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Cynthia Fleury : accompagner ses proches dans la maladie "est un droit absolu, non-négociable"

"On a des familles qui sont empêchées de pouvoir faire leur deuil, […] c'est terriblement indigne pour une société." Le cri d'alarme de la philosophe Cynthia Fleury.
Publié le
24
/
02
/
2021

Covid-19 et interdiction de rendre visite aux malades : l’impossible deuil des familles analysé par Cynthia Fleury


Cynthia Fleury, philosophe et psychanaliste, est également professeure titulaire de la Chaire Humanités et Santé au CNAM. Elle explique pourquoi, selon elle, l’impossibilité pour les proches d'accompagner les victimes du COVID-19 en raison du contexte pandémique a rendu difficile le processus de deuil.


"Ça fait partie du soin, du droit des patients, de l'humanité"


Accompagner les vivants, tout le temps et pas seulement au dernier souffle, ça fait partie du soin, ça fait partie du droit des patients, ça fait partie de l’humanité et ça fait partie de la gestion, on pourrait dire démocratique, de la pandémie”, explique Cynthia Fleury.


Souvent, on explique aux familles qu’il n’est pas possible d’accompagner les proches pour des raisons économiques, d’un manque de personnel ou de matériel de protection notamment, ce que le spécialiste appelle un “rationalisme gestionnaire”.


C’est un droit absolu, non-négociable, d’accompagner ses proches tout le temps. Pas simplement au dernier souffle.


Avoir pu accompagner le proche dans la lutte contre la maladie, un élément essentiel du deuil


Pour Cynthia Fleury, le sentiment de s'être battu aux côtés du malade, d'avoir pu accompagner la personne permet de surmonter progressivement l'épreuve et de faire son deuil.


Si l’on en a été empêché, et qu’on n’a notamment pas pu voir le corps du proche, ni ses derniers instants, un phénomène “d’irréalisation” s’installe, un refus du deuil. Pour la psychanalyste et philosophe, cela provoque “un sentiment de culpabilité immense, un sentiment d’incompréhension, un sentiment de colère, aussi. Alors ce sont des étapes bien connues dans le deuil mais qui là sont extraordinairement renforcées par la situation exceptionnelle que nous vivons.


Si on empêche ces ritualisations du deuil, si on empêche le droit opposable de visite aux malades, on détruit, en fait, toute l’humanité du soin”, assure-t-elle.


La ritualisation de la mort, l’aide aux malades, la présence absolument déterminante de la famille auprès des malades, tout ça c’est ce qui fait que nous faisons, dignement, société”, conclut-elle.