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Les menaces qui pèsent sur les tortues marines
Comprendre les menaces qui pèsent sur les tortues marines (avec Léa Camilleri)
Léa Camilleri part au CESTMed (Centre d'Études et de Sauvegarde des Tortues Marines de Méditerranée), un centre de soin pour les tortues marines. Le but : comprendre les menaces qui pèsent sur les tortues marines et pourquoi elles sont le témoin direct de la pollution plastique en Méditerranée.
Depuis plus de 150 millions d’années les tortues marines peuplent nos océans. Pourtant aujourd’hui, on estime que la quasi-totalité des espèces de tortue est menacées ou grandement menacée.
Les tortues du CESTMed, le centre d’études et de sauvegarde des tortues marines de Méditerranéen, sont récupérées par les pêcheurs. Lors qu’ils en trouvent dans leurs filets, ils appellent le CESTMed, conscients du fait que la tortue marine est une espèce en voie de disparition. « Même si physiquement elles ont l’air d’aller bien, on les prend parce qu’on ne sait jamais, elles peuvent avoir du plastique en elle ou alors un hameçon. Donc, on récupère toutes les tortues marines » explique Cindy Capdet, employée au CESTMed.
Le CESTMed est implanté au Sud de la France et existe depuis 15 ans. Ils s’occupent d’à peu près 500 tortues. La majorité des tortues du CESTMed est la tortue caouanne, l’espèce de tortue marine la plus répandue en Méditerranée et dans le monde, ainsi que quelques tortues vertes. La différence entre ces espèces se situe au niveau des écailles frontales : la tortue caouane a 4 écailles frontales alors que la tortue verte, par exemple, en a que deux.
Les tortues caouanes peuvent peser jusqu’à 80 kilos et mesurer 1 mètre de long. C’est donc la troisième tortue marine la plus grosse. La première étant la tortue luth, qui peut faire jusqu’à 2 mètres et 900 kilos. Il y a sept espèces de tortues marines dans le monde. La tortue imbriquée par exemple, est en train de disparaître à cause du braconnage, parce qu’elle possède une très belle carapace. Il existe aussi la tortue à dos plat, la tortue caouane, la tortue verte, la tortue luth, la tortue olivâtre et la tortue kemp.
Les tortues se nourrissent de poisson comme le hareng. Au CESTMed, elles sont nourries jusqu’à 5 fois par jour. En revanche, elles peuvent tenir pendant 4 mois sans manger.
Certaines tortues capturées dans des chalutiers, ont été un peu brulée à certains endroits à cause de la friction du filet. Le CESTMed s’occupe également de leur prodiguer ses soins pour traiter ces plaies. Mais chez les tortues, la cicatrisation est beaucoup plus rapide que pour l’Homme et les plaies ont moins de risque de s’infecter. Comme les tortues marines sont des animaux sauvages, chaque manipulation les stresse. Les employés du CESTMed essayent donc d’en faire le moins possible.
Les principaux dangers pour une tortue marine adulte sont les hélices des bateaux qui peuvent leur couper la carapace, la pollution marine et les filets de pêches. Lorsqu’elles arrivent à l’âge adulte, elles ont très peu de prédateurs. « En Méditerranée par exemple, il n’y a que le requin blanc » précise Cindy Capdet, employée au CESTMed.
Toutes les tortues récupérées par le CESTMed sont vouées à être relâchées, mais il y a quelques exceptions. Il y a notamment une tortue particulière qui est gardée au Seaquarium, juste à côté du CESTMed. La carapace de cette tortue marine a été coupée en deux par une hélice de bateau. Lorsqu’elle a cicatrisé, sa carapace était plus légère à certains endroits. Il a donc fallu lui mettre deux plombs derrière la carapace pour la stabiliser et qu’elle puisse nager et se nourrir. Le problème, c’est que la carapace d’une tortue mue. « Donc, il y a des écailles qui s’en vont, donc les plombs peuvent s’enlever. Donc cette tortue-là ne peut pas être relâchée en mer parce que si on la relâche et qu’un plomb lâche elle est condamnée à rester la tête en bas et à ne pas pouvoir se nourrir » explique Cindy Capdet, employée au CESTMed. « Si vous la relâchez ça serait la condamner en fait » résume Léa Camilleri.
Au-delà des soins prodigués aux tortues, il y a aussi un véritable travail scientifique qui est effectué au CESTMed. Delphine Gambaiani est biologiste au CNRS. Elle explique que le but de son travail au CESTMed est de récupérer un maximum d’informations, dans un but de conservation de protection de l’espèce. « Ces tortues, l’Europe a choisi de les utiliser comme indicateur de déchets en mer. Ce qu’elles ingèreraient, ce qu’on trouve dans leur tractus digestif ça serait représentatif de ce qui a en mer en fait » explique la biologiste Delphine Gambaiani.
Après avoir été soignées, les tortues du CESTMed sont amenées à la Grande-Motte, à quelques kilomètres du centre de soins. C’est un centre de réhabilitation où elles sont en semi-liberté avant d’être complètement relâchées. Elles n’y restent que quelques semaines. « Le but c’est de les réhabiliter au milieu naturel, à faire en sorte qu’elles retrouvent un peu tous ces instincts naturels. Qu’elles puissent à nouveau manger du vivant et surtout nager. Retrouver la musculature qu’elles avaient avant d’arriver au centre » explique Jean-Baptiste Sénégas, directeur du CESTMed.
Les soigneurs retrouvent de nombreux déchets plastiques dans les tortues marines : emballages, bouts de gazon synthétiques, sacs plastiques, pailles… « Les fils, j’aurais eu tendance à croire que ce n’était pas forcément une menace parce que tu te dis que c’est tellement petit… » lance Léa Camilleri. « C’est ce qu’il y a de pire en fait, les cordes et les fils. Ça a tendance à faire des occlusions intestinales. L’intestin va se ramasser autour de ce fil et plus rien ne passe et c’est là où ça entraine la mort de l’animal » détaille Delphine Gambaiani, biologiste.
Grâce aux autopsies réalisées en 2017 et 2018 dans 4 pays (la France, l’Espagne, l’Italie et la Grèce), les biologistes ont pu mesurer le taux d’ingestion. Pour la France, sur les 38 individus autopsiés 81 % d’entre eux avaient des déchets plastiques dans le système digestif. En Espagne, l’échantillonnage était plus petit, mais tous les animaux autopsiés avaient des déchets dans le système digestif.
L'une des menaces principales qui pèse sur les tortues marines c’est donc la pollution plastique. À Palavas-les-Flots Léa Camilleri a rencontré Thierry Tsagalos, responsable Hérault de la Surfrider Foundation. Il explique que la Méditerranée n’échappe pas du tout à ce fléau. L’Europe est en effet le 2ème plus gros pollueur de plastique après la Chine avec 27 millions de tonnes de plastiques par an dont seulement 1/3 est recyclé.
Les océans sont envahis de pollution notamment dans 5 zones. Les déchets sont concentrés dans ce qu’on appelle des gyres océaniques, qui sont des tourbillons géants qui concentrent le plastique au même endroit. On estime que la plus importante de ces zones est dans le pacifique Nord. Pourtant, il se pourrait que la Méditerranée soit beaucoup plus concentrée en plastique que cette zone…
La tortue marine peut être un symbole de la protection des océans et permettre à tout un chacun d’avoir envie de vouloir protéger les océans. « On entend parler de vraiment beaucoup de choses (…) Mais, finalement on ne change pas nos habitudes et ça, c’est le plus long à faire (…) On a tous la possibilité de changer quelque chose » conclut Jean-Baptiste Sénégas, directeur du CESTMed.