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Emprisonné en Sibérie et victime d'un complot, Yoann Barbereau raconte son évasion

Piégé et arrêté chez lui par les services de renseignement russes, Yoann Barbereau a vécu 71 jours de prison en Sibérie avant de réussir à s’évader. Il raconte.
Publié le
13
/
02
/
2020

Emprisonné en Sibérie, Yoann Barbereau raconte son évasion


Le Français a été accusé à tort du viol de sa fille, emprisonné puis assigné à résidence. Il raconte son histoire dans un livre, « Dans les geôles de Sibérie ».


Le Français Yoann Barbereau travaillait à l'Alliance française à Irkoutsk, en Russie. Le 11 février 2015, il est arrêté chez lui. L’ordre d’arrestation émanerait du FSB : les services de renseignement russes. Après 71 jours en prison, Yoann Barbereau est assigné à résidence à Irkoutsk. ll s’enfuit, usurpe une fausse identité et rejoint l'ambassade française à Moscou en covoiturage.


Le 8 novembre 2017, il débarque en France par avion. Le lendemain, il est invité sur le plateau d'Envoyé spécial. Sur le plateau, il nie être un agent secret, mais reconnaît que même s’il en était un, il dirait non quand même. Il a sorti un livre pour raconter sa cavale rocambolesque. Pour Brut, il raconte.


« On a trafiqué mon ordinateur, on l'a utilisé pour publier des images criminelles »


Ce matin-là, je suis arrêté par des hommes cagoulés de manière très violente, sous les yeux de ma fille. C'est le petit-déjeuner, et je ne comprends pas. Je suis menotté, on me met une cagoule noire sur la tête. Je me demande qui sont ces hommes et si on n'est pas dans une scène d'exécution. Alors j'essaie de comprendre : qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Rapidement, je vais comprendre que ce sont des agents du FSB, les successeurs du KGB.


Dans un premier temps, je suis accusé de diffusion de documents pédo-pornographiques. Rapidement, je vais être accusé du viol de ma propre fille. C'est une accusation montée de toutes pièces. On a trafiqué mon ordinateur, on l'a utilisé pour publier des images criminelles et ensuite, sur cette base-là, on a inventé cette accusation. Je sais que ce que je suis en train de vivre : c'est un Kompromat. Kompromat, ça veut dire dossier compromettant : quelqu'un essaie de m'éliminer en utilisant contre moi un dossier compromettant.


« On m'attache les mains à des barreaux et on me frappe au niveau des testicules »


Je suis jeté en prison. Je vais y rester 71 jours. Le plus dur, c'est de vivre à 10 dans 25, 30 m2, dans des conditions sanitaires difficiles. La puanteur est là, les toilettes sont à côté... Surtout, on survit au milieu de bandits, de mafieux, de criminels de haut vol pour certains. Et j’ai gravé sur mon front l'article 132, l'article des violeurs, l'article qui dit que j'ai peut-être violé un mineur.


En prison, les violences peuvent venir des co-détenus, mais elles viennent surtout des gardiens. J'ai connu cette violence-là, en particulier le 14 février, le jour de la Saint-Valentin. Ce sont des gardiennes de prison qui s'amusent, qui rigolent, qui boivent et qui font sortir les détenus les uns après les autres. À un moment, je suis extrait de la cellule. On m'attache les mains à des barreaux et on me frappe au niveau des testicules. Le but, c'est que les détenus soient obéissants, c'est de l'intimidation, du dressage, et c'est pour casser systématiquement la volonté.


Un papier d’aluminium pour couper le signal du bracelet électronique


Quand je suis assigné à résidence, je passe par de grands moments d'abattement. Je peux tomber dans l’alcool, puis je me reprends et je me dis qu’il faut sortir de cette situation, il faut s'évader. J'utilise un papier d'aluminium, dont je recouvre mon bracelet électronique. Ça coupe le signal. Immédiatement, normalement, quelqu'un doit réagir et venir m’arrêter, ou voir où je suis. Mais je constate que le dimanche, lorsque je place du papier aluminium autour de mon bracelet, ça ne déclenche aucune réaction pendant au moins quatre ou cinq heures. Donc si je m'évade un dimanche, je peux avoir quatre ou cinq heures d'avance sur mes poursuivants.


Je rejoins l’ambassade française à Moscou. Les diplomates craignent évidemment un incident diplomatique, donc ils entrent discussion avec les Russes. Le risque, à terme, c'est que ma situation devienne publique. Les Russes ont averti : « Le jour où, publiquement, on révèle que Yoann Barbereau est au sein de l'ambassade, alors nous ferons le siège de l’ambassade, et jamais il ne sortira. » Je décide de sortir de l'ambassade, donc de déjouer le système de sécurité, de sortir et de traverser la frontière. Pour ça, je me suis préparé, j'ai étudié les cartes satellites pendant des mois. J'ai repéré un point où je peux passer en Estonie.


« Ce que craignait le FSB, c'est que tout finisse dans un livre »


Je sors, et une amie russe m’aide. Ce que je n'ai pas dit, c'est que dans chacune de mes fuites, les véritables héros, ce sont mes amis russes. Ils ont pris des risques pour m’aider au nom de l'amitié et de la fraternité. Ce que craignaient le plus les hommes que j'avais sur le dos, le FSB, c'est que tout finisse dans un livre. Mais ce livre, j'ai fini par l'écrire. J'ai commencé en prison. J’ai inscrit sur mes petits cahiers verts « Dans les geôles de Sibérie », et c'est le titre de ce livre. Il leur est dédié.


Dans le livre, les passages où je m'enfuis, je les ai écrits à la troisième personne. Je suis sorti hors de moi. J’étais un personnage du roman que j’étais en train d'écrire. Je l'ai vécu comme ça, et c'est ça qui m'a aidé, je crois. Ce que j'ai écrit dans le livre est absolument vrai. Je n'invente rien, je ne romance jamais. En revanche, se prendre pour quelqu’un d’autre au moment où on est en train de vivre des expériences traumatisantes et difficiles, ça peut être une aide, ça peut être une force.