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Pourquoi les attaques d'orques contre les bateaux se multiplient

"Des orques nous attaquent !" De plus en plus de vidéos montrent des orques s'en prendre à des bateaux. Pourtant, ce phénomène n'existait pas il y a encore quelques années. Alors pourquoi font-elles ça ? On a posé la question au chercheur Christophe Guinet.
Publié le
08
/
06
/
2023

Attaqués par des orques en pleine mer

Des orques qui prennent en chasse des bateaux et les bousculent parfois jusqu’à les couler, c’est un comportement qui étonne même les spécialistes. Nous sommes le 22 mai 2023, tout près du détroit de Gibraltar. Ce jour-là, c’est le bateau du marin skippeur du Vendée Globe Sébastien Destremau originaire de France qui va être pris pour cible pendant 55 minutes. Depuis quelques années, ce type de vidéos en face des côtes espagnoles, portugaises et même françaises se multiplient. Derrière ces témoignages, beaucoup de questions : qui sont ces orques ? S’agit-il d’attaques contre les humains ? Pourquoi font-elles ça ? On a voulu en savoir plus.

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Dans certains cas, ils vont jusqu’à briser ce safran et même pas que le safran, c’est-à-dire qu’en s’en prenant violemment au safran, ils vont même créer des voies d’eau à l’arrière de ces voiliers” explique Christophe Guinet, directeur de recherche CNRS au centre d’étude biologique de Chizé. Cette histoire commence à être médiatisée quelques années plus tôt, en 2020. Cette année-là, 52 poursuites d’orques sont signalées entre juillet et novembre, alors que ce phénomène était quasi inconnu jusqu'ici.

 

Les attaques par des orques se sont multipliées

D’abord, je n’y croyais pas tellement, et puis c’est à la répétition de ces événements que je me suis dit : on a un problème. Il y a des fois, c’est relativement peu violent, et des fois, c’est d’une extrême violence” indique Christophe Guinet. Les années suivantes, les signalements augmentent encore : 197 en 2021, 207 en 2022. Et la zone concernée est de plus en plus grande. Derrière ces comportements, des scientifiques identifient un groupe d’orques particulier, en danger critique d’extinction. “Lors de ces interactions, il y a des plaisanciers qui ont réalisé des vidéos, qui ont fait des photos, et c’est comme ça qu’on s’est rendu compte que c’était souvent les mêmes individus. On estime entre 40 et 60 individus cette population d’orques dits de Gibraltar ou chasseurs de thons et aujourd'hui, on a peut-être une vingtaine voire une trentaine d’individus qui pratiquent ces interactions avec les bateaux. On a une propagation de ce comportement” décrit le directeur de recherche au CNRS.

Il a filmé une orque dans la Manche

 

Dès le début, les tentatives d’explications prolifèrent concernant les raisons qui pousseraient ces animaux marins à attaquer des bateaux en France te dans le reste du monde. Des biologistes mettent en cause la levée du premier confinement pour expliquer les attaques perpétrées par les cétacés. Selon eux, la reprise du trafic maritime aurait déstabilisé ces orques. “Mes collègues espagnols, qui travaillent sur place, disent que les premières observations ont été observées en 2017, donc c’était antérieur à la crise du Covid. Par contre, peut-être que ce qui a restimulé les orques, c’est qu’après une période de quasi absence de bateaux de plaisance dans la zone, il y a eu beaucoup de bateaux qui sont arrivés” commente Christophe Guinet.

 

Plusieurs hypothèses avancées par les chercheurs

En mai 2023, plusieurs médias relaient l'hypothèse de la vengeance d'une femelle. L’une des orques aurait subi un “traumatisme” lors d’une collision ou d’un piégeage. C’est ce choc qui l’aurait conduite à s’attaquer aux bateaux et à apprendre ce comportement aux autres orques. “L’hypothèse récente de la revanche, pour moi, ne fait véritablement pas de sens. Déjà, par le fait que si on retrace l’historique de ces interactions, il a été blessé après que ces comportements aient débuté. Je ne qualifie pas ça d'attaque parce que si vraiment ils voulaient systématiquement couler le bateau, ils le feraient. Il suffit qu’ils percutent avec leur rostre la coque en polyester et ces bateaux couleraient” affirme le directeur de recherche au CNRS.

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D’autres scientifiques, comme Christophe Guinet, y voient plutôt la transmission d’une sorte de nouveau jeu. “Pourquoi je qualifie ça de jeu, c’est qu’a priori, il n’y a pas de bénéfice à ce comportement, c’est-à-dire qu’ils n’en retirent pas de nourriture. Alors qu’on pourrait considérer l’apprentissage de nouvelles techniques de chasse sur de nouvelles proies, là, ce n’est clairement pas le cas. Chaque fois que malheureusement des voiliers ont coulé, que les gens sont montés sur des annexes, ils ne s’en sont jamais pris ni aux annexes ni aux gens qui ont sauté à l’eau pour monter dans les annexes. C’est pas ça qui les intéresse, c’est plutôt la partie safran. Est-ce qu’ils ont compris que le safran, c’est ce qui permettait de diriger le voilier ou est-ce que comme le safran est à l'arrière de l’hélice, ils peuvent se faire tirer… C’est que les observations en mettant des caméras sous l’eau, sous la coque des bateaux qui vont permettre d’invalider ou de confirmer ces hypothèses” indique le chercheur.

 

“Les craintes qu’on a, c’est que des gens aient peur et s’en prennent aux orques”

Des scientifiques et des associations se sont rassemblés au sein du “Groupe de travail des orques de l’Atlantique”. Ils cherchent aussi des solutions pour limiter les dégâts. En 2023, plus de 45 interactions ont déjà été signalées. Parmi les recommandations, le chercheur préconise d’éviter les zones “où on a la plus forte probabilité de remonter ces orques” et puis “à plus long terme, c’est entrer dans un travail de longue haleine de déconditionnement c’est-à-dire associer ce comportement à quelque chose de désagréable pour les orques. Ça, ça ne peut être fait que dans le cadre d’une démarche scientifique. Il ne faut pas que ce soit chaque plaisancier qui essaye sa technique sans se coordonner avec les autres”. 

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Le directeur de recherche ajoute en conclusion : “Aujourd’hui, c’est une énorme source d'inquiétude, à la fois pour les plaisanciers. Ces dernières semaines, on était à trois interactions par jour dans la zone du détroit de Gibraltar, avec des dommages économiques sur les voiliers, le stress généré pour les plaisanciers. Et puis c’est une source d’inquiétude pour cette petite population d’orques : les craintes que l’on a, c’est que des gens ayant peur s’en prennent aux orques en leur tirant dessus, en utilisant des moyens plus ou moins légaux pour les repousser”.