient le vêtement incontournable des films d'action et l'attribut des gros bras au cinéma”, ajoute l’historienne. Le marcel est alors associé à la masculinité extrêmement marquée, passant ainsi par ces hommes-symboles du cinéma, comme Sylvester Stallone ou encore Bruce Willis dans le film "Die Hard".

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Ce type de personnages et de stars hollywoodiennes fascine et va devenir l’objet d’imitation. “Ce qu'il se passe avec le débardeur par rapport au simple T-shirt, qui lui aussi se popularise dans les années 1950, c'est qu'on va avoir, donc, ce dévoilement de l'épaule, et donc des muscles, des triceps, des biceps qui sont particulièrement associés à la virilité et au corps fort. Au point d'être même une virilité extrêmement toxique, vu qu'on va parfois l'appeler en langue anglaise le “wife beater”, donc celui qui bat les femmes tant on va l'associer à une violence”

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Un vêtement devenu le symbole de plusieurs populations 

En parallèle, dans les années 1970, Freddie Mercury s'empare du marcel comme élément vestimentaire de ses concerts avec Queen. Ce maillot de corps sans manches devient alors tendance dans la communauté LGBTQIA+. “C'est ça qui est intéressant avec un vêtement aussi neutre que le marcel, c'est qu'on va pouvoir le tirer dans des directions différentes. Comme souvent, en réalité, il y a un côté très précurseur dans la manière de s'habiller de cette communauté, qui va pouvoir porter de nouveaux symboles qui vont finalement plaire et être récupérés ensuite par une population plus large”. Le vêtement est alors également associé au basket-ball mais aussi à d’autres contre-cultures comme le hip-hop qui se l’approprie dans une forme plus large, dite “oversize”. 

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Aujourd'hui, le marcel s'est démocratisé au sein de toutes les populations. Le vêtement est accessible à tous les budgets jusqu’à la haute couture. “Comme beaucoup de vêtements très simples et qui ont d'abord appartenu à la rue, les podiums se les réapproprient. Ce que ça raconte, pour moi, de notre adoption du marcel, de manière aussi simple, aujourd'hui, c'est toute la décontraction générale du vêtement au cours du 20e siècle et jusqu'à nos jours. On est passé d'une silhouette au tout début du 20e siècle, où les femmes étaient corsetées, où la chemise était indispensable pour les hommes, à un corps qui a vécu un certain recul de la pudeur où on peut plus montrer, un corps qui se veut beaucoup plus souple, beaucoup moins contraint. Et le marcel participe tout à fait à ça, au même titre que le fait qu'on porte des baskets, tout simplement, dans la vie de tous les jours”, termine Sophie Lemahieu. 

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