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Charmeurs de serpents : entre fascination et indignation

"Le serpent est terrifié, et tout ce qu'il cherche à faire c'est s'échapper". Ils fascinent les spectateurs et pourtant, de plus en plus de voix s'élèvent contre les charmeurs de serpents. Voici pourquoi.
Publié le
06
/
09
/
2020

Charmeurs de serpents : derrière le spectacle, la souffrance animale


Ces serpents ne dansent pas, ils paniquent ! Si les charmeurs de serpents peuvent fasciner les observateurs, ils indignent de nombreuses associations et citoyens.


« Le fait de charmer des serpents est un moyen brutal et illégal de gagner sa vie. Ce n'est pas nécessaire et c'est illégal en Inde ! » s’insurge Kartick Satyanarayan, porte-parole de Wildlife SOS. Si les charmeurs de serpents peuvent fasciner les observateurs, ils indignent de nombreuses associations et citoyens Notamment en Inde, berceau de la pratique telle qu'elle existe aujourd'hui.


« Pas de place dans un société civilisée » pour les charmeurs de serpents


« Il n'y a pas de place dans une société civilisée pour que des personnes attrapent des serpents, les emmènent et organisent une sorte de spectacle de divertissement avec eux », estime Gauri Maulekhi, défenseure de la cause animale. En Inde, les charmeurs de serpents appartiennent aux castes sapera ou sapuakela. Traditionnellement, leur rôle dans les communautés est de venir en aide aux familles chez qui des serpents se sont introduits et de soigner les morsures.


« Depuis l'époque de nos ancêtres, nous exerçons cette profession. Plus de sept générations de nos familles l'ont faite, et nous aussi. C'est notre malchance que nos enfants n'aient pas de travail pour les entretenir. Nous sommes appelés chaque fois qu'il y a des animaux dangereux qui entrent dans vos maisons ou dans vos champs et nous allons les attraper courageusement », témoigne Buti Nath, charmeur de serpents.


Les serpents mutilés


Au cours du XXème siècle, les touristes sont devenus pour eux une nouvelle manne financière, ce qui a parfois entraîné des modifications dans leurs pratiques. Aujourd'hui, les serpents sont parfois mutilés. Leurs glandes contenant le venin sont arrachées et leur bouche est cousue pour éviter les morsures qui peuvent être mortelles chez certaines espèces, comme le cobra indien, l'un des serpents les plus utilisés par les charmeurs.


« C'est important de comprendre que le venin des serpents venimeux, comme les cobras, sont très concentrés en protéines. Des protéines dont les serpents ont besoin pour digérer leur nourriture. Si vous les retirer, c'est comme retirer la bile de votre estomac. Il ne va pas être capable de manger ou de digérer sa nourriture », explique Kartick Satyanarayan.


Il ne danse pas, il est effrayé


Il poursuit : « Énormément de serpents meurent à cause de cette pratique, parce que quand les charmeurs de serpents capturent le serpent, ils leurs brisent les crochets, ils leur extraient le venin ou lui détruise les glandes à venin. Parfois, ils lui cousent même la bouche du serpent. Bien sûr, le serpent va commencer à s'affaiblir. Ils ont souvent des infections de la bouche, ils s'affaiblissent de plus en plus chaque jour. »


Et si, dans l'imaginaire collectif, le serpent se met à danser au rythme de la flûte du charmeur de serpent, la réalité est tout autre... « Les serpents n'ont pas d'oreilles, ils ne peuvent même pas entendre la musique que les charmeurs de serpent jouent. La seule chose qu'ils font, c'est qu'ils observent le charmeur. Il s'assoit en face du serpent avec sa flûte et bouge de manière constante. Il bouge aussi ses genoux quand il s'assoit accroupi auprès du serpent, donc le serpent suit du regard la flûte, les genoux, ou un objet en mouvement qu'il assimile à une menace. Il ne danse absolument pas. Il est terrifié. La seule chose qu'il souhaite, c'est s'échapper », développe Kartick Satyanarayan.


« Lui arracher la totalité de la peau comme si c'était un bas »


Stressés et affamés, les serpents s’affaiblissent rapidement. Ils finissent généralement par mourir d’épuisement ou sont mis à mort. « Un serpent n'est capable de relever sa tête que grâce aux muscles du cou. Dès que ces muscles deviennent fébriles, il n'en est plus capable. Il va laisser sa tête en bas, et le charmeur de serpent va clouer sa tête sur un arbre, prendre une lame, couper sous le cou et lui arracher la totalité de la peau comme si c'était un bas. Vous pouvez imaginer la douleur atroce, l'agonie que le serpent traverse. »


Jugée cruelle et contraire aux lois sur la protection de la faune, cette pratique est illégale en Inde depuis 1972 et l’adoption du Wildlife Protection Act. Malgré l'interdiction cependant, les charmeurs de serpents ont longtemps été tolérés, et la loi était rarement appliquée. Toutefois, depuis le début des années 2000, les charmeurs de serpents ont constaté un durcissement de l'application des peines.


Souvent très précaires, les charmeurs s'indignent


« Les responsables forestiers ont commencé à nous attraper. Ils ont donné cet ordre : "Si vous voyez des charmeurs de serpents, attrapez-les et enfermez-les derrière les barreaux, et libérez leurs serpents." Si nous laissons nos serpents, que ferons-nous ? Il n'y a rien d'autre pour nous. Nous n'avons pas d'autres affaires, nous n'avons pas de terres, pas d'autres moyens de subsistance », désespère Mangal Nath, charmeur de serpents.


Souvent très précaires, les charmeurs s'indignent qu'on les empêche de pratiquer une tradition souvent transmise de père en fils, qui s'avère, de plus, être leur principal moyen de subsistance. Plusieurs manifestations ont été organisées pour réclamer le droit d'exercer leur activité. Aujourd'hui encore, plusieurs centaines de milliers de charmeurs de serpents travailleraient illégalement sur le sol indien.