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3 moments qui ont changé la vie de Lartiste
Trois moments qui ont changé la vie de Lartiste
« Comme Avant », le septième album du rappeur, est sorti le 17 juillet. Brut l’a rencontré.
Son arrivée en France
C’était en hiver 91, c'était la guerre du Golfe. J'étais trop jeune pour comprendre, mais je voyais ça s'agitait dans l'actualité. Et moi, j'arrive dans ce pays où il fait froid, où il y a beaucoup de lumières, où il y a des escalators et des escaliers qui bougent, ça fait peur.
J'avais 8 ans et je revenais de Marrakech. Je suis passé de 40°C à 3°C. Je suis arrivé avec mes deux grandes sœurs, mon petit frère et ma mère. On est arrivés en avion. On est arrivés à l’aéroport, j’ai rencontré mon père. Je le connaissais déjà, mais je n'avais plus de souvenirs de lui. Mon but principal à ce moment-là, c'était de voir mon père. Dès que je l’ai vu, je l’ai reconnu. C’est un des moments les plus forts de ma vie.
Il était tout seul parmi tous ces gens. Et moi, je savais qu'il était tout seul depuis tout ce temps. C'était fort. C'était un moment très fort. Il fait partie de cette vague d'immigration qu'on a appelée la réindustrialisation. À l'époque, c'était Chrysler. Ensuite, les fonderies, les foyers Sonacotra, tout ça. C'est cette génération-là, et cet homme tout seul qui retrouve sa famille. Je pense que pour lui et pour nous, c'était un moment fort.
Mon père a toujours été un repère pour moi, même s'il n'a pas forcément été à l'école et n'a pas forcément eu les chances que j'ai pu avoir, qu'il a pu me donner lui. Je le prends toujours comme un exemple parce que cette humilité que je pourrais avoir, elle vient de mon père.
Je l’ai toujours vu baisser la tête. Je lui demandais : « Pourquoi tu baisses la tête ? » Parce que moi, je suis un peu plus révolutionnaire, un peu plus Che Guevara dans ma tête ! Il me répondait : « * Parce que quand tu n'as pas été à l'école, tu n'as pas trop le droit de parler.* » Ça me rendait fou d'entendre ces choses-là. Ill m'a donné cette force.
Son travail d’éducateur à Montfermeil
Je suis allé à Montfermeil dans un poste que personne ne voulait. J’ai fait un entretien très simple, très rapide, parce que c’était un poste d’éducateur spécialisé en musique assistée par ordinateur. De la MAO, à l’époque. Personne ne voulait de ce poste parce que c'était un secteur réputé dangereux, sensible. C’était en 2007/2008, on sortait des premières émeutes de 2005.
Il y avait l'Europe qui avait mis la main à la poche pour financer quelques projets de jeunes. Dans ces coins-là, dans ces coins reculés, à l’époque, il n’y avait pas forcément beaucoup de transports, ce n'était pas bien desservi. C'étaient des cités un peu isolées avec une partie très riche de la ville où c’étaient de beaux pavillons, et une partie très, très pauvre, où c’était concentré, où il y avait beaucoup de problématiques concentrées les unes sur les autres.
Ces endroits là, pour moi, ce sont des viviers d'artistes et des viviers de sportifs, justement parce qu'on exprime beaucoup, beaucoup de frustration, beaucoup de rage avec son corps, avec ses mots, avec ses punchlines. Pour moi, c'était justement l'endroit où il fallait aller. Et je ne me suis pas trompé du tout, parce que j'ai pu me mélanger à d'autres jeunes !
Ils m'ont donné ce truc de solidarité, d'aller vers les autres, de faire, de créer ensemble. Ça, je l'ai appris à Montfermeil. J’espère avoir apporté quelque chose aux jeunes, mais en tout cas, moi, ils m'ont apporté énormément. On n’écoute pas assez les acteurs sociaux, c'est dommage. Quand une action est menée, je pense que ça donne des résultats.
Pas à court terme, mais à moyen et à long terme. Parce qu'on crée des vocations. Moi même, j'en suis la preuve. L'erreur qu'on fera en France, c'est justement de sucrer les budgets de culture, de sucrer les budgets de jeunesse et tout ça, et les budgets d'éducation. Pour moi, c'est une solution, et c'est une solution qui fonctionne.
Sa rencontre avec Wilfrid Mbappé
À mes 12 ans, j’étais à Bondy. J'étais un des petits qu’entraînait Wilfrid Mbappé, le père de notre champion du monde, notre Kylian national. C'est une grande fierté, parce que c'est un grand monsieur. C'est vraiment quelqu'un qui connaît son sujet. Et en même temps, il sait aussi gérer un gamin.
J'ai une anecdote là dessus. J'arrive à la fin des détections. Il n’y a plus de place dans le club, et il dit à mon père : « Je ne vais pas pouvoir lui faire de licence tout de suite. Je vais prendre des risques. Mais je vais le garder parce que je n'ai pas envie qu'il traîne dans la rue. »
À partir du moment où quelqu'un, un acteur social, est concerné, qu’il fait son travail avec passion et qu'il remonte les infos, je pense que ça ne peut donner que des résultats positifs. Je n’arrive pas à comprendre qu'on baisse les bras, parce qu'il y a de vrais exemples.
Tout le monde ne peut pas être Kylian Mbappé demain, mais ça peut donner des Lartiste. Parce que j’ai pas réussi dans le foot, mais peut-être qu’il m'a aidé et j'ai réussi. Peut être que cette partie-là, cette anecdote-là, dans la trajectoire de Youssef Akdim, qui devient Lartiste, c'est essentiel.